La psychanalyse, rejoignant les sciences dites positives, affirme que tout acte manqué est un discours réussi. Elle s’apparente en cela à la phrase provocatrice du grand Albert Einstein qui dit qu’« Une personne qui n’a jamais commis d’erreurs n’a jamais innové ». Une solide base de réflexion pour aborder autrement nos soi-disant ratés…
L’échec, au-delà des apparences, cache en son sein des vertus insoupçonnables. Selon Thibaud Brières, philosophe et consultant en entreprise, en France un entrepreneur qui a échoué est mal vu, alors qu’il s’en trouve valorisé Outre-Atlantique. Pourtant, le Français Gaston Bachelard a admirablement prouvé dans sa thèse « La formation de l’esprit scientifique » que le progrès scientifique n’est qu’une suite d’erreurs rectifiées… Arrêtons donc une fois pour toutes de nous dévaloriser et corrigeons notre point de vue sur la question !
Le fondement de l’apprentissage
Tout apprentissage est jalonné d’échecs. Les meilleurs pédagogues le savent. Ainsi, un enfant qui apprend à marcher échoue de nombreuses fois avant de parvenir à garder son équilibre. L’erreur des parents consiste souvent à projeter leur propre déception sur le petit d’Homme bien qu’il soit tout à fait à même de progresser malgré ses chutes. Le vrai danger revient à vouloir le plaindre et ainsi le conforter dans l’échec. D’autant que
la chute n’est pas un échec, a dit Socrate.
L’échec c’est de rester là où on est tombé. Difficile de faire plus explicite. Resituée dans notre quotidien, la sagesse demande donc d’accepter ses erreurs de parcours, ne plus les diaboliser mais, au contraire, les analyser pour avancer.
L’échec est au fondement de la réussite, dit encore Lao Tseu. C’est lui seul qui permet la remise en question, source de changement profitable. Pour exemple, rester indéfiniment fixé sur une vision négative quant au divorce n’est pas la meilleure façon pour s’épanouir. En faire un vecteur d’apprentissage s’avère beaucoup plus constructif pour la suite. Idem pour un examen raté. Soit il faudra retenter l’épreuve avec enthousiasme à la lumière de l’expérience, soit cet échec apparent signale qu’il vaudrait mieux changer de voie. Quoi qu’il en soit, l’échec renvoie à l’humilité évolutive plutôt qu’à l’arrogance statique, Thibaud Brières allant jusqu’à parler de
la vertu corrective de l’échec et de la vertu dormitive du succès… N’oublions pas que la réussite aussi possède son corollaire inversé : elle peut enivrer. Combien de célébrités d’un moment s’y sont brûlé les ailes ?
J’ai connu toutes les formes de déchéance, même le succès, lance l’académicien Jean d’Ormesson, formule qu’il a empruntée à Emil Cioran.
Un puissant stimulant
On apprend peu de la victoire mais beaucoup de l’échec, dit un proverbe japonais. Oui, l’échec peut devenir un stimulant très puissant. Vu d’une façon évolutive, il sollicite les plus belles énergies de revanche – et surtout pas de vengeance –. Ainsi, l’enjeu n’est pas l’échec mais sa transformation positive.
L’important n’est pas ce qu’on a fait de moi, écrit Jean-Paul Sartre,
mais ce que je fais moi-même de ce qu’on a fait de moi. Autrement dit, rien ne sert d’accuser le monde entier de déboires apparents, l’essentiel exigeant de se demander comment rebondir, plutôt que de ressasser une notion d’injustice. Échouer est une matière première, une opportunité pour se surpasser.
Non à la fatalité !
Nous avons perdu une bataille, mais nous n’avons pas perdu la guerre, affirmait Charles de Gaulle au lendemain de la défaite de 1940. Ainsi, dire non à la fatalité demande d’envisager la situation à long terme et ne pas s’arrêter au présent. L’échec n’est que momentané. Ce n’est qu’après coup, en faisant confiance au temps et en persévérant dans la voie choisie que nous pourrons le relativiser.
Le succès consiste à aller d’échec en échec sans perdre son enthousiasme, disait de son côté Winston Churchill. Quant à Guillaume Ier d’Orange, il engageait à ne jamais baisser les bras :
Il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer. Et si,
in fine, nos errances apparentes n’étaient que des poteaux indicateurs, et rien de plus, sur notre chemin de vie ?
Vivian Bardy