L’expression « lâcher prise » est aujourd’hui largement utilisée dans le domaine du Développement personnel. Elle nécessite quelques éclairages car son sens se confond parfois avec une attitude faussement zen, consistant en un détachement illusoire des contingences de ce monde.
Lâcher prise consiste en effet essentiellement à ne plus entretenir de conflits intérieurs inutiles. Ainsi, l’énergie libérée devient enfin disponible pour accomplir de justes actions, voire pour mener des combats loyaux…
Une parole libérée
Dans son ouvrage « Pratique de la voie intérieure », Karlfried Graf Dürckheim évoque le lâcher-prise en ces termes, citant Maître Eckhart :
Le lâcher dont il s’agit est un « se confier »… Ainsi, lorsque qu’une problématique résiste, il semble important de pouvoir faire appel à un tiers plutôt que de tout garder à l’intérieur de soi. Les psychologues savent combien les non-dits peuvent se révéler oppressants et dévastateurs. La mise en mots constitue donc un premier stade possible du lâcher-prise. Le fardeau peut être déposé chez un psy, mais également chez tout autre professionnel inscrit dans la relation d’aide, formé à l’écoute. Lorsqu’il s’agit d’une inquiétude ponctuelle, une consultation avec un voyant, un tarologue ou encore un astrologue, contribue efficacement à soulager des tensions existentielles.
Des retrouvailles avec soi
Dans la pratique japonaise du
zazen (l’assise en silence), le véritable lâcher-prise intervient lorsque la posture est stable et ferme.
Au même titre que l’attitude contractée, précise Dürckheim,
l’attitude dissolue (« se laisser aller ») gêne toute guérison. Autrement dit, il est nécessaire d’adopter un comportement consistant à accepter les événements de l’existence tels qu’ils sont, sans pour autant y être soumis. Cette forme d’acceptation s’oppose diamétralement à la notion de fatalité. Elle est au cœur de tout enseignement ésotérique, parapsychologique, spirituel ou psychologique ayant pour sens, grâce à un travail d’introspection, de véritables retrouvailles avec soi. En psychanalyse, on parle – à l’instar du psychiatre et psychanalyste britannique Donald Woods Winnicott (1896-1971) – d’un
vrai self plein de vie lorsque la carapace défensive devenue inutile du
faux-self a été abandonnée…
Renoncer à changer autrui
La sphère relationnelle constitue un espace où le lâcher-prise vient souvent buter. En effet, les tensions psychologiques sont de la partie lorsque l’attitude d’autrui ne cadre pas avec ce que nous imaginions. Pourtant, cette situation est une occasion d’apprentissage. Elle nous enseigne un renoncement essentiel : la pensée erronée selon laquelle il serait en notre pouvoir de changer quelqu’un qui, de principe, est fondamentalement différent. Abandonner cette quête illusoire revient à récupérer une énergie considérable puisqu’il n’est plus question de s’investir dans des conflits et des inquiétudes désormais inutiles. À l’inverse, la sérénité retrouvée ne peut qu’interroger favorablement alentour. Toute décision de lâcher prise, quel que soit le problème et aussi inquiétant soit-il en apparence, vise à intégrer et vérifier une réalité : chaque être humain a un chemin qu’il doit accomplir par lui-même, aussi complexe et déroutant qu’il puisse apparaître, mais dont lui seul possède les ressources et les clés pour en dépasser les écueils.
Serge Proudhon