Dans « La divine comédie », le grand poète Dante montre les hypocrites marchant à pas lents et paraissant abattus. Ils sont vêtus de manteaux éblouissants, faits d’or à l’extérieur mais de plomb à l’intérieur ! Sans en arriver là, avouons que nos manques de franchise nous empêchent parfois d’avancer sereinement sur notre chemin de vie.
Certes, être franc ne va pas sans quelques déplaisirs momentanés. Ainsi, lorsque la séduction tous azimuts n’est plus à l’ordre du jour, les faux amis s’éloignent. Mais quel gain d’énergie ! Et puis, les vrais amis − ceux sur qui l’on peut réellement compter − et même s’ils sont peu nombreux, émergeront du lot.
Savoir dire « non »
Dans son livre « L’art de la gentillesse », le psychologue Piero Ferruci évoque l’importance de savoir dire « non » : Au cours de ma carrière de psychothérapeute, j’ai entendu des dizaines de personnes qui disaient oui quand elles voulaient dire non… Pour nombre d’entre elles, l’incapacité à proférer « la » syllabe magique a eu un effet tout simplement dévastateur : cela les a conduites à vivre avec quelqu’un qu’elles n’aimaient pas, dans une maison qui leur portait sur les nerfs, en faisant un travail qu’elles détestaient. Cela les a contraintes à vivre une vie qui n’était pas la leur, parce qu’elles n’avaient pas eu le courage et l’honnêteté de dire une unique, brève, dure mais gentille parole qui leur aurait sauvé la vie et aurait épargné celle des autres : « Non ». Ainsi, il y a tout à gagner et certainement rien à perdre à rester en accord avec soi-même. Ne pas se leurrer consiste également à ne pas leurrer autrui avec de fausses acceptations qui se payent toujours un jour ou l’autre.
Les bienfaits de l’authenticité
Sofia M, intervenant sur un forum à propos de la franchise, ne mâche pas ses mots : Pour ma part, dit-elle, j’ai toujours dit ce que je pensais, que ce soit en famille, au travail, avec des amis… Et ça m’a plutôt réussi ! J’ai traversé à de nombreuses reprises ces situations où, connaissant mon caractère spontané et ma franchise, on m’a envoyé au casse-pipe. Sauf que, notamment professionnellement, ces faux-culs ont stagné, voire pris la porte de l’entreprise ! Sofia prend ensuite pour exemple l’écrivain George Sand. Tout simplement, continue-t-elle, parce que son credo, comme elle le disait, était que « la liberté de penser et d’agir est le premier des biens »… Toutefois, il n’est pas question de parler de façon débridée n’importe comment et à n’importe qui. Le seul bémol, conclut en effet Sofia, c’est de ne dire à tout interlocuteur uniquement ce qu’il peut entendre. Si cette nuance est respectée, charge à lui d’en faire ce qu’il veut : s’il veut l’utiliser à mauvais escient, ce sera son problème, avec des rétorsions à la clef !
Une libération communicative
Les gens qui n’ont plus peur de masquer leurs sentiments témoignent d’une véritable libération. Avant, lorsqu’on me demandait mon avis, avoue Jean, 45 ans, employé de bureau, je n’osais jamais dire ce que je ressentais vraiment. Jusqu'au jour où ma vie est devenue un énorme malentendu. Ma femme a fini par me quitter et j’ai suivi une psychothérapie. J’ai simplement compris qu’elle avait mis en acte ce que je ne m’étais moi-même jamais autorisé. Et même si j’ai souffert de cette rupture, j’y ai gagné en liberté de penser. Jean avoue qu’il n’a jamais tant communiqué que depuis cette épreuve qui, dit-il, l’a fait grandir. Ce qui confirme ce qu’écrit Piero Ferruci : Tant que l’on ne vit pas dans la vérité, on ne peut pas communiquer véritablement avec les autres. La confiance reste impossible, et la relation aussi. Tant que nous n’appelons pas par leur nom les dures réalités de la vie, nous vivons au pays des jouets. Il n’y a de place ni pour vous ni pour moi, mais seulement pour de douloureuses illusions. Sans la vérité, nous vivons une existence irréelle. Et la gentillesse ne peut exister dans un monde de masques et de fantômes…
Rénald Vivier
