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La psycho
dans Signes & sens
Ces patronymes difficiles à porter...
Faut-il vraiment les accepter ? |
Bitaubec, Vachier, Lanusse… Certains noms constituent un héritage dont on se passerait volontiers. Grotesques, insultants ou encore homonymes de tristes sires, ces patronymes causent bien des déboires à ceux qui en sont affublés. Faut-il pour autant en changer ou, au contraire, s’en accommoder ?
Parmi les noms « pas faciles », on songe d’abord aux injurieux: Cocu, Legland, Boudin, Pipi, Bordel… Sans oublier les étrangers, dont le nom, parfaitement dans la norme à l’origine, devient ridicule chez nous, comme Puddu ou Elbez. Et que dire des Assassin (surtout si, par un malencontreux hasard, ils habitent au 21 !), des Personne (imagine-t-on les multiples quiproquos qui doivent émailler leur existence ?) ou encore des Ouvreloeil (combien de fois, dans leur vie, n’ont-ils pas entendu : « Et le bon ! ») ?
Un héritage difficile
Il existe d’autres noms tout aussi invalidants, comme les Hitler (pas si rares en Alsace), Pétain ou Landru... Les homonymies difficiles à vivre ne se limitent pas aux sinistres personnages ayant marqué l’Histoire. Il ne doit pas être évident, de nos jours, de porter le nom d’un politique sur le devant de la scène. Et même avoir pour homonyme un personnage, faisant quasiment l’unanimité, ne peut pas être de tout repos. Difficile de s’appeler Brel aujourd’hui et de vouloir faire carrière dans la musique. Certains noms peuvent également s’avérer tout simplement mal assortis à celui qui les porte. Imagine-t-on un rugbyman s’appeler Fillette ou Minette ? Ou une femme plate comme une limande se nommer Grossins ? Dans un tout autre genre, plaignons les Dieu. De leur part, on s’attendra toujours au meilleur. Un Dieu ne peut ni décevoir ni échouer. Dieu est au-dessus de ça... De même, les Lebeau n’ont pas intérêt à mal présenter. Moins qu’à tout autre, on leur pardonnera leur laideur. Même chose pour les Lefort ou Legrand. Mieux vaudrait qu’ils ne soient pas des gringalets !
Attention aux mots d’esprit
Les quolibets peuvent parfois tourner au harcèlement. A l’école par exemple ou, tout simplement, au téléphone (on ne compte plus les Cocu dérangés à toute heure du jour ou de la nuit par des petits malins). Sans oublier toutes ces petites choses qui pourrissent la vie. Imaginez un Vachier ou un Conard arrêté par des policiers qui lui demandent son nom... Comment ces représentants de l’ordre vont-ils réagir ? Les personnes affublées de ce type de nom peuvent finir par craquer. Depuis 1803, une loi promulguée par le Consulat autorise le changement de patronyme si celui-ci porte préjudice. 32 000 personnes auraient eu recours à cette procédure depuis. Parmi eux, on trouve au premier rang les inévitables Cocu mais aussi les Bordel, Salaud et autres Putin. Pour changer de nom, il faut faire publier son intention, ainsi que le nouveau patronyme choisi, dans le Journal Officiel et dans un journal d’annonces légales. Il faut ensuite s’adresser au Garde des Sceaux, en écrivant une lettre expliquant les motifs de la demande. Le changement sera autorisé seulement si le solliciteur parvient à prouver de façon irréfutable le préjudice subi. Tous les ans, le Conseil d’État autorise près de 800 changements. Le plus souvent, le nom n’est que légèrement modifié, une lettre suffisant parfois à ôter le ridicule. On ne compte plus les Labitte devenus Lafitte ou les Bordel devenus Borel. Il n’est toutefois pas toujours évident de changer de nom. N’est-ce pas renier sa filiation, ses racines, son héritage ? N’est-ce pas abdiquer ce qui fait sa singularité ? C’est pourquoi, au sein d’une même famille, certains choisissent le changement et d’autres préfèrent rester fidèles à leurs origines. Sans doute ceux-ci s’approprient-ils l’aphorisme de Jean Cocteau : « Ce qu’on te reproche, cultive-le, c’est toi »...
Dominique Biraud
« Ma vie a changé depuis que
j’ai pris le nom de mon mari »
Marina s’est mariée à 18 ans. Cela paraît bien jeune. Et si son amour pour son mari est hors de doute, il est possible que son nom de jeune fille ne l’ait pas incitée à faire traîner les choses. Je m’appelais Partouze. Ce n’est peut-être pas le pire nom qui existe et, pourtant, ce n’était vraiment pas facile à vivre. Toutes ces blagues subies à l’école. Toutes ces fois où on m’a dit : « Eh, on se fait une partouze » ! Aujourd’hui, j’ai un nom tout ce qu’il y a de plus banal... Bien sûr, ce n’est pas pour ça consciemment que j’ai épousé mon mari. Mais à partir du moment où je savais que c’était l’homme de ma vie, pourquoi attendre ? Je dois dire que, quotidiennement, c’est beaucoup plus simple. Ma vie a vraiment changé depuis que je ne porte plus mon nom de jeune fille »...
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