L'intelligence est nécessaire à la compréhension d'une situation nouvelle dans un monde en perpétuel changement. Grâce à elle, l'Homme sait trouver rapidement la réponse à de nouveaux problèmes qui lui sont posés à un moment précis et traiter en conséquence une situation donnée. Plus cette réponse est rapide, plus on peut parler d'intelligence. Plus longtemps l'humain fait appel à un système de connaissances, plus on doit parler d'érudition ou d'apprentissage. Cette faculté intellectuelle de réagir dans un monde de plus en plus complexe et interactif est constatée, suivant qu'elle est sanctionnée par un succès ou par un échec. Elle est différente d'un individu à l'autre parce que chaque individu est unique.
Il existe beaucoup de formes d'intelligence. Elle peut être globale, synthétique, analytique, intéressée ou émotionnelle. Elle implique donc un potentiel qui existe chez chaque individu et qui peut être éventuellement mesuré suivant des paramètres plus ou moins arbitraires ou subjectifs.
Nous avons l'habitude d'affirmer que, théoriquement, tous les Hommes pourraient être des génies... si certaines conditions favorables en début de vie, biologiques ou sociales, puis dans l'éducation, étaient réunies. Nous avons tous dans notre cerveau les mêmes neurones mais nous ne savons pas tous les utiliser au bon moment. L'intelligence peut être favorisée par le milieu culturel dans lequel nous sommes nés, mais aussi par le climat social et émotif dans lequel nous faisons nos études. Les émotions que nous dégageons en face de nos professeurs favorisent ou limitent notre capacité de compréhension. Comme tout mécanisme, l'intelligence, l'art de relier différents éléments d'un puzzle ou facteurs entre eux par un raisonnement subtil, a besoin d'exercice pour assurer son bon fonctionnement.
L’intelligence fonctionnelle
Il y a de multiples formes d'intelligence sur Terre et peut-être sur d'autres planètes. Dès qu'il y a vie, il y a intelligence. Contrairement à ce que pensaient nos ancêtres, la science nous a appris que l'intelligence n'est pas le propre de l'Homme. Les animaux, et pas seulement les animaux supérieurs, ont aussi une certaine forme d'intelligence pour survivre ou se reproduire. Ils ont l'habitude de faire face à des prédateurs et la ruse leur est souvent utile pour se sortir de leurs situations embarrassantes. Le chat surpris par un ennemi potentiel va brusquement hérisser son poil dans le but d'effrayer son adversaire, alors que le hérisson va se mettre en boule. Les oiseaux migrateurs ou les pigeons voyageurs n'induisent aucune réflexion quand ils disposent de leur pilote automatique pour voyager sur des milliers de kilomètres et leur intelligence reste toujours un mystère. Plus les animaux supérieurs se rapprochent de l'Homme (chimpanzés, grands singes), plus ils ont des comportements intelligents (art de casser des noix, de fabriquer des instruments). Cependant, l'intelligence animale semble plutôt globale, pratique, innée et instinctive. Dans tous les cas, l'intelligence est fonctionnelle ; elle n'existe pas à l'état pur et permanent, même chez l'être qui a atteint l'état supérieur de l'évolution des espèces : l'Homme. À l'opposé, la nature ne semble pas dénuée d'intelligence mais elle a l'intelligence mécanique d'une horloge réglée à l'heure : le soleil se lève et se couche à la seconde près. L'intelligence végétale s'est adaptée aux changements climatiques : certaines plantes, tout comme certains animaux, ne peuvent vivre que dans les déserts.
Pour en revenir à l'intelligence humaine, celle-ci se caractérise par cette petite étincelle qui lui permet de réagir rapidement à une situation nouvelle, voire imprévue, qui n'existe ni chez l'animal, ni chez les machines les plus sophistiquées. L'ordinateur, d'apparence plus intelligente, ne dispose en fait que d'une plus grande mémoire mais il a une intelligence plus limitée : il ne peut répondre qu'aux questions pour lesquelles on l'a programmé et, en matière de nouveaux virus, il n'est pas supérieur à l'Homme. Le vol d'un avion de ligne n'est jamais à l'abri d'un paramètre de vol imprévu, d'ordre météorologique ou défaillance humaine, à l'occasion duquel le commandant devra abandonner momentanément son pilote automatique et reprendre les commandes manuelles. Dans notre monde hyperautomatisé, seul l'être humain a toujours le dernier mot et ce, grâce à son intelligence...
Intelligence et ambivalence
Au cours de la Deuxième Guerre Mondiale,
l'Intelligence Service britannique – qui portait bien son nom – a su déjouer la supériorité militaire allemande sur les mers, en plus de la ruse, en s'emparant un jour du code secret de transmission des sous-marins allemands. Il a pu ainsi les localiser tous immédiatement, pour les envoyer ensuite au fond des mers. En débrouillant les fils d'une situation complexe, le cerveau humain arrive à accomplir des prouesses. Par quel mystère, nous ne le savons pas. Nous pensons seulement que l'intelligence se situe au niveau des neurones du cerveau parce que leur ablation peut la supprimer. Personne n'est arrivé à expliquer le mécanisme du cerveau humain pour expliquer le secret de sa réussite et c'est heureux. Cela garantit que l'Homme gardera son caractère humain avec sa part de réussites, d'échecs et d'impondérables et ne deviendra jamais une machine. Cette singularité lui assure le maintien de ses parts de mystères, de rêves et de poésie dont il a également besoin.
L'intelligence humaine, même si elle paraît donc être la forme la plus évoluée d'intelligence, n'en garde pas moins ses limites face à la nature ou aux questions philosophiques et existentielles de la présence de Dieu ou de la vie après la mort. Par ailleurs et malgré ses ordinateurs les plus puissants, elle n'est toujours pas parvenue à prévoir le temps plus de trois semaines à l'avance ! Nous avons vu qu'elle était éphémère. Par ailleurs, dès qu'elle s'articule sur un système plus ou moins organisé de connaissances, elle devient dépendante et perd son objectivité. L'intelligence humaine n'a pas encore réussi à limiter le nombre de malheureux sur Terre, au contraire. Le nombre de personnes vivant en-dessous du seuil de pauvreté ne cesse de s'accroître, même dans notre propre pays. Lorsqu'elle est de plus en plus utilisée à des fins de profit (l'obsession de la rentabilité et de la productivité chez les hommes d'affaires), elle peut se retourner contre l'Homme qui joue à l'apprenti-sorcier. Les entreprises, piégées par la spirale des délocalisations dans un but de rentabilité, utilisent une intelligence à courte vue puisqu'elles finissent par appauvrir leur propre environnement immédiat, dont elles continuent de dépendre d'une manière ou d'une autre. La nouvelle société qui incite tant ses membres à vivre une meilleure qualité de vie, en dehors des ghettos urbains, s'enferme dans ses propres contradictions. Empêtrée au milieu de ses impératifs de rentabilité et de productivité, elle abandonne dans le même temps toute idée de maintien de service public en province. Où se trouve alors l'intelligence dans tout cela ?
Philippe Duhamel