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Le développement personnel
dans Signes & sens
Comment adopter
l’attitude juste ?
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Selon l’adage, le juste peut dormir sur ses deux oreilles. Il semble néanmoins qu’adopter l’attitude adéquate ne soit jamais évident au quotidien. Autant dans la famille qu’au travail, voire dans des activités de recherches.
De nombreux « Ai-je bien fait ? », « Suis-je dans le vrai ? » s’infiltrent comme des questionnements redondants qui, à la manière de vêtements étriqués, paraissent coincer ou inhiber. Un positionnement équitable vis-à-vis de soi et vis-à-vis des autres ou du monde extérieur amène - en effet - à une forme d’interrogation, parfois lancinante. Interrogation qui, à terme, deviendrait symptomatique car trop emprunte de scrupulosité. Cela d’autant plus que l’attitude reste difficile à définir, étant relative au contexte social, affectif, statuaire, culturel… Il est parfois risqué d’être raisonnable quand cette posture implique de se dégager du plus grand nombre. Nous sommes aussi souvent très injustes, partiaux, de manière volontaire ou fortuite, vivant de même de nombreuses situations apparemment injustifiées. Comment distinguer alors le vrai du faux et trier le bon grain de l’ivraie ? Comment préserver une conduite qui ne nous rende pas malheureux de culpabilité et de rancœur ? Et, surtout, qui ne ternisse pas notre authenticité?
Malaise et imprécision
Bonnes fées et sorcières peuvent s’immiscer dans la vie comme dans les contes, c’est-à-dire autour du berceau ! L’enfant s’incarne, en ce sens, à la confluence des histoires parentales qui ressurgissent. Les adultes remettent alors en jeu la relation à leurs propres parents, de manière inconsciente. Un investissement solide, heureusement, permet au tout petit d’intérioriser une belle sécurité. D’un narcissisme bien affermi découlent, de manière certaine, des potentialités à une attitude loyale. Sous-évaluation ou surévaluation rendent, à l’inverse, l’équité malaisée ; la relation à l’autre se teinte alors de schémas d’idéalisation ou de dépréciation, facteurs d’erreurs d’appréciation. Les jeux de « Je t’aime car tu me hais » ou « Je te hais car tu m’aimes », complexifient la relation. Ils implicitent, au choix : « Je suis trop mauvais pour qu’un être apprécié m’aime » ou « Je suis trop bon pour aimer un être déprécié ». Une impossibilité émerge alors d’une prise en compte de toute valeur objective. Beaucoup d’énergie peut être mise au service de la tentative de récupération de ce qui n’est pas bon pour l’individu. Cette tentative est souvent vouée à l’échec, tandis que de larges potentialités restent inexploitées. Difficile acceptation d’une perte supposée et confusion entre ce qui est bon et ce qui est mauvais génèrent des attitudes injustes et sans justifications réelles ; retournement contre soi aidant, elle laissent perdurer malaise et imprécision.
Le groupe peut être trompeur
Si un certain bon sens est généralement le fait du plus grand nombre, la sagesse populaire (issue de l’expérience des générations et permettant un repérage de l’individu au sein du monde) n’est pas toujours adaptable à des situations particulières. Ainsi, une hirondelle ne fait-elle pas le printemps ! La sagesse collective, aussi juste puisse-t-elle être, n’autorise pas à l’Homme pris dans des perceptions subjectives, liées à son histoire, une assurance certaine. Elle constitue souvent malheureusement une sorte de vérification après-coup. Des expériences produites par des psychosociologues américains ont montré à quel point le groupe pouvait être trompeur et rassurant : l’expérience fut ainsi proposée à des sujets, d’abord séparés puis ensuite regroupés, d’indiquer la direction hypothétique d’un point lumineux projeté sur le mur d’une pièce totalement obscure (considérant que ce point ne bougeait pas en réalité mais que l’induction et l’absence de repère fixe conduisaient chacun à y voir un mouvement). Tous indiquèrent alors dans un premier temps une direction, chacun la sienne. Puis, lors du regroupement, un phénomène de résonance et de peur de la séparation fit que le groupe, en totalité, finit par voir le point se mouvoir dans le même sens, l’expérimentateur (pourtant au courant de la falsification) compris. La disposition correcte paraît donc d’autant plus délicate à adopter qu’elle n’implique pas toujours une sécurisation par le groupe. D’autre part, distinguer le vrai du faux, la réalité de l’effet, nécessite recul et pugnacité ; cela implique, de plus, parfois l’isolement. À ce sujet, l’histoire est tissée de chercheurs ayant été très seuls de par leurs découvertes qui ne correspondaient pas aux normes de l’époque ! Ainsi, différencier la norme (ponctuelle) de la loi (valable pour tous depuis toujours) n’étant pas inutile, il s’agirait de ne pas se laisser gagner par une tendance à l’uniformisation.
Être juste
Bien des tourments seraient évités si nous intégrions facilement la perception d’un sentiment proche d’une fiabilité objective. Combien de parents se sentent coupables après avoir donné une punition ou une fessée? Combien d’individus ont du mal à réagir après une dispute qu’ils pensent avoir provoquée ? Combien d’employés hésitent à quitter un emploi, perturbés par un patron bourreau ? Cependant, même si chaque situation est unique, adopter l’attitude juste, honnête, convenable, correcte, est possible. Les indications nous sont toujours fournies par les mêmes signaux : les limites. Effectivement, il y a des limites à ne pas dépasser ! Quel que soit l’âge de celui qui cherche à les dépasser. Le respect de ces barrières impalpables, abstraites, est moins banal qu’il n’y paraît au travers d’exemples du quotidien. Si Jules, 3 ans, en est à sa troisième tentative de la journée pour essayer de se baigner sans ses brassards, une petite tape sur les mains agiles à enlever les sécurités – accompagnée d’une nouvelle explication appropriée – inscrira le bambin dans la prévention. Quant à Hélène, qui raconte en être « venue aux mains » avec son mari, pour la énième fois, il s’agit de lui faire admettre qu’elle doit quitter son époux : celui-ci ne veut pas travailler. Or, les mains sont synonymes de labeur… Paul, lui, a continué plusieurs mois à vendre du matériel médical pour ses employeurs. Sans jamais voir venir la moindre rémunération, ni le moindre remboursement de ses frais de déplacement. C’est une avocate, qu’il a fini par accepter de rencontrer, qui s’est chargée de remettre de l’ordre dans cette funeste escroquerie. Les limites, protectrices, mettent toujours en lumière la preuve indubitable que nous attentons à nos pulsions de vie. Autrement dit, chaque fois que celles-ci sont menacées, il faut agir. L’existence n’est pas une devinette. Elle est enseignement et nous transmet, sans exception, de quoi nous préserver et préserver autrui. Là commence la probité.
Hugues Lavergne
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