Les panneaux publicitaires nous inondent, toutes saisons confondues, de mannequins le plus souvent très déshabillés. Corps de rêve offerts et l’invitation au voyage commence, aussi bien pour les femmes que pour les hommes. Nos projections s’émoustillent et même dans une ville désertée, le temps des vacances, par la plupart de ses habitants, nous voilà en charmante compagnie ! À chaque coin de rue, il y a du rendez-vous dans l’air car ce périple enchanté nous assure de découvertes et d’escales plus suggestives les unes que les autres…
Du côté des magazines people, le spectacle est le même, excitant nos sens les plus intimes puisque notre imaginaire ne peut que se déclencher à la vue d’images aussi sensuelles. On remarquera cependant que les contraintes de la pudeur et des lois, protégeant le chaland et le consommateur, nous frustrent juste ce qu’il faut au niveau du regard. Le haut peut être enlevé mais le bas recouvre la zone de plaisir la plus intime. Les sulfureuses et les sulfureux (car les hommes s’y mettent) se laissent habilement dénuder, créant l’illusion. Et ça marche dans la mesure où frustré d’une partie de ces anatomies, le regard en veut encore et « en-corps » ! L’appel devient irrésistible et, instinctivement, nous achetons puis dévorons les revues féminines et masculines qui affichent et allient au fil des pages plaisir esthétique et émotions les plus sensuelles. Mais que cache donc en vérité ce phénomène de société ?
Discrètement, souvent d’ailleurs à l’insu des professionnels concernés par ce type de publicités, le principe repose sur une évidence : la photographie, le cliché, ne permettant pas dans ce cas précis le contact direct avec les parties génitales, l’étalage visuel de tous les sous-vêtements renvoie inconsciemment au… fétichisme ! Il y a là de l’artifice qui touche à ce que décrit et classe déjà la psychiatrie de la fin du XIXe siècle en tant que « fétichisme en amour ». Effectivement, le fétichisme considère l’attitude érotique du sujet attaché essentiellement à des vêtements portés par le sexe opposé, qu’il s’agisse de collants, jupons, slips, chaussures etc... ou encore de gants… La liste est longue mais dans le cas des sous-vêtements, il existe la notion impérative d’un contact ambivalent et inhabituel avec les organes génitaux. Effectivement, ici la jouissance sexuelle se limite au toucher de l’objet fétiche ou simplement à la vue de celui-ci.
La psychanalyse explique que toute attitude fétichiste, aussi déguisée soit-elle, masque une angoisse dite de castration. Pour l’inconscient, le mécanisme de défense consiste à nier une réalité : l’absence de pénis chez la femme. C’est pour cette raison que le fétichisme se révèle surtout masculin. On le retrouve malgré tout aussi chez certaines femmes qui focalisent alors sur une singularité corporelle de leur partenaire : système pileux abondant, barbe, tout signe exacerbé d’une virilité elle aussi affichée…
L’étude clinique du fétichisme objective que cette pathologie concerne des individus pour la plupart introvertis, d’une timidité maladive, aux comportements affectifs puérils. Que ce descriptif ne vous stresse cependant pas ! Effectivement, la forme pathologique entraîne des passages à l’acte qu’il n’est pas question de rapprocher de l’attitude bien humaine de céder à la tentation de jeter un regard coquin sur un objet publicitaire aguicheur très en vue ! Il existe trente-six mille façons de toucher à tout, sans pour autant, on s’en doute, être guetté par l’asile… Et si Loana nous trouble lorsque la presse la dévêt, il faut savoir que se logent chez la plupart des individus des règles strictes de sécurité qui permettent de ne jamais dépasser les limites. Ne luttons donc pas, ne nous méfions plus, détachons notre ceinture car un rien de dentelle cachant peu pudiquement un sein ou une eau de toilette brandie par un bras, membre velu attaché à un torse tout aussi viril, ne sont jamais offerts que pour nous réveiller, éveiller nos sens et nous informer en beauté… En deux mots et tout « conte fée », le petit chaperon rouge n’a jamais existé et le grand méchant look ne nous détruira pas !
Jennifer Elkaïm
