L'avis du psy de Signes & sens
Vous traversez une difficulté, vous avez du mal à résoudre un problème, un conflit, à trouver une solution adaptée à une crise affective ou sociale, cet espace d’écriture est le vôtre. Quel que soit votre âge.
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Chantal Calatayud, psychanalyste,
didacticienne analytique, auteur,
répond à votre courrier…
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« La malchance me poursuit »
J’ai 37 ans et depuis que je me suis lancé dans des études d’architecture, la malchance me poursuit. Même si j’ai décroché mon diplôme. Jusqu’à la Fac, tout allait bien. En première année, j’ai rencontré Mauranne qui a commencé à me faire marcher sur la tête. J’ai appris au bout de quelques mois qu’elle me trompait, sans compter l’argent qu’elle me demandait en inventant des prétextes enfantins, ce que j’ai découvert plus tard. Elle m’a laissé tomber pour un copain de ma promo avec lequel elle s’est mariée au final. Partant de là, je suis allé de déception amoureuse en déception amoureuse. Dès que j’ai été archi, pendant les vacances qui ont suivi, j’ai chuté en randonnée pédestre et me suis cassé le bras droit. Pas sitôt remis, j’ai failli être écrasé par une voiture en traversant un passage piétons. Je vous passe mes somatisations diverses. Quant à mon job, je ne suis pas arrivé à m’installer à mon compte et je considère que je suis exploité financièrement mais avec la crise, je supporte… Toujours célibataire sans enfant, mon avenir me semble bouché. Est-ce ma destinée ?
Stéphane R. – 06800 Cagnes sur Mer
La réponse du psychanalyste
Je ne sais pas pourquoi me vient cette image mais je l’assume : le raccourci de votre vie me fait penser à un morceau de gruyère dont on ne verrait que les trous ! En dehors de l’aboutissement « heureux » (encore que…) de vos études, vous ne signalez rien de positif ! Il est sûr qu’en regardant votre quotidien de cette manière, vous ne pouvez que fortifier l’idée que vous êtes une victime qui a l’art de tirer le mauvais numéro. Je pense d’ailleurs que vous n’en êtes pas dupe mais les fameux bénéfices inconscients à envisager négativement les évènements qui se présentent à vous seront-ils définitivement les plus forts ? C’est vraiment à vous de décider d’inverser la vapeur, d’autant qu’un aspect semble tout de même vous échapper, c’est que vous ne restez jamais fixé sur l’obstacle : malgré vos déboires amoureux, vous rencontrez d’autres jeunes femmes, vos accidents corporels – aussi désagréables soient-ils – sont sans gravité, diplôme en poche vous trouvez du travail… La première prise de conscience à avoir, c’est que tout le monde n’exploite pas aussi bien ses capacités de résilience. Votre malaise vient donc d’ailleurs…
Vous signalez que la malchance vous poursuit depuis que vous avez démarré vos études d’architecture. Vous êtes-vous au moins posé la question de savoir pour quelle raison vous avez choisi cette voie ? Est-ce pour faire plaisir à vos parents ? Est-ce par idéalisation de cette profession ? Vous vous faites plaquer pour un étudiant en architecture, vous vous cassez le bras droit (dont vous avez a priori bien besoin dans votre profession), vous n’êtes toujours pas installé à votre compte… Vous ne voulez surtout pas vous avouer que cette profession – aussi noble soit-elle – ne vous convient pas ! Connaissez-vous l’histoire de ce jeune homme qui s’adressa à Socrate en lui demandant comment il devait s’y prendre pour atteindre la sagesse ? Le philosophe lui proposa de l’emmener jusqu’à une rivière proche. Une fois au bord de l’eau, il prit sa tête qu’il immergea jusqu’à ce qu’il en perde la quasi-totalité de son souffle ! Il le laissa remonter à la surface et s’adressa alors à lui en ces termes : « Que désirais-tu le plus lorsque tu étais sous l’eau ? ». « De l’air », répondit le garçon. Socrate continua : « Quand tu aspireras à avoir de la sagesse autant que tu aspirais à avoir de l’air quand tu étais immergé, tu la recevras »… Je sais que vous avez saisi le sens de la réponse de Socrate, Stéphane, mais n’oubliez jamais que lorsque vous ressentirez, réellement, une envie profonde de considérer les difficultés comme des miroirs évolutifs, vous les dépasserez avec, enfin, le plaisir d’exister…