L'avis du psy de Signes & sens
Un partenariat
"Psychanalyse magazine" et "Signes & sens"
Vous traversez une difficulté, vous avez du mal à résoudre un problème, un conflit, à trouver une solution adaptée à une crise affective ou sociale, cet espace d’écriture est le vôtre. Quel que soit votre âge.
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Chantal Calatayud, psychanalyste,
didacticienne analytique, auteur,
répond à votre courrier…
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« Mon frère est leucémique et veut se suicider »
Je viens d’apprendre que mon frère Jérôme, mon aîné de huit ans, est atteint d’une leucémie. Il parle de se suicider. Comment puis-je l’aider à combattre sa maladie pour qu’il ne s’enfonce pas dans la dépression ?
Roxane L. – 84000 Avignon
La réponse du psychanalyste
Même s’il est aisé de comprendre votre désir de venir en aide à votre frère, chère Roxane, ne développez surtout pas le complexe du sauveur… Pour la psychanalyse, la maladie a un sens et il est utile que tout malade apprenne à écouter et à comprendre son symptôme. D’autant qu’il ne s’agirait pas, par culpabilité interposée, que vous utilisiez fantasmatiquement la leucémie, voire la dépression de Jérôme, pour jouer un rôle (affectif et/ou social) que vous ne vous êtes peut-être pas autorisée jusqu’à aujourd’hui. Le risque serait grand de vous identifier à l’agresseur par rétorsion interposée. Nous devons cette expression à une des filles de Sigmund Freud, Anna, psychanalyste de renom, qui a expliqué avec talent que des mécanismes inconscients redoutables peuvent nous habiter. Et même si mes propos peuvent vous choquer, sachez que la discipline freudienne met en garde contre la difficulté de rester à sa place, notamment face à la maladie d’un membre de notre entourage. Effectivement, votre lettre ne dit pas quelle relation précise vous entreteniez jusqu’ici avec votre frère aîné. Il s’agit-là d’une première réflexion à prendre en compte, déjà tout simplement parce que si vos liens étaient distendus ou peu fraternels, Jérôme peut se réfugier davantage encore dans la maladie afin d’exercer, à son insu consciente, une sorte de contrôle, de pouvoir sur vous, ce qui, vous vous en doutez, majorerait en son principe davantage encore son état régressif inconscient à retombées somatiques. C’est donc au sein de notre propre famille que nous sommes le plus mal placés pour aider, quelle que soit la pathologie. Nos ennemis les plus virulents sont nos affects qui nous renvoient à des réactions affectives bien souvent névrotiques. Et cela malgré soi et malgré une bonne volonté sincère à vouloir soulager le malade. Ainsi, en matière d’altruisme, une grande prudence s’impose. Cependant, des signaux peuvent nous être adressés par le souffrant qui nous indiquent et nous aiguillent sur ce que nous pouvons alors mettre en place pour contribuer à l’essoufflement de son symptôme. Paradoxalement, et s’il est aisé de comprendre les angoisses de votre frère, le fait de parler d’un suicide potentiel constitue une menace qu’il dirige contre vous. Et même si cette attitude morbide a du fondement sur un plan humain compte tenu de la gravité que représente la leucémie, n’entrez pas dans ce jeu inconscient qui cherche à déclencher des peurs chez vous, auxquelles Jérôme pourrait succomber en retour. À l’inverse, discutez de cette menace avec lui pour qu’il sache que si vous la prenez bien entendu au sérieux, vous n’êtes pas sa thérapeute. D’autant que les hôpitaux ont tous maintenant des relais psychologiques à disposition pour des pathologies lourdes. Et surtout, positionnez-vous de manière à ce que votre frère puisse entendre que tout symptôme est là, aussi conséquent soit-il, pour nous permettre de réaliser que les maux ne sont jamais que des mots que nous n’avons pas libérés et qui viennent se cristalliser sur le soma, sur le corps, pour que nous les interprétions en tant que miroir d’étapes que nous n’avons pu traverser alors qu’il nous était donné de le faire. Ainsi aiderez-vous Jérôme à se détourner progressivement de ses pensées obsessionnelles, tout aussi légitimes soient-elles et à se désangoisser, ce qui opérera un rôle bénéfique majeur dans la prise en charge médicale de sa pathologie. Autrement dit, nous avons toujours tout intérêt à faire du symptôme notre allié lorsqu’il cherche à nous engloutir davantage. Ne plus redouter la maladie qui nous nargue revient à gagner un temps précieux au service du principe de guérison.