Et si la forme
n’excluait pas les formes ?
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Dès avant la naissance, la persécution commence : l’expression ambivalente « tomber enceinte » suggère déjà un accident. Le terme « engrossée » n’est pas mieux ! De là à considérer la nature comme contre-nature, il n’y a qu’un pas : attention à ne pas trop grossir ! Surveillons notre nourriture ! Pas question de manger n’importe quoi et n’importe comment...
En parallèle à ce « terrorisme », il faut que bébé se développe bien, qu’il ait le poids idéal à la naissance, et tout de même de bonnes joues. Puis, si l’enfant mange bien, maman sera satisfaite puisqu’elle se vivra bonne mère. Pourtant, cela ne va pas durer ! Si un bébé bien en chair est signe de bonne santé (quoique de nos jours…), il n’en reste pas moins que plus tard, il devra correspondre à un « canon » médiatiquement correct. L’apparence et ses exigences vont vite entrer en conflit avec un monde de tentations alimentaires. Ainsi, alors que la publicité pousse à manger, les magazines proposent des recettes anti-gros et anti-grosses. Le paradoxe est installé… Et l’hystérie aussi !
Qu’en pensent les hommes ?
« Les hommes préfèrent les grosses ! », voilà un titre de film qui en dit long sur l’attirance de ces messieurs pour les rondeurs du sexe opposé. Plusieurs sondages réalisés auprès de la gent masculine vont d’ailleurs dans ce sens. Tout objet rond, pour un inconscient, est rassurant. C’est peut-être pour cette raison que tant d’artistes tels Delacroix, Renoir, Rubens, Matisse, Ingres, Botero, ont peint et exposé des femmes pulpeuses et bien en chair. Décidément rien à voir avec le stéréotype du mannequin moderne…
Une différence qui parle
Pourtant, dans notre société formatée, le « gros » est montré du doigt. Il dérange la norme. Le regard, obnubilé par le seul critère physique, masque toute interrogation à accorder à un tel symptôme. La manifestation visible est parfois le résultat d’un conflit, d’un mal-être que de simples injonctions moralisantes ne suffiront pas à effacer. Tout au plus réussirait-on à rajouter de la culpabilité et à faire « grossir » le symptôme. Plus sage serait de s’occuper de la souffrance sous-jacente. Au cas par cas, selon l’histoire de chacun. Souffrir de surpoids peut renvoyer par exemple, comme le raconte Cathy, à une injonction toujours active inconsciemment, du type :
Une cuillerée pour maman, une cuillerée pour papa…, associant confusément nourriture et séduction. Bien d’autres interprétations et cause d’embonpoint peuvent être avancées. Mais il s’agira toujours de les lier au vécu du consultant. Ainsi, des « mots dits » ou des non-dits ont pu peser dans la balance, déjà pendant la petite enfance. À chacun d’en retrouver le sens.
Le ventre, centre vital
Si l’on en croit les représentations du Bouddha, un ventre proéminent n’est pas automatiquement un signe de déséquilibre. Bien au contraire. Selon le zen japonais, l’énergie vitale viendrait du ventre. Le
hara est en effet, selon cette discipline, le point d’équilibre du corps. Le psychologue K. G. Dürckheim en a fait le thème d’un ouvrage fort intéressant : « Le Hara, centre vital », publié aux Éditions Le Courrier du Livre. De quoi aider à résoudre nos petits complexes. On y découvre comment cette région abdominale est importante pour notre équilibre en tant que centre de gravité de l’Être. Prendre conscience de ce lieu anatomique et le reconnaître comme bénéfique à notre santé tant physique que psychique, voire spirituelle, fait naître une belle acceptation de ce que nous sommes et non de ce qu’un certain consensus ambiant voudrait que l’on soit. Alors, arrêtons de complexer sur nos formes arrondies. Et autorisons-nous une forme… à plein régime !
Claude Veg