Dans le monde animal, la séduction est un appel à la reproduction. La plupart des animaux mâles utilisent leurs petites méthodes pour devenir les élus de la nature. Dans le monde spirituel, elle est un appel à l’unité, à l’androgynat, l’alliance de l’animus et de l’anima si chers à Jung. Nous avons ainsi besoin de recréer les épousailles extérieures afin de retrouver l’unité en nous.
Mais, nous ne séduisons pas au hasard... Notre choix est toujours guidé par notre inconscient, celui-là même qui connaît nos désirs profonds et qui ne prend pas toujours soin de nous prévenir, c’est-à-dire d’amener à notre conscience la réalité et l’évidence de nos failles névrotiques.
Tel est pris qui croyait prendre…
Nous pensons, le plus souvent, être attirés par l’esthétique ou le charme d’une belle personne rencontrée au coin d’une rue : ce sera notre premier mensonge. En fait, cette personne va résonner en nous comme un écho. Nous savons inconsciemment qu’elle correspond au rôle que nous lui ferons jouer. Sans le savoir, nous écrivons le scénario de notre vie affective et en cherchons ensuite les acteurs parfaits. Le décor, l’ambiance, nous allons, tout au long de notre enfance, les intégrer en fonction de notre vécu, de ce que nous avons ressenti des événements de notre vie, de ce que nous avons vu du couple parental. Pas moyen de se défaire de ces empreintes familiales sans prendre conscience de notre absence de choix. En nous imaginant choisir l’être à séduire, nous oublions notre passé ; celui-ci se chargera ensuite de nous rattraper, induisant en nous un sentiment d’échec. C’est le fameux mais comment ai-je pu être séduite, ou séduire cet homme, qui ressemble tant à mon père, qui est infidèle comme lui et qui aujourd’hui me fait tant souffrir ? Comment ai-je pu me faire piéger ? Au début, je n’ai rien vu. Au début, tout était si parfait… L’autre, comme nous, est déguisé, paré, afin de ne faire voir qu’une partie de lui-même pour ainsi mieux tromper ; ce sera le deuxième mensonge.
Toute vérité n’est pas bonne à dire
Lorsque nous séduisons ou nous laissons séduire, nous ne revêtons pas nos vrais habits, nous truquons les cartes. Nous prenons soin de ne pas dire que nous sommes sadomasochistes, mégalomanes ou infidèles parce que notre seul modèle est notre père qui humiliait notre mère soumise. Nous oublions que séduire des hommes mariés,
par hasard, revient à nous mettre constamment dans une situation œdipienne nous amenant tantôt à la victoire donc à la culpabilité, tantôt à l’échec, donc à la dépréciation de nous-mêmes.
Ainsi, l’être humain séduit avec ses émotions mais il préfère cacher ses petites ou grandes névroses qui, pourtant ensuite, pourriront, abîmeront sa vie de couple. Peut-être vaudrait-il mieux rester authentique (ce qui exigerait de se connaître), sortir de cette séduction et rencontrer l’autre en s’acceptant tel que l’on est. Mais est-il possible de construire le couple sans ces premiers mensonges initiaux ? Est-il possible de dire à l’objet du désir :
Tu sais, tu m’intéresses parce qu’avec toi, je vais revivre mon drame infantile et, peut-être, le comprendre et le dépasser ou
Je suis une éternelle insatisfaite car ma mère m’a toujours dit que les femmes ne méritaient que peu et devaient s’en contenter et toi, je sais, je le sens, tu vas toujours être indisponible, tu ne voudras pas t’engager ; je souffrirai et je t’étoufferai par ma demande insatiable, toi qui as souffert par le passé d’une mère abusive dont tu n’arriveras pas vraiment à te défaire, d’où tes difficultés d’engagement avec les femmes… Mais, ne t’inquiète pas, nous nous en sortirons ; nous contournerons ces obstacles et transformerons notre réalité déformée...
Osons l’authenticité
Au fond, il faut sortir de la séduction utilisatrice et retrouver la beauté de l’être humain dans son ensemble, c’est-à-dire l’œuvre d’art qu’il représente dans l’Univers, le miroir qu’il offre mais aussi le côté ombre, attributs qui révèlent toute son unicité. D’ailleurs, sans mauvais côtés
, nous resterions égaux à nous-mêmes, voire deviendrions-nous béats. L’humanité, c’est la dualité. Il n’existe ni le bien ni le mal mais le faux et le juste, l’exploration devenant le sens du désir d’évolution. Osons l’authenticité mêlée à l’humour pour nous faire connaître de l’autre. Éliminons la peur de perdre qui nous oblige souvent à mentir sur nous-mêmes, l’orgueil qui nous empêche de nous voir avec compassion. Cessons de paraître pour commencer à être tout simplement.
Valérie Bossuet