Il y a moins d'un demi-siècle, les hommes tatoués appartenaient à une classe de la société considérée comme peu fréquentable : il s'agissait en grande partie de certains qui avaient un passé de détenu. Il y a eu ensuite les marginaux. Aujourd'hui, dès la majorité atteinte, il est de bon ton - et rarement de bon goût - de se faire tatouer ! De quoi être dérouté...
Les artistes, tous secteurs confondus - musique, cinéma, sport -, ont donné le coup d'envoi, le vulgum pecus a suivi, le musée du Quai Branly à Paris a organisé par le passé l'exposition " Tatoueurs, tatoués "... Et même lorsqu'on voit le torse dénudé de David Beckham, pourtant superbe athlète, musclé à merveille, on peut se dire que sans ces marques qui se veulent artistiques et messagères de quelques convictions personnelles, ce serait sûrement mieux. Mais le choc, c'est quand on découvre au bord de la piscine familiale que son héritier s'est fait tatouer en cachette. Devenu majeur, pas question d'aborder le sujet avec lui, d'autant que si on a le malheur d'essayer, les réponses argumentées fusent. Et si on constate que sa propre fille est passée, elle aussi, par le marqueur, on est carrément au bord de la crise de nerf ! On le sait bien : chez les autres, pas de problème mais sous son toit...
Étudier l'histoire du tatouage à travers le temps et le monde est certes passionnant car il traduit essentiellement une appartenance de caste symbolisée par ces dessins qui pouvaient être pratiqués aussi pour signifier des rites de passage ou à des fins thérapeutiques. Cette technique a servi également à identifier les prisonniers et les esclaves, sans oublier les animaux domestiques et d'élevage, marquage qui existe encore de nos jours pour ce qui concerne le monde animal. À l'inverse, il était de mise, notamment pour les dames et jusqu'à la Première Guerre Mondiale, d'avoir une peau la plus laiteuse possible. Ainsi, ombrelles, chapeaux et poudre de riz laissaient entendre qu'on ne travaillait pas aux champs. Aujourd'hui, la peau tatouée se veut réaction sociologique : dans un monde où le virtuel règne, cette mode aurait pour ambition plus ou moins consciente de servir d'ancrage (" encrage " ?). Malheureusement, à force de vouloir se " démarquer ", les addicts au tatouage tombent - sans le réaliser - dans le piège sociétal de l'uniformisation. Triste constat qui pousse à rappeler à l'ordre la jeune génération avec la célèbre phrase du psychanalyste Didier Anzieu : " La peau est la limite extrême du Moi ".