Si Dieu existe, il nous a conçus libres de nos actes et de nos pensées. Cependant, l’histoire de Faust et de sa quête de l’éternelle jeunesse nous montre qu’à vouloir réaliser notre fantasme le plus intime, on risque peut-être d’y perdre la face…
N’étant qu’une des nombreuses applications de la chirurgie plastique, la chirurgie esthétique ne représente qu’un faible pourcentage de l’activité des hôpitaux publics et universitaires. Pourtant, qu’il s’agisse de liposuccion, de plastie mammaire ou autre lifting, le sujet ne laisse pas indifférent. D’autant que la tentation est grande de répondre aux propositions (commerciales) qui se font de plus en plus pressantes. Autrefois réservée aux stars hollywoodiennes, la chirurgie esthétique devient en effet, depuis une quinzaine d’années, accessible au grand public. Il est même jusqu’à certains voyagistes qui combinent paysages paradisiaques et changements de look !
Primum non nocere
Alain Fogli, chirurgien plasticien à Marseille et président du Syndicat national de chirurgie plastique, condamne vivement ce nouveau tourisme chirurgical, via des agences qui, selon lui, respectent peu les règles élémentaires d’éthique. Locution latine signifiant « d’abord ne pas nuire », ce primum non nocere est un des principaux préceptes enseigné aux étudiants en médecine. Or, il faut savoir qu’une intervention de chirurgie esthétique n’est pas un acte banal et comporte les mêmes risques que toute autre opération chirurgicale. Il est donc important de prendre toutes les garanties nécessaires : identifier clairement l’indication, avoir des entretiens préalables, s’assurer d’un suivi postopératoire, consulter trois chirurgiens différents, prendre le temps de la réflexion. Et même si toutes les précautions sont réunies, un lifting peut parfois aboutir à un échec catastrophique en terme d’argent et de résultat final. De nombreux exemples médiatisés sont là pour en attester.
Depuis la découverte, à la fin du XIXème siècle, de l’anesthésie, il est donc possible de pratiquer des interventions non médicales, c’est-à-dire à visée esthétique. Pendant la Première Guerre Mondiale, les avancées spectaculaires de la chirurgie des « gueules cassées » vont encourager le développement d’une discipline qui, si elle est fille de la médecine, n’en n’est pas moins sujet à controverse. Témoin, cette confidence du jeune Kamel lors d’un débat passionné : Si tu penses que la chirurgie esthétique est une insulte à Dieu, dans ce cas la greffe du cœur aussi devrait être proscrite. Après tout, nous entrons là encore dans le domaine de Dieu… À défaut de réponse et malgré sa candide formulation, la question a au moins le mérite d’être posée.
Ce que femme veut…
Le témoignage de Gaëlle démontre, s’il le fallait, que chaque cas est unique et qu’il n’est en la matière pas question de dogmatisme :
Je me suis fait opérer du nez à l’âge de 28 ans. Je ne pensais qu’à ça depuis des années. Je me sentais très complexée par ce nez qui ne me correspondait pas et j’éprouvais toujours ce dégoût quand je me voyais dans la glace. Je suis très contente de l’avoir fait et à vrai dire, je n’y pense même plus quand je me regarde dans un miroir. Même mes proches me disent qu’ils ont du mal à se rappeler la tête que j’avais avant…
Si l’excès en tout est un défaut, pourquoi cependant jeter la pierre à une opportunité qui peut rendre une femme (ou un homme) mieux dans sa peau ? C’est la thèse que défend Philippe Gréant, chirurgien plasticien et esthétique :
Si cette demande est fondée, vous rendez les gens vraiment plus heureux. La chirurgie esthétique n’est pas cette chirurgie futile dont on parle trop souvent en mettant en lumière des femmes qui n’acceptent pas de vieillir, se cherchent continuellement et ne seront jamais heureuses, quoi que vous fassiez…
Ne pas rater la cible
Le mot
péché se dit en grec
amartia, ce qui signifie « rater la cible ». Il s’agit donc pour l’acte médical en question de ne pas se tromper d’objectif. Ainsi, le dialogue entre le patient et son médecin est-il d’une importance capitale. Il peut y avoir parfois des erreurs d’appréciation redoutables quant à la décision de poser ou non l’acte chirurgical.
Rolande, après sa rupture sentimentale, est obsédée par les mots
moche, laide. Elle consulte un chirurgien qui accède à sa demande d’opération des seins et de liposuccion. Peu de temps après, elle se plaint :
Je déprime, je craque, je me sens toujours seule et dévalorisée... Il aurait été plus judicieux dans ce cas d’écouter la demande sous-jacente de Rolande. Un psychanalyste aurait certainement pu l’aider à faire la différence entre la réalité et le fantasme. L’image corporelle joue un rôle important dans une telle plainte. La chirurgie esthétique peut alors faire offense, non pas à Dieu, mais au désir implicite qui se cache derrière la demande explicite de devenir quelqu’un d’autre.
Ondine Labro
Vive les crèmes de beauté !
Certaines vedettes du showbiz expliquent qu’il n’est pas question pour elles de vieillir : la raison professionnelle est invoquée. Leur public se détournerait d’elles. Une actrice avouait à une amie journaliste, hors interview, qu’elle avait eu recours à une chirurgie esthétique faciale car plusieurs de ses copines de scène étaient passées par le scalpel pour les mêmes raisons… Cela dit, si votre profession ne requiert pas un visage complètement lisse, ne vous gâchez plus la vie avec l’angoisse de subir obligatoirement un jour la douleur du bistouri. En revanche, appliqués au quotidien, les soins du visage présentent au moins deux atouts : rendre l’éclat atténué par les soucis liés au temps qui passe et s’occuper de soi en douceur…
