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La psycho
dans Signes & sens
Guérir de nos chagrins d’amour
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Qui peut se vanter de ne jamais avoir
souffert d’un chagrin d’amour ?
D’autant que lors d’une rupture, notre
inconscient se souvient toujours…
Explications.
Le processus redoutable, que la psychanalyse
a nommé complexe d’OEdipe, fera que nous
nous sentirons douloureusement trahis et
exclus dès lors qu’un amour apparaîtra impossible.
Les amours hétérosexuels autant qu’homosexuels
n’échappent pas à cette souffrance.
Ce sacré besoin d’amour...
Nous avons tous besoin d’être aimés et nos Je t’aime sonnent souvent comme des Aime-moi. Le problème,
c’est qu’il ne suffit pas d’aimer pour être
aimé en retour. Tous nos chagrins d’amour se
situent donc dans cette non réciprocité qui entâche
de façon douloureuse notre narcissisme : Je ne suis
pas aimable, je suis laid(e), je suis nul(le)… À ce
stade, l’enfer c’est bien cet autre aimé qui nous renvoie à notre détresse originelle : la coupure du cordon
dès la naissance. Nous fantasmons que sans
l’élu(e), plus rien n’est possible. La vie ne vaut pas
la peine d’être vécue. Et maintenant, chantait
Gilbert Bécaud, que vais-je faire ? Et maintenant
que tu es partie, de tous ces gens qui m’indifférent. De tout ce temps… Toutes ces nuits, pour quoi, pour
qui ? Et ce matin qui revient pour rien… On ne
devrait jamais minimiser un chagrin d’amour. Il
s’agit d’un véritable cataclysme qui peut entraver
toute une vie. Dans sa forme pathologique, le désir
s’est confondu en besoin. On peut parler d’une
forme d’addiction, le partenaire absent étant transformé
en lien vital.
Une chance
Heureusement, le principe de guérison est inhérent à notre condition humaine ! Pour Freud, on souffre
au présent de traumatismes passés. Il devient alors
nécessaire de ne plus confondre ce qui est de l’ordre
du fantasme avec ce qui relève de la réalité.
L’inconscient imagine, en effet, fixé qu’il est à ses
premiers objets d’amour (maman et papa ou leurs
substituts), qu’il mourra s’il les perd. Mais cela est
pur leurre dans la mesure où nous avons survécu à
cette pseudo perte. Comprendre que l’être aimé
actuel réactive cette angoisse, par un jeu d’identification,
remettra notre narcissisme à sa juste place.
Nous sommes en fait capables de surmonter cet
obstacle de la même manière que nous avons réussi à le faire précédemment. Nous vivions avant la
rencontre amoureuse, pourquoi ne vivrions-nous
pas après ? Quel est ce pouvoir occulte que nous
accordons à autrui sous le fallacieux prétexte de
l’amour ? De quel droit l’être aimé disposerait-il de
nous ? Accepter ce principe de guérison revient à
réaliser que nous n’avons fondamentalement besoin
de personne pour être heureux ! Ce n’est pas de l’égoïsme
puisque ce principe est valable pour l’autre
aussi. Reprendre confiance en soi est la seule façon
de refuser que le partenaire continue son travail de
sape (s’il est dans cette mauvaise perspective).
L’erreur serait de penser que tout cela est systématiquement
de notre faute. Le travail de désidéalisation
consiste à authentifier aussi les responsabilités
de celui qui nous manque et dont l’absence nous
fait mal.
Le rôle de la thérapie
Si nos chagrins sont trop douloureux, consulter un
psychothérapeute ou un psychanalyste aidera à
identifier ce qui se joue derrière cette blessure narcissique.
Le rôle du spécialiste sera dans un premier
temps d’évaluer la nécessité ou non d’une prise en
charge, selon les conséquences du traumatisme. Un
chagrin d’amour, dans la mesure où il est le lot de
tous, peut être plus ou moins facilement surmonté.
Tout dépend de l’histoire de chacun. En tout état de
cause, un travail sur soi réactivera les pulsions de
vie et fera mentir la chanson qui veut que chagrin
d’amour dure toute la vie... Le besoin d’amour se
transformera ainsi en plaisir d’amour, ce qu’il ne
doit en aucun cas cesser d’être. Encore faudra-t-il
que soient dissociés plaisir et besoin, ce qui fait partie
du rôle du praticien. Le besoin est lié aux fonctions vitales et concerne donc aussi la sphère professionnelle.
L’indication incontournable d’une
consultation est le cas où la souffrance limite le
champ social : plus de goût au travail, aux études,
désocialisation, etc. Toutefois, il n’est pas utile d’en
arriver à ces extrémités pour bénéficier du confort
d’une thérapie. Chantal, 35 ans, célibataire, l’explique
: Par l’intermédiaire d’une amie, divorcée,
et au regard de la transformation qui s’est opérée
chez elle, autant au niveau professionnel qu’affectif,
moi qui n’avais pas de problème particulier, j’ai
décidé aussi de consulter un psychanalyste. J’ai
réalisé que je n’avais pas fait le deuil d’une relation
amoureuse. Après six mois de « divan », j’ai eu la chance
de rencontrer par Internet une personne avec qui j’ai
l’intention de me marier. Si j’ai pu guérir d‘un chagrin
d’amour, j’ai aussi levé des interdits sur le plaisir…
Claudine Santos
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