Art abstrait Le XXème siècle s’est allégé sur un plan pictural, ce qui a permis de donner à l’Abstraction ses lettres de noblesse. L’arrivée et l’engouement pour la photographie y sont pour quelque chose. C’est Kandinsky qui lance ce mouvement dès 1910. On lui doit la première aquarelle du genre, véritable faisceau concentré qui gomme le rapport à la moindre notion d’extériorité. Il est certain que ce geste volontaire du peintre traduit une angoisse inconsciente qui le pousse à dénier la réalité contemporaine, pour la sublimer in fine par un modèle évanescent. C’est d’ailleurs cette vacuité qui permet à l’artiste, au contemplateur et au marchand d’exister. L’Art abstrait connaît un intérêt grandissant au fil des décennies. Que ce soit aux Etats-Unis avec le talentueux Arthur Dove, en passant par la Russie et le Rayonnisme, de son auteur : Larionov. Moins de cinq ans plus tard, les Français – dont Delaunay et Léger – ne boudent pas cet art qui, toutefois, reste très personnel. Au point qu’il a du mal à s’imposer. C’est-à-dire que certains s’y essayent, comme Carrà ou Klee, mais sans vraiment s’y attarder. Pour les fervents défenseurs, tel Mondrian, s’ajoute à l’Art abstrait une dimension socioculturelle ; elle laisse à l’être humain la possibilité de s’affirmer sans succomber à une influence extérieure. À la limite du prosélytisme puisque une littérature dirigée s’empare du phénomène, le but atteint est réussi. Il suffit de le constater dans les nouvelles perspectives de décoration intérieure ou carrément architecturales. Des conférences sont données dans l’Europe entière, la plupart assurées par Théo Van Doesburf. Le Néo-Plasticisme s’impose de plus en plus. En France, il faut véritablement attendre que le pays se relève des affres de la Seconde Guerre Mondiale pour que cette dimension quasi politique de l’art soit véhiculée plus largement. Vasarely passionne en se servant, entre autres, de formes géométriques que le chaland peut s’approprier à sa guise. Soulages emboîte le pas de cette spontanéité expressive. Cette nouvelle libération, en conformité avec un siècle qui casse les sangles étriquées d’un conformisme en échec, se retrouve sporadiquement dans le travail de Fautrier ou de Jackson Pollock aux Etats-Unis ; dès 1945, cet américain impose le Dripping qui correspond à plus d’un titre à un monde qui cherche à lisser les cicatrices de la folie de l’Homme : les peintures industrielles font leur entrée par la grande porte, les coulures s’affichent comme une désinvolture idoine ; effectivement, Pollock lâche son pinceau et utilise facilement une boîte de peinture pour le remplacer sur la toile ! L’objet prend tout son sens, en lien direct avec la passion du peintre. C’est la naissance de l’Action Painting où le geste n’a plus aucune raison d’ignorer la matière.
Ivan Calatayud |
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