Elles adorent cuisiner. Mais voilà où le bât blesse : il leur est difficile de ne pas craquer et de résister à la tentation de vérifier l’assaisonnement. Entre autres !
Dès le lendemain, la balance dresse son aiguille réprobatrice. Les kilos fixés dans le miroir, la préparation des repas se déroule pourtant chaque jour à l’identique, avec cette fâcheuse impulsion qui pousse à vérifier si c’est bon…
Pas dupes
Le problème n’est pas de goûter les mets culinaires. Les choses se compliquent dès que l’inconscient déclenche l’imaginaire, invitant la cuisinière à se servir une portion du plat qui mijote. Nombreuses avouent manger carrément la pâte crue qui déborde de la tôle avant de garnir la tarte aux fruits rouges et la passer au four ? Géraldine dit avoir réalisé qu’elle utilisait une quantité de pâte pour une préparation destinée à 10 parts environ, alors que la plaque ne concernait en fait que 6 portions :
J’ingurgitais systématiquement la différence… Elle fait la même remarque pour tous ses menus :
Nous sommes 4 à la maison. Jusqu’à ma rencontre avec une diététicienne, je cuisinais pour 10 personnes et finissais le plus souvent ce qui restait en débarrassant…
Une juste analyse du plaisir gourmand
Dans les comportements compulsifs et quels que soient leurs champs de prédilection, un manque de confiance en soi est à l’origine des troubles. Le fait de vérifier en atteste. Il ne s’agit cependant pas de tomber dans le piège de l’analyse sauvage du plaisir gourmand : penser que celles (et ceux) qui testent leurs recettes n’ont qu’à réfréner leurs pulsions orales avec un peu de volonté. Si c’était si simple, ça se saurait ! Méfions-nous donc de ce type de jugement hâtif. L’objectivité demande ici la prise en compte d’une identification culturelle familiale et collective qui ne permet pas inconsciemment de s’écarter vraiment des habitudes ancestrales. Même une légère faille narcissique aboutira à l’impossibilité de se détacher de la mémoire filiale. Sur les conseils de sa diététicienne, Géraldine a consulté un psychanalyste. Celui-ci lui a fait prendre conscience des raisons qui la faisaient cuisiner pour 10 personnes (et non pour 4 selon une logique évidente) : enfant, elle se retrouvait à une tablée de 10 (les 2 grands-parents maternels, ses 2 parents, une fratrie de 6)… Rééduquer son individuation s’avère nécessaire et possible : il suffit donc d’exister par soi-même en prenant en compte l’époque réelle.
Goûter avec les yeux !
Alain Héril, dans son ouvrage « Aimer : comment s’aimer soi-même pour aimer les autres » paru chez Flammarion, nous rappelle que
le regard est la grande aventure de l’entrée en contact avec l’autre… Tout est résumé dans cette phrase. Les yeux sont un outil de communication fiable au service du quotidien. Ainsi, regarder une blanquette de veau mijoter retranscrit non seulement l’alchimie des dosages entre les ingrédients mais aussi l’intention affective destinée à ses invités. Lorsqu’une mère sourit à son enfant, il ne viendrait pas à l’idée de celui-ci de lui demander et de vérifier si elle l’aime ! De fait, apprenez à observer votre préparation culinaire : si vous la trouvez séduisante, appétissante, agréable à regarder, elle conviendra à vos convives. Prenez bien le temps de poser vos yeux gourmands sur ce moment magique et vous constaterez qu’il ne vous est pas utile de goûter pour vous rassurer…
Chantal Calatayud
Équilibrer ses envies !
Il ne faut pas confondre gourmandise et boulimie. Tout est une question de limites. Hippocrate avait, il y a 2000 ans, la sagesse de conseiller que l’aliment soit notre médicament… Ainsi, de petites attitudes simples suffisent à ne pas culpabiliser : un plat principal riche en matières grasses fera supprimer le fromage et sera suivi d’un fruit. À l’inverse, le poisson-légumes vapeur autorisera une petite part de tarte au citron. Deux carrés de chocolat à l’heure du goûter feront mieux l’affaire que le yaourt à 0 % : le moindre plaisir gustatif restant ancré dans la mémoire, le repas du soir sera délibérément light !