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Le développement personnel
dans Signes & sens
Comment
accepter l’inacceptable ?
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Voilà une question épineuse qui en soulève bien d’autres : comment accepter ce qui ne peut – voire ce qui ne doit – être accepté ? Faut-il se résoudre à l’inaction ? La zen attitude se résume-t-elle à une soumission passive et béate ? Ces quelques interrogations, que tout un chacun est en droit de se poser, méritent quelques éclaircissements préalables avant d’envisager une quelconque méthode allant dans le sens d’une totale acceptation…
L’existence est vouée à la notion de dualité : l’inspiration et l’expiration, le oui et le non, le jour et la nuit, la vie et la mort, la santé et la maladie, l’union et la séparation, l’amour et la haine, le positif et le négatif… Cette première constatation constitue un point de départ réflexif intéressant car idéaliser de manière excessive ou, à l’inverse, dramatiser à outrance une situation relèvent de comportements erronés. La vie est en constant mouvement et ne saurait faire abstraction de ces couples d’opposés se succédant inlassablement. Ainsi, chaque fois qu’une souffrance, une difficulté, un empêchement se présentent, se dire qu’ils n’ont rien de définitif et d’absolu permet de ne pas y rester pathologiquement fixé.
L’effet miroir
Ce que chacun considère comme inacceptable varie d’un individu à l’autre. Ainsi, les propos d’un interlocuteur peuvent être jugés de la sorte selon une certaine décence liée à l’éducation, à la culture. Un licenciement peut être perçu comme abusif ou non, une trahison générer un sentiment de révolte ou, au contraire, de libération. Il est évident que les éventuelles réactions d’opposition qui en découlent n’ont rien de répréhensibles. Toutefois, l’erreur consisterait à rester focalisé sur une attitude négative sans possibilité d’ouverture. Toute plainte légitime devrait aboutir à un détachement salvateur et des passages à l’acte à la suite d’un effet miroir. Se sentir agressé verbalement convoque, par exemple, un changement quant à la sphère relationnelle : est peut-être venu le moment d’envisager de ne plus alimenter certaines fréquentations. Une mise au chômage oblige à reconsidérer ses habitudes professionnelles. Une rupture mal vécue interroge sur la nécessité de se prendre en charge…
L’acceptation de l’impermanence
La notion d’évolution, initiée par les travaux de Charles Darwin, reste un concept qui permet de saisir que rien n’est statique. Depuis la nuit des temps, l’être vivant fait preuve d’une formidable adaptabilité, délaissant une apparence pour en revêtir une autre. Ce qui est vrai au niveau physiologique l’est encore plus au niveau psychique. Le petit d’Homme évolue tout au long de son existence vers plus d’autonomie, lâchant peu à peu l’étayage parental. À force de traverser les situations que la vie dispose sur son chemin, l’adulte, quant à lui, a la possibilité d’aller vers plus de Sagesse. Certes, ses facultés physiques déclinent inexorablement (le bouddhisme ici fait état de l’impermanence de toute manifestation matérielle), mais la conscience, elle, est en expansion. À condition toutefois d’accepter les lois de la vie. Or, il faut bien avouer que la tentation du jeunisme à outrance ne permet pas toujours une telle maturation psychologique puisqu’elle s’oppose à ce que Sigmund Freud a nommé le principe de réalité. D’où un conflit permanent entre ce qui est et une idéalisation fantasmatique. L’inéluctabilité de la mort reste le point d’achoppement. C’est pourtant en acceptant cette limite ultime que la vie prend tout son sens. Arnaud Desjardins dans « L’audace de vivre », d’avancer avec beaucoup d’à propos : Pourquoi les êtres humains ont-ils si peur de mourir ? Peut-être parce qu’ils n’ont pas vraiment vécu…
Au-delà du sens et du non-sens
Dans son ouvrage « Le centre de l’être », le psychothérapeute spirituel Karlfried Graf Dürckheim parle d’un Être essentiel. Il s’agit, selon lui, d’un centre de connaissance auquel chacun peut avoir accès. À condition de développer une certaine réceptivité. Réceptivité qui consiste à accueillir sereinement la peine comme la joie. Pas question toutefois de sombrer dans un quelconque délire mystique, cas auquel la réalité serait déniée. L’acceptation ne doit pas être synonyme de fuite. Dürckheim préconise un travail méthodique sur l’inconscient, adhérant ainsi aux travaux de Carl Gustav Jung portant sur la nécessité d’apprivoiser nos angoisses. Quant au Zazen (assise en silence) et aux pratiques méditatives issues du Yoga, les exercices qu’ils proposent ont pour objectif de favoriser l’émergence d’une sérénité qui est déjà là. Les croyants l’appellent Dieu mais il n’est pas nécessaire d’adhérer intellectuellement à un dogme pour en faire l’expérience. Pour Jean-Yves Leloup, prêtre orthodoxe auteur des « Écrits sur l’Hésychasme », publié dans la collection Spiritualités vivantes chez Albin Michel : Le corps doit être spiritualisé, devenir « un corps spirituel » selon l’expression de Saint Paul… Autrement dit, quelle que soit la méthode choisie, celle-ci vise à une transformation prenant toujours en compte le soma, le moi existentiel, afin qu’il puisse être relié à la source ultime de toute chose.
Georges Boudier
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