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Le développement personnel
dans Signes & sens
Comment se réconcilier
avec son corps ?
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S’il est un compagnon qui nous soit proche, c’est bien notre corps. Qu’il nous plaise ou non, il est toujours là, témoin de notre existence, manifestation visible de notre être. Certains le vénèrent jusqu’à l’idolâtrie, d’autres le nient jusqu’à le maltraiter. Entre ces deux extrêmes, un équilibre harmonieux est à envisager afin d’ouvrir les yeux sur les étonnants services qu’il nous rend, jour après jour, sans même que nous en ayons conscience.
Véhicule incontournable, notre enveloppe physique n’est rien si nous ne décidons pas de l’habiter. Notre corps et nous, c’est un mariage pour la vie. Françoise Dolto disait que l’enfant choisit de naître, ce qui peut laisser supposer qu’il a aussi choisi le corps dans lequel il s’incarne. Alors, pour ne pas nous renier, écoutons ce que ce contenant a à nous dire et laissons-nous séduire par ce que les Indiens appellent « le temple de l’âme ».
Une merveille à la fois puissante et fragile
André Giordan, docteur en biologie et en sciences de l’éducation, dans son ouvrage intitulé « Mon corps, la première merveille du monde », publié aux Éditions JC Lattès, lui donne la parole : Je suis 40 000 milliards de cellules. En leur sein, des centaines de millions de réactions chimiques à chaque seconde. Des chiffres à donner le vertige. Je suis une holding auprès de laquelle la plus sophistiquée des multinationales fait pâle figure. Mon mur d’enceinte (4m2 de peau) est truffé de capteurs (détecteurs de chocs, de température…). Je suis doté d’une climatisation (les pores), d’un service de renseignements (les cinq sens), de communications rapides (les nerfs), plus lentes (les hormones), d’une défense immunitaire et enfin d’une direction générale (le cerveau) chargée d’arbitrer les conflits et de veiller au remplacement du personnel (la procréation)… Tout cela a de quoi émerveiller. Outre les scientifiques, le corps a séduit aussi les philosophes. C’est ainsi qu’Alain, avec une pointe d’humour, le compare à une usine qui travaille sans interruption, silencieusement, sans trop de grèves, et dont nous sommes les heureux propriétaires. Au-delà des apparences, les artistes en ont chanté l’esthétique, même dans ses défauts, nous en révélant l’indicible. Henri-Jacques Stiker, directeur de recherche à Paris VII, explique que les plus grands peintres n’ont pas hésité à placer les corps déformés dans la lumière de leurs œuvres. Un parcours superficiel pourrait conclure à des mises en scène grotesques ou pitoyables, dérisoires ou accusatrices… Intrigués et séduits par les corps infirmes, les peintres nous offrent au contraire des visions magnifiques et inattendues des défaillances, dénonçant par des retournements subtils et admirables le sort qu’on leur fait, nous renvoyant à notre condition commune, limitée et mortelle...
Inutile de souffrir pour être beau !
Il est une illusion, largement récupérée par les médias, qui voudrait qu’un corps idéal soit accessible à force d’exercices, de régimes, voire d’opérations chirurgicales. Lorsque ces pratiques sont exagérées, elles aboutissent in fine à des douleurs et des souffrances, situations antinomiques lorsqu’on sait que, comme le dit Marine Guyot-Roussel, professeur de philosophie, la souffrance, la douleur, sont des signaux du corps qui préviennent d’un dysfonctionnement ou d’un danger. Les pratiques sportives inconsidérées entrent dans ce schéma illusoire. Souffrir pour être beau, être beau pour être aimé… Le sport et l’entretien prônés ne sont ici souvent que des prétextes pour vendre un bien-être relatif non à l’entretien du corps, qui au fond n’est que secondaire, mais à l’intégration sociale que ce corps sculpté, ressemblant au corps idéal, va, croit-on, favoriser, poursuit Marine Guyot-Roussel. Ainsi, comment être en adéquation avec la réalité de notre corps et renouer avec lui si la violence est au rendez-vous ? Il existe des pratiques qui peuvent aider à reconsidérer les choses. Le yoga, par exemple, discipline millénaire, aborde le corps d’une autre manière. Elle demande tout d’abord de prendre conscience de notre véhicule physique, sans y introduire un quelconque esprit de compétition ou de comparaison. Il y est question au contraire de reconnaissance, prémisse à une réconciliation.
Acquérir une image positive de son corps
Mon corps est un jardin, ma volonté est son jardinier, disait Shakespeare mais encore faut-il avoir une image positive de ce jardin. Commencer à se sentir bien dans son corps, c’est commencer à s’aimer en totalité. Tant que le corps et l’esprit sont séparés, il n’y a pas de véritables possibilités d’épanouissement. Notre corps est ce que nous avons de plus réel. S’opposer à lui consiste à refuser, à passer à côté de ce que nous avons à réaliser sur notre chemin de vie. Aussi, la première attitude à avoir est déjà de se libérer du regard d’autrui. Après tout, se laisser réduire par le jugement de l’entourage à propos d’une apparence n’est pas la meilleure façon de se respecter. À ce propos, Chantal Calatayud, psychanalyste et auteur de « S’aimer tel que l’on est », paru aux Éditions Jouvence, évoque l’exemple de ce professeur bossu s’adressant à de nouveaux élèves le jour de la rentrée : Je supporte ma bosse depuis quarante ans, leur dit-il calmement, je vous donne deux minutes pour vous y habituer!
Bernard Bellissa
Anorexie et faille narcissique
Corinne n’aime pas son corps. En fait, elle n’aime pas l’image qu’elle s'en fait. Alors que son entourage trouve, à juste titre, qu’elle possède un physique très agréable, la jeune fille met en place des symptômes d’anorexie. Il existe ici une image inconsciente du corps agissant parfois de façon très pernicieuse sur les comportements alimentaires. Une prise en charge psychanalytique peut, dans ce cas précis, aider à restaurer un rapport à soi moins autodestructeur.
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