L’échange est-il un phénomène universel, inné chez l’Homme et remontant à l’histoire de l’humanité ou bien obéit-il à un acquis social et économique, devenu un besoin et une nécessité vitale entre sociétés pour satisfaire le manque ?
Les échanges entre membres d’une communauté, société ou famille, ne circulent que pour satisfaire, au départ de toute relation fondamentale, un besoin d’auto-conservation. C’est au cours de cette relation primaire que s’institue le transfert entre la mère et l’enfant.
Les transferts
Pour Sigmund Freud, la horde primitive est en quelque sorte l’expression du partage des produits collectifs obtenus par le travail en commun ou individuel. Le fruit de ce travail sert à assouvir les besoins vitaux de chaque individu. Le père symbolique pose la norme, base de l’échange, puis de la relation sociale. De cet échange, étayé sur le transfert des biens, de denrées et de monnaie, s’établit en contrepartie un transfert affectif entre membres : transfert positif de reconnaissance ou transfert négatif lorsqu’est perçue l’insatisfaction. La relation se complexifie lorsque les biens échangés ne servent plus à la jouissance immédiate mais deviennent moyen de troc pour de nouvelles transactions. L’usage de la marchandise se différencie et prend la fonction d’une équivalence générale, un référent signifiant de la monnaie comme fonction compensatoire.
Le poids des affects
En économie, on parle de transfert de marchandises, de biens, de capitaux et même de population. En psychanalyse, le transfert désigne la relation qui s’établit entre le patient et son psychanalyste. Cette relation peut prendre à tout moment dans la cure un aspect positif ou négatif. Le patient se projette dans l’analyste qui prend, à ce moment-là, la place de la mère ou du père fantasmatique, relation dite de type objectal, mêlée d’affects et chargée de fantasmes infantiles. Tout mouvement est susceptible d’être qualifié de transfert et peut donc cacher, derrière une apparence toute banale, des rapports chargés d’affects entre les échanges. Marx qualifiait de « fétichisme de la marchandise » la jouissance à vouloir récupérer le manque du père pour une fille et le manque de la mère pour un garçon. La monnaie, en tant que moyen symbolique, apparaît comme le symptôme de la civilisation capitaliste, toujours à la recherche d’une perte fantasmatique irréparable qu’elle s’efforce, au nom de son expansionnisme économique et de son colonialisme « civilisateur », de projeter sur les autres civilisations. Rejetant ainsi, dans son principe, la différence de l’Être. Les serviteurs de cette économie mondialiste ignorent que leur comportement est subordonné à un fantasme fixé à la mère ou au père, ou aux deux. On ignore trop souvent aussi que la monnaie est une fonction de pseudo équilibre entre civilisations, un moyen de donner l’illusion de cadeaux qui peuvent prendre des allures d’armes redoutables. Pour la psychanalyse, la relation appelée anale, dans laquelle fèces égalent argent, réside dans la maîtrise de l’objet. C’est ainsi que l’argent que prêtent les pays capitalistes aux pays pauvres exerce un contrôle, une main mise sur les décisions économiques et politiques et ne rend que plus dépendants. À ce jour, il semble que le flux monétaire ne circule que dans un sens, celui de dominant à dominé. Le mouvement monétaire se caractérise par une dimension beaucoup plus large que celle exprimée par le besoin économique, dans lequel l’échange culturel et social contribue à élargir les échanges intercommunautaires. Cet abord concourt à mettre en valeur les différences culturelles entre pays, ainsi que la naissance de nouvelles relations. Analytiquement, le brassage des cultures, imposé de fait par les échanges et les transferts de fonds monétaires (FMI), casse le schéma individualiste des nations. Les comportements sont amenés à se modifier, les fixations aux cultures archaïques à prendre en compte celles des pays dominateurs. Le brassage des cultures est plus favorable à une universalité culturelle, à une désidentification aux archaïsmes et à un rapprochement des peuples. À condition cependant que les gendarmes du monde ne voient plus, dans ceux qui cherchent à symboliser la différence, l’image de leur propre manque, de leur seul individualisme mais le droit à la différence.
Étienne Rigaud
Le troc aujourd’hui :
ce qu’on lui reproche
Un sondage effectué en mai 2006 objective, en France, que le troc n’a vraiment pas le vent en poupe. Tous âges confondus. Trois reproches essentiels sont adressés à ce moyen de partager, de communiquer de façon équitable en son principe :
– Au début de ces rencontres, tout va bien. Mais l’éthique, liée à chaque Association de troc, n’est pas respectée très longtemps par une majorité de ses adeptes !
– Très vite, on assiste à une disparité de l’engagement : un cheval - une alouette semble être le reproche majeur. Ainsi, la complémentarité des compétences est vite déséquilibrée.
– Les membres des Associations de troc se lamentent en général rapidement. L’intérêt du départ ne suit pas vraiment et la majeure partie des personnes enthousiastes, à l’origine, laissent tomber au fil des premiers mois.
En résumé, bien des individus concernés par le principe de cet échange singulier quittent le bateau : chacun voudrait y imposer sa loi, ce qui entraîne un rapport dominant/dominé insupportable pour les vrais engagés. Ce sondage donne raison à Freud qui, dès 1913, a parlé de « l’influence correctrice du paiement » !
