La scolarité étant le reflet d’une société, le Ministère de l’Éducation Nationale vient de publier une cartographie selon laquelle les zones où les risques d’échec scolaire apparaissent les plus forts sont des régions où le taux de chômage est élevé, ainsi que le taux de familles nombreuses et monoparentales… Inversement, la réussite semble liée à des indicateurs favorables en termes d’emploi, de revenus et de niveau de diplôme des parents. Ce constat tend à prouver que si dramatisation il y a, mieux vaut chercher du côté d’un contexte sociétal que de celui de nos petites têtes blondes. En attendant, l’école obligatoire telle qu’elle est, malgré le professionnalisme indiscutable de nos pédagogues, génère des jugements discutables, et ce parfois dès la maternelle.
On ne dira jamais assez qu’un élève est d’abord un enfant et même s’il lui est fortement conseillé de « bien travailler » à l’école, de bien faire ses « devoirs » – devoirs qui sont d’ailleurs interdits (à l’école primaire du moins) –, il ne s’agit pas de projeter sur lui l’angoisse des adultes.
Chacun sa place
Si l’esprit de compétition et l’émulation peuvent être moteurs au sein d’une classe, tout pédagogue qui se respecte sait que chaque enfant devrait avancer à son rythme. Là où le bât blesse, c’est que ces mêmes enseignants sont – système oblige – soumis à une obligation de résultat. Un enfant qui n’apprend pas à lire à la fin du CP sera malgré tout montré du doigt, alors que la mise en place des cycles voudrait que l’on ne doive pas s’en inquiéter avant l’âge de 7 ans, c’est-à-dire au CE1. Le problème de l’apprentissage de la lecture est pourtant crucial et un redoublement n’est jamais la bonne solution, surtout en tout début du cursus scolaire. Les psychologues savent bien que cet apprentissage se met en place en fonction de la maturité psychique de l’élève et non à coup de travail supplémentaire. Un enfant né en janvier ne peut pas être comparé à un enfant né en décembre de la même année. Il reste donc important, à ce stade de la vie d’un écolier, de ne pas le culpabiliser. La menace est cependant là telle une épée de Damoclès pesant autant sur l’élève que sur sa famille. La solution ? Le dialogue avec l’enseignant et surtout le non à la réussite à tout prix en fonction d’une norme collective. Souvent d’ailleurs, une simple rencontre avec l’équipe éducative permet à l’élève en difficulté d’être rassuré. Delphine, enseignante de CP, en témoigne :
Lorsque j’ai demandé à voir ses parents, Ludo a eu peur et même honte. En fait, sa mère élevait seule ses trois enfants et avait eu elle-même des difficultés à l’école. Ne voulant pas que l’histoire se répète, elle mettait la pression à son fils tous les soirs, ce qui a eu pour effet un désinvestissement total. Ayant dédramatisé la situation en conseillant à cette maman de lâcher prise et de me faire confiance, le comportement de Ludo a changé. Le soir, au lieu de faire sa lecture pendant une heure avec toutes les tensions que cela générait, il avait le droit de jouer comme un enfant de son âge. Ludo a appris à lire sans difficulté… Cet exemple pour montrer qu’il est important que chacun reste à sa place. Une maman n’est pas une enseignante et une institutrice n’a pas à déléguer son travail et à culpabiliser les parents. Dans le cas où la difficulté persisterait, mieux vaut faire appel à un psychopédagogue. Il en existe dans les groupes scolaires au sein des RASED (Réseau d’Aide Spécialisé pour Élève en Difficulté). D’ailleurs, ces professionnels utilisent le jeu de façon méthodologique pour débloquer les résistances.
Des études adaptées
Le comportement parental devrait être à l’identique pour la suite des études. Un cursus scolaire long n’est pas la seule clé pour une vie épanouie. La réussite au bac pour tout le monde reste un leurre, faisant croire à une pseudo-égalité. Voilà, ici encore, un problème de société. Chacun sait très bien aujourd’hui que ce diplôme est dévalorisé. Il n’est qu’à voir les échecs et les désillusions en première année de fac pour en être convaincu. Et si la dramatisation nécessaire se situait au niveau d’une réflexion au plus haut niveau de l’État sur des filières adaptées ? Filières qui ne soient bien sûr pas des voies de garage. Certes des efforts sont faits dans ce sens avec les BTS par exemple mais il demeure toujours un passionnant chantier à mettre en œuvre pour que l’école puisse jouer pleinement son rôle : celui de préparer de futurs adultes heureux qui croient en l’avenir. Quoi qu’il en soit, dédramatisons déjà en tant que parents en encourageant nos enfants et en les guidant dans leurs propres choix, mais pas dans les nôtres…
Jean-Marc Viannet