La facilité consiste parfois à penser que seule une attitude passive et béate suffit pour que l’amour se manifeste dans sa plénitude. C’est sans compter sur notre responsabilité. L’amour est souvent comparé, à juste titre, à une graine dont il est nécessaire de prendre soin. Mais il faudra paradoxalement accepter qu’elle meure afin de devenir une plante, qu’elle fleurisse et donne des fruits…
Le spiritualiste Prema Rasa explique, dans son ouvrage « Cultiver la plante de l’amour », que l’amour consiste essentiellement à donner, non à recevoir… Difficile à entendre, sachant que la tendance première et légitime de tout être humain consiste à vouloir être aimé. D’ailleurs, les psychologues et les psychanalystes enseignent que toutes les activités du petit d’Homme tournent, peu ou prou, autour de cette quête ultime. Effectivement, dès la naissance l’inconscient met en place des stratégies identificatoires par peur de perdre l’amour des personnes tutélaires. Pourtant, il faudra bien un jour qu’il s’en détache pour aller vers le monde : « Quitte ton père et ta mère et attache-toi à ta femme », encourage la Bible. En écho, la théorie freudienne ne dit pas autre chose lorsqu’elle met en exergue la nécessité de résoudre son complexe œdipien en acceptant d’être frustré, voire exclu du couple parental. Ainsi l’amour véritable est-il amené à s’extraire des profondeurs pour s’épanouir vers la lumière.
L’apprentissage de l’amour de soi
Tous les enseignements de sagesse préconisent l’amour de soi comme préalable à un altruisme de qualité. Cette forme de narcissisme n’est pas à considérer comme étant de l’ordre de l’égoïsme. Bien au contraire. Elle libère autrui de ses demandes intempestives. Cependant, apprendre à s’aimer nécessite un véritable travail sur soi qui peut passer par une cure psychanalytique, une pratique spirituelle ou encore un enseignement ésotérique. L’anthroposophe Rudolf Steiner, dans son ouvrage « Le sens de l’amour dans le monde », précise :
Ce n’est pas de l’égoïsme que de travailler à son propre développement spirituel car c’est se rendre plus digne de participer à l’évolution du monde. L’essentiel de la démarche consiste à prendre conscience que chacun possède en lui-même l’amour qu’il cherchait inlassablement à l’extérieur. Carl Gustav Jung évoque, sur ce chemin initiatique, le
processus d’individuation. Le terme
individuation n’a ici rien à voir avec l’
individualisme puisqu’un sujet qui a appris à s’aimer se tourne de façon authentique et tout naturellement vers son prochain…
L’amour d’autrui
Certes, les personnes égoïstes sont incapables d’aimer autrui, mais elles sont tout aussi incapables de s’aimer elles-mêmes, affirme Erich Fromm dans « L’art d’aimer ». Autrement dit, la prise en compte de l’altérité reste incontournable lorsqu’il s’agit de cultiver la plante de l’amour. Tout arbre doit porter des fruits destinés à être offerts pour que le cycle de la vie ne s’interrompe pas. Il en est ainsi de l’amour dont l’objectif est de se donner, de se transmettre. La difficulté majeure ? Ne rien attendre en retour. Difficulté relative malgré tout lorsque l’on commence à ressentir qu’il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir. Tous ces professionnels passionnés de la relation d’aide que sont les voyants, les parapsychologues ou les psychothérapeutes l’objectivent au quotidien. Indépendamment de la nécessité de gagner leur vie en exerçant leur métier, leur plus grande joie est en effet de constater, avec toujours autant d’étonnement, qu’au-delà de leur méthode respective, seul l’amour guérit véritablement les âmes. Cette vérité s’expérimente aussi dans l’entourage affectif si la relation est dénuée de toute stratégie de séduction. Une astuce pour vérifier que vous êtes un bon jardinier de l’amour ? Chaque fois que votre interlocuteur a gagné en liberté et n’a plus besoin de vous pour être heureux, vous éprouvez une satisfaction qui n’a pas de prix, celle du travail accompli…
Roger Sudre