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La psycho
dans Signes & sens
Ouvrez vos tiroirs secrets...
Ils regorgent de talents !
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Pour Gustave Flaubert, « les cœurs des femmes sont comme ces petits meubles à secrets, pleins de tiroirs emboîtés les uns dans les autres »… Ceux-ci ont été fabriqués pour protéger les documents importants, personnels, confidentiels… Les premiers remontent aux civilisations les plus anciennes.
On trouve, sous l’Égypte antique, des représentations de cabinets peints sur les parois de la tombe du scribe Hesy-re. Mais le terme cabinet ne va apparaître que sous François Ier. Ces meubles avaient donc des tiroirs secrets qui permettaient de cacher ce que chacun considérait comme précieux à ses yeux. Le cabinet est petit à petit mis en évidence vers le VIIe siècle, trônant au centre des plus belles pièces des demeures. Il laisse apparaître des joyaux, tant au niveau des matériaux utilisés, qu’au niveau des astuces déployées, des stratégies, tout aussi ingénieuses les unes que les autres, pour dissimuler ces fameux tiroirs. Dans un autre registre, les Dogons, peuplade du Mali, offrent la particularité pour chacun des hommes ou des femmes de posséder une annexe nommée grenier ; celui-ci renferme toutes les affaires personnelles du propriétaire sans que quiconque ne puisse y pénétrer.
Du journal intime au blog
Le journal fut, avec le temps, un autre moyen de garder ses secrets. Certains ont été publiés, comme les confessions de Jean-Jacques Rousseau. Le journal d’Anne Frank a permis de réaliser ce qu’ont pu être les conditions difficiles de vie de cette jeune fille durant la guerre. Certains journaux secrets n’ont pas été publiés mais ont quand même permis à des personnes de comprendre l’histoire de leur famille. Le journal intime s’est progressivement transformé jusqu’à nos jours. Le blog est né avec l’arrivée de l’informatique. Si l’on se réfère aux définitions, il s’agit d’un journal intime sur le net (Internet). C’est un weblog, pour reprendre le terme anglais d’origine, qui n’est autre que la contraction des termes Web et Log. On peut trouver, sur ces blogs, des textes, pensées ou opinions de l’auteur, pouvant être commentés à volonté par les lecteurs y accédant.
- Ils peuvent être mis à jour au gré du désir de chacun et apparaissent de façon anté-chronique, c’est-à-dire du plus récent au plus vieux.
- Ils sont plus riches de liens, ce qui permet de surfer, donc de passer d’un blog à un autre, sans pour autant connaître l’auteur du blog que l’on parcourt.
Une saine libération
Lorsqu’une personne écrit, elle s’exprime par le « je » des mots ou des jeux de « maux ». Ce qui est écrit va aussi devenir intemporel. Le fait d’écrire un journal est un moyen de jouer avec le temps et, de façon fantasmatique, d’éviter l’inévitable. On ne meurt pas lorsqu’on laisse des écrits. Ne dit-on pas : Les écrits restent et les paroles s’envolent ? En écrivant et en exposant leurs blogs, les jeunes exposent leur angoisse du temps, qu’ils essayent de combattre comme une machine à remonter les ans. Leurs propos sont souvent assez violents, textes et photos à l’appui… Ils sont particulièrement projectifs et objectivent une forme destructrice. Celle-ci reste néanmoins, et paradoxalement, assez utile puisqu’en la libérant, ils se débarrassent symboliquement ou canalisent la violence qu’ils ne parviennent pas à réguler pour l’instant. Cette sorte de soupape dégage un plaisir certain. Mais qu’en est-il de ceux qui récupèrent cette agressivité plus ou moins implicite ? Les secrets font davantage souffrir lorsqu’ils ne sont pas consciemment connus. N’avons-nous jamais pensé le pire en voyant ou en imaginant une situation dont le sens nous échappait ? Enfant, le processus déclenchait beaucoup d’anxiété
lorsqu’on imaginait des scenarii catastrophes. Ces secrets-là
ne sont pas constructifs. Ils ont pourtant toujours existé.
Certains sont révélés, d’autres pas. Ils abritent cependant du
sens, alors que nous les portons sans les connaître. Ils appartiennent
et entretiennent le passé transgénérationnel. Ils vont «
passer » de la façon la plus discrète possible, en utilisant le
moyen le plus muet de l’être : l’inconscient. Pour accéder à ce
qui ne se dit pas, il ne suffit cependant pas d’ouvrir un tiroir.
Il faut une bonne dose d’indépendance pour avoir le courage
de découvrir ce qui est tu depuis souvent plusieurs générations.
Comment réveiller vos talents enfouis
Certaines familles ont l’art de masquer ce qui les gêne. Ainsi le relate Arnaud de S. : Depuis des générations, ma filiation – très fière de sa particule – s’enorgueillit d’être constituée de gens bardés de diplômes, talentueux, connus, distingués, etc. En pleine névrose d’échec, je dis un jour à ma psychanalyste que je comprenais fort bien que mes parents, mes oncles et tantes, mes grands-parents, mes cousins et cousines me boudent… Effectivement, ajoutai-je, mon métier de photographe
ne les honore pas beaucoup… Ma « psy » me laissa alors terminer
mon monologue culpabilisé, puis m’asséna : « Et les ratés dans votre famille – les idiots, les sans diplômes, les handicapés, les voleurs, les menteurs, les traîtres, les alcoolos – où sont-ils donc passés ? »… Je peux dire que c’est à partir
de cette intervention que j’ai réalisé que j’étais quelqu’un de
bien et que tous ceux qui ne comblaient pas les attentes et le
regard de ma filiation étaient néantisés : on n’en parlait
jamais !…
Si, assurément, la psychanalyse joue ce rôle de miroir salvateur,
vous pouvez facilement, vous aussi, déchirer le voile qui
vous sépare de vos talents. L’exercice est simple : chaque fois
qu’une personne plus âgée que vous dans la famille parle en
positif des belles qualités d’un autre de la filiation, il suffit de
transformer votre écoute. Imaginez que dans une conversation
avec un vieil oncle, donneur de leçons, vous soit évoqué, avec
délectation, le côté brillantissime d’un cousin germain en ces
termes : Grégory finit ses études de vétérinaire brillamment... Si vous en êtes affecté(e), à vous de récupérer ce que la future
profession de Grégory cache de vos propres talents enfouis.
Si vous êtes photographe, par exemple, vous pouvez entendre que vous devez développer le projet d’un documentaire original
sur les animaux. Ainsi, l’émetteur-agresseur (le vieil oncle
dans ce cas) deviendra l’arroseur-arrosé. S’il a cru, par mauvais
transfert, vous pénaliser, vous réduire, vous peiner, vous
aurez eu largement de quoi sublimer les sentiments négatifs de
cet aïeul à votre encontre, alors que celui-ci privilégie la rivalité.
Les possibilités, à l’instar du cas précédent, sont multiples.
Au début, elles requièrent un peu d’imagination, puis
elles se mettent en place naturellement. En d’autres termes, il
s’agit d’appliquer ici la sagesse du tendre l’autre joue…
Frédérique Tirtiaux-Walcker
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