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Le développement personnel
dans Signes & sens
Pardonner pour se libérer |
Paradoxalement, continuer à nourrir des sentiments de rancune et de haine à l’encontre d’un agresseur attache à lui. Il encombre nos pensées et parasite notre quotidien. C’est dans ce sens que le pardon peut devenir libérateur. Non pas qu’il soit synonyme d’absolution béate, mais il permet de ne plus rester figé dans la position de victime, tentée par une vengeance qui ferait basculer du côté du bourreau, enfermant ainsi dans un cycle sans fin…
Dans « 81 façons de pardonner », publié chez Guy Trédaniel Éditeur, Marie Borrel donne le ton dès le début de son ouvrage : C’est pour moi que je décide de pardonner, écrit-elle. Première étape, première prise de conscience indispensable. Le pardon ne concerne pas l’autre, mais soi-même !
Un travail sur soi
Il est toujours difficile de passer l’éponge lorsque nous nous sentons trahis sur le plan affectif ou professionnel, et d’autant moins aisé quand le préjudice entraîne une incapacité corporelle. Que dire également d’un viol ou d’un inceste ? Aussi le mécanisme salvateur du pardon ne doit-il en aucun cas nier qu’il y a eu, à un moment donné, atteinte à l’intégrité psychologique et/ou physique. Ce n’est qu’après l’objectivation et la reconnaissance des faits qu’un travail de reconstruction peut avoir lieu, en posant un autre regard sur la situation. Dans son ouvrage « Apprendre à pardonner, l’approche psychanalytique », publié aux Éditions Jouvence, Chantal Calatayud prévient que pardonner n’appartient pas au domaine de la facilité. Cela nécessite une connaissance de soi qui s’étaye, fondamentalement, sur la compréhension des autres, sans pour autant prendre le risque de juger. Quant à la position bouddhiste, le moine Matthieu Ricard en témoigne dans « Plaidoyer pour le bonheur », publié chez Albin Michel, citant la phrase du Bouddha Shakyamuni : Si la haine répond à la haine, jamais la haine ne cessera…
Une prise de conscience nécessaire
Avant de s’engager dans ce véritable chemin de transformation, il convient dans un premier temps de se méfier des faux pardons. Entendons par là ces attitudes empreintes d’une forme d’évitement auxquelles on ne croit pas véritablement. Il ne suffit pas de dire Je pardonne pour se débarrasser à peu de frais d’une blessure. D’autant que ce type de phrase, prononcée trop rapidement, peut masquer un état de toute-puissance. Les croyants avancent à juste titre que Dieu seul possède ce pouvoir dans sa complétude. L’humilité et le courage consistent plutôt à verbaliser que la souffrance est bien présente et que les limites du supportable ont été atteintes. De fait, le premier élan de colère reste justifié et justifiable, ne serait-ce que pour signifier que celle ou celui qui nous a fait du mal est allé trop loin. La seconde étape, essentielle, consiste à ne pas s’identifier à cet agresseur et donc à ne pas céder à l’instinctif œil pour œil dent pour dent. Le processus demande une incontournable introspection : il s’agit d’essayer de comprendre comment le partenaire en est arrivé là. Dans le cas d’une trahison affective, par exemple, sans toutefois excuser le passage à l’acte, il est bon de pouvoir considérer quelle est notre part de responsabilité. Quoi qu’il en soit, il est important de garder systématiquement à l’esprit qu’une transgression signale une souffrance sous-jacente. Les travaux freudiens postulent que tout sadique est toujours et en même temps un masochiste. Quant à Matthieu Ricard, il prend toutefois la mesure de la difficulté à s’inscrire dans cette réflexion évolutive lorsque l’acte délictueux est inacceptable : Il est rare, écrit-il, que nous soyons capables de considérer un criminel comme la victime de sa propre haine. Pourtant, voir les choses de cette manière rendrait caduque tout désir de mort à l’égard de notre semblable. Et Marie Borrel de conclure : Savoir pardonner, c’est notre prérogative d’hommes libres. Le pardon est entre nos mains. Il ne tient qu’à nous de le distribuer autour de nous pour que le monde change…
Valérie Corseau
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