Paresse ou centration salvatrice ?


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Pour la tradition chrétienne, la paresse représente l’un des 7 péchés capitaux. C’est dire combien cette attitude a mauvaise presse. L’anathème a été jeté jusque dans les sphères de l’école laïque, cancre étant synonyme de paresseux. Aujourd’hui, heureusement, la nuance est de mise et ce simple adjectif facile ne suffit plus à expliquer les résistances à un type d’apprentissage qui n’est peut-être pas en adéquation avec l’élève…

Si le paresseux – selon le dictionnaire – répugne à l’effort, il peut cependant dépasser son aversion en convoquant sa créativité. Il deviendra alors productif et efficace.

La pratique du non-agir

Dans ses écrits, la philosophe Hanna Arendt se réjouit du remplacement de l’Homme par la machine, tout en réfléchissant à comment il pourrait utiliser de façon évolutive la disparition de la nécessité d’user sa force de travail. Ainsi, c’est bien pour pallier la dictature de l’effort pour l’effort que des inventeurs ont imaginé les avancées technologiques dont nous bénéficions. On peut même affirmer que tous ces progrès sont nés d’une certaine paresse : l’automobile, la machine à laver, l’ordinateur existent parce qu’un jour quelqu’un a imaginé un moyen de moins se fatiguer. Paradoxalement, la société moderne, obnubilée par la notion de rentabilité et de compétitivité, ne semble pas apprécier ce confort à sa juste valeur. Tout devant aller très vite, le burn out guette en effet ceux qui veulent toujours arriver les premiers. Or, à l’origine du mot « paresse », on trouve l’adjectif « piger » signifiant « lent » ! Et la lenteur permet une centration salvatrice. Le sage Lao-Tseu ne disait-il pas : Il n’est rien qui ne s’arrange par la pratique du non-agir… Le non-agir dont il est question consiste surtout à lâcher prise sur un activisme effréné. Ce n’est d’ailleurs pas une coïncidence si toutes les méthodes de thérapies psychocorporelles insistent sur la détente et la relaxation. D’autant que la créativité nécessite un état de réceptivité passive. Toutes les intuitions géniales se sont manifestées dans des moments de calme, voire pendant le sommeil.

L’exemple venu d’Orient

En arts martiaux, au lieu de dépenser une énergie physique maximale, il est plutôt enseigné au pratiquant de se servir de ses parties corporelles avec le moins de force possible pour produire un plus grand effet. Telle devrait être le sens positif d’une juste paresse qui ne soit plus considérée comme un vilain défaut. Il ne s’agit pas de ne rien faire mais d’être plus efficace à un moindre coût énergétique. Pour y parvenir, il s’avère important de s’accorder le temps de la réflexion avant de vouloir remplir coûte que coûte son agenda. D’autant que le monde médical tire la sonnette d’alarme : le mauvais stress est une variable constante dans nos vies quotidiennes qui met en danger notre santé. Une réponse positive venue d’Orient consiste à se recharger libidinalement en pratiquant régulièrement la méditation dans un environnement calme. Plusieurs techniques existent, de la répétition d’un son à la visualisation. Le yogi Swami Stayananda Sarasvati (1923-2009) a même remis au goût du jour une très ancienne technique, le yoga nidra (yoga du sommeil), dont l’objectif demande une détente complète du corps et de l’esprit. La sophrologie, pour élaborer sa méthode, a d’ailleurs largement puisé dans cette sagesse immémoriale. La méditation n’a donc rien à voir avec le farniente. Elle permet, à l’inverse, de se recentrer sur ses propres ressources intérieures. L’expérience, tentée dans certaines entreprises aux États-Unis et au Canada, a montré qu’elle aide – entre autres – à la résolution de problèmes et augmente la capacité de travail…

Mathieu Bernardin

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