Selon les statistiques, près d’un tiers des enfants préfère recevoir de l’argent plutôt que des cadeaux. Devenus ados, la grande majorité d’entre eux dépense sa cagnotte principalement en vêtements, chaussures et accessoires de beauté, c’est-à-dire tout ce qui touche à l’apparence. Par ailleurs, un sondage auprès des jeunes de 15 à 24 ans, quant au choix d’un métier, dévoile que 69 % ont pour premier critère la rémunération, contre seulement 41 % qui évoquent un intérêt pour le contenu de la profession…
Il semble naturel qu’à un âge où la soif d’indépendance est à son apogée, l’argent fascine par le pouvoir dont il est investi. La stratégie du marketing l’a bien compris, incitant les jeunes à consommer toujours plus, sachant que la frustration n’est pas leur fort. Une enquête Consojunior a estimé à 1,5 milliard d’euros l’argent de poche reçu annuellement par les jeunes de 8 à 18 ans. Le plus gros chiffre d’affaires étant réalisé par la vente de produits de marque.
Un sentiment de contrôle
Pour Sigmund Freud, le père de la psychanalyse, l’argent est associé à une énergie psychique investie d’une dimension de contrôle sur autrui. Il renvoie à une période infantile au cours de laquelle plaisir et besoin sont confondus. La fascination des ados pour l’argent est donc une réminiscence de cette période, cette monnaie d’échange n’étant pas totalement mise au service du principe de réalité. Les jeunes ont plutôt tendance à dépenser sans compter (plaisir de l’expulsion) mais certains savent aussi déjà thésauriser (plaisir de la rétention). Une partie de cette couche de la population peut économiser pendant des semaines pour acheter les marques convoitées car l’argent est également associé au paraître, à l’avoir plutôt qu’à l’être.
Vers des valeurs humanistes
Lorsqu’il gagne en maturité, l’adolescent se rend cependant compte que l’argent dont il dispose représente aussi ses propres limites, ainsi que les limites du milieu dont il est issu. Il prend peu à peu conscience de l’évidence, discernant alors, en règle générale, ses véritables nécessités et rééquilibrant de fait son approche pécuniaire en fonction de la situation. Grâce à son bon sens et à une communication suffisante avec ses parents, l’idéalisation s’estompe au profit d’un réel désir d’envisager son quotidien en accord avec ses possibilités matérielles présentes. Qu’il appartienne à une famille aisée ou défavorisée, le rapport à l’argent ne doit plus être une source de domination. Il est vrai que la société, surtout en période de crise, ne facilite pas toujours cette maturation nécessaire. À nous, adultes, de montrer l’exemple en lâchant nos propres rêves pour un moyen qui, s’il contribue au bonheur, ne le fabrique en aucune manière. Une façon de prouver à la génération en devenir qu’il existe d’autres valeurs qui ne s’achètent pas, qui sont gratuites, telle la prise en compte de soi, tout en évitant autant que possible d’abîmer autrui. Un projet humaniste qui concerne aussi bien les nantis que les plus démunis.
Pascal Jaffier