La jalousie et la rivalité sont des réactions humaines fréquentes. Plus ou moins manifestes, elles sont liées à des fixations infantiles non dépassées et se réactualisent à l'âge adulte dans des domaines aussi variés que le travail, le sport, l'amitié, la famille, le couple. S'y surajoute un mécanisme redoutable : le contrôle exercé par l'ex-partenaire quand il refait sa vie...
Charlotte a quitté Frédéric il y a trois ans à la suite d'un coup de foudre pour son patron. Le divorce a été prononcé rapidement, le mari respectant la décision de sa femme. L'épreuve a été rude mais il a décidé de relever la tête : il s'est mis au golf pour ne pas ressasser la trahison conjugale et voir du monde. C'est lors d'une leçon qu'il a rencontré Louise. Sûrs de leurs sentiments respectifs l'un pour l'autre et la jeune femme étant célibataire, ils ont emménagé ensemble. Dès qu'elle l'a su, Charlotte - si distante jusque-là - a pris les prétextes les plus fallacieux pour s'immiscer dans cette nouvelle union : changement des week-ends de garde des enfants, des dates des vacances, coups de téléphone récurrents concernant les bulletins scolaires ou les moindres bêtises commises par leurs jumelles... Ce type de comportement n'est pas rare, malheureusement.
Une faille narcissique
La psychanalyste Chantal Calatayud explique que " cette attitude qui peut sembler surprenante et illogique s'étaye en fait sur une mésestime de soi. ". Elle poursuit en précisant que " dans ce cas, l'apparition d'un(e) rival(e) ravive une blessure narcissique refoulée ". Cette souffrance inconsciente est alimentée en permanence par une impression très forte de manque. Chantal Calatayud dit d'ailleurs que " les sujets abandonniques sont plus exposés à la difficulté d'admettre qu'ils ont pu être remplacés... ".
William, 48 ans, confirme ce déchirement : " J'ai beaucoup trompé ma compagne durant nos huit années de mariage, banalisant mes mensonges et mes dépenses inconsidérées. Il fallait que je séduise à n'importe quel prix. Je n'avais pas une addiction au sexe. Je ressentais avant tout le besoin de me rassurer. Amélie m'avait fait comprendre habilement qu'elle n'était pas dupe de mes agissements mais je ne l'entendais plus depuis longtemps. Un jour, elle m'a annoncé qu'elle me quittait pour un homme qu'elle avait appris à connaître et à aimer via Internet. J'ai cru que le sol se dérobait sous mes pas. De violentes douleurs à la poitrine ont suivi me faisant redouter un infarctus. Il ne s'agissait que d'un énorme choc affectif que je n'avais pas vu venir. Je faisais des cauchemars abominables. Je l'ai harcelée pendant des semaines, sans même qu'elle y prête attention. J'ai fait une tentative de suicide et le lui ai fait savoir : elle n'a pas bronché. Je suis toujours sous traitement anxiolytique et je n'arrive pas émerger. Je serais encore capable de faire tout et n'importe quoi pour entendre le son de la voix de mon ex. J'en étais arrivé à lui téléphoner à n'importe quelle heure du jour et de la nuit, juste pour entendre sa respiration, jusqu'au moment où elle a changé de numéro. Je me sens nul et inutile...".
À ce stade de l'autodévalorisation, l'avenir paraît bouché et la personne quittée a besoin de temps pour apprendre enfin à s'aimer véritablement.
Une prise de conscience évolutive
Si le complexe d'Œdipe rôde en permanence, nous malmenant dès qu'une triangulation se met en place, faire le deuil de son ex s'impose comme une nécessité en terme d'équilibre et de santé. Cette sagesse requiert toutefois et comme l'écrit Marie Borrel dans son ouvrage " 81 façons de divorcer sans drame ", publié chez Guy Trédaniel Éditeur, le refus de se dénigrer. Elle ajoute : " Le départ de l'autre laisse une blessure béante, par laquelle la confiance en soi s'écoule. On a alors tendance à se trouver tous les défauts du monde. On se trouve moche, inintéressant, banal, ennuyeux... Ce n'est pas vrai. Ce que nous sommes ne convenait plus à l'autre, c'est tout. Cela ne signifie pas que nous n'ayons aucune qualité. Il faut absolument résister à la tentation de l'auto-flagellation. Au contraire, c'est le moment de cultiver nos qualités ", renchérit Marie Borrel.
Ceci étant, il s'avère indispensable de considérer que quitter ou être quitté(e) laisse systématiquement une trace confusionnelle bien ancrée. Les deux membres du binôme se sont aimés et cette énergie précieuse ne disparaît pas brutalement et ce, quel que soit qui a décidé de la rupture. Il n'est donc pas étonnant que des sensations de désir de retourner du côté de son ex puisse titiller,
a fortiori et encore une fois quand il (ou elle) a rencontré l'âme sœur... Pour résoudre cet obstacle conseille Marie Borrel, il ne faut surtout pas donner de prise aux regrets et aux remords. " Il n'y a rien à regretter ", dit-elle, " ni la vie que l'on a vécue, ni les choix que l'on a faits jusque-là. Les remords sont tout aussi inutiles. Le passé est le passé et nous n'avons pas le pouvoir de le réécrire ", rappelle-t-elle...
Il est bien évident que tant que l'ex ne parvient pas à intégrer ces évidences, il faut faire preuve de patience car cette forme d'empathie accompagne, sans exception aucune, un dénouement favorable d'une lutte qui n'a plus lieu d'être. Effectivement, le processus qui pousse à forcer une porte fermée est velléitaire, le psychisme ne fonctionnant pas si mal qu'il n'y paraît : " La source de l'amour est dans notre cœur et elle nous guide ", assure Marie Borrel. C'est ainsi que même si William connaît encore les affres de la séparation, tôt ou tard le déclic se fera vers un avenir amoureux à nouveau serein...
Cyrille Clavier