|
Le développement personnel
dans Signes & sens
Qui sont ces chasseurs de têtes ?
|
Apparue au début des années 60 aux États-Unis, la profession de « chasseur de têtes » consiste à dénicher, pour le compte d’une entreprise, le profil adéquat à un poste à haute responsabilité. Quitte à le « débaucher » d’une entreprise concurrente !
Travaillant au sein d’un cabinet, ces hommes et femmes de l’ombre évoluent dans le milieu de la finance, de la comptabilité, de la télécommunication, de la gestion, du marketing, des nouvelles technologies.... À la différence des agences de recrutements procédant par annonce, les cabinets de « chasseurs de têtes » privilégient l’approche directe, ce qui demande des qualités particulières…
Une méthodologie de fin limier
Le travail de ces professionnels consiste à recruter des profils sur mesure. 80 % des personnes approchées par les chasseurs de têtes ne sont pas en recherche d’emploi, ce qui explique peut-être la réputation sulfureuse du métier. La première qualité d’un bon cabinet sera donc de posséder une énorme banque de données dans laquelle il va falloir identifier les individus susceptibles de répondre au profil demandé. Après cela, il s’agit de les approcher confidentiellement. Le consultant d’un cabinet de « chasseur de têtes » confie ce travail à des chargés de recherche. Ces assistants, souvent de sexe féminin, doivent obtenir le nom et les coordonnées personnelles du sujet qui les intéresse. Des qualités de comédienne sont souvent nécessaires pour se faire passer tour à tour pour une organisatrice de congrès, une journaliste ou tout autre personne n’éveillant pas une interrogation au sein du personnel de l’entreprise dans laquelle la cible est employée. Une fois le contact personnel pris, un entretien avec le consultant est organisé, souvent par téléphone rouge, afin de définir la motivation du candidat. Rien n’est officialisé tant que l’affaire n’est pas conclue. Un point essentiel dans nos missions est de protéger l’individu, le mandat et l’entreprise, explique Jean François Monteil, directeur d’ATKearney Executive Search France.
Comment devient-on « chasseur de têtes » ?
Selon Élisabeth Bré, directrice du cabinet Harvey Nash, le métier de chasseur de têtes ne répond pas à une formation type. Il correspond avant tout à des qualités humaines : le sens de l’entreprise, l’ouverture d’esprit, la capacité à comprendre et à parler aux managers… Pour Éric A. Denzler, fondateur de Denzler & Partners, le problème est que la profession ne jouit d’aucune protection. N’importe qui peut se prétendre chasseur de têtes en s’appuyant sur son seul carnet d’adresses. Pourtant, si l’on en croit Studyrama, les formations les plus souvent rencontrées sont celles des écoles supérieures de commerce (HEC, ESSEC, Sup de co). Le « must » en la matière : une école de commerce + un master d’une université américaine. Rien donc de bien délimité dans le domaine, ce qui peut conduire à des abus que dénonce d’ailleurs Jean-Claude Lasanté*, l’homme qui introduisit la chasse de têtes en France au début des années 60. Il nous apporte des éléments de réflexion dans son livre « Attention, chasseurs de têtes », écrit en collaboration avec le journaliste Bernard Lalanne. Il critique notamment le peu de scrupules de certains « braconniers » qui ne respectent pas la règle du off limits qui veut qu’un chasseur ne travaille pas sur les terres de ses clients dans un délai de deux ans après la fin d’une mission. Malgré ces dérives que l’on peut retrouver dans tous les métiers, les « chasseurs de têtes » ont le vent en poupe, témoins les nombreux candidats à vouloir se faire repérer pour trouver un emploi, optimiser une carrière professionnelle ou trouver réellement leur place.
Bien se positionner
Il est clair que le profil psychologique du chassé est très important. On n’attire pas par hasard une offre d’emploi supérieure à celle que l’on a déjà. Il faut posséder une ambition professionnelle singulière et être réactif à la proposition. Âgée de 35 ans, cette avocate spécialisée en propriété industrielle est rôdée aux entretiens d’embauche impromptus : En rentrant chez moi, j’ai trouvé sur mon répondeur le message d’un consultant qui me proposait un poste. Je me suis dit « pourquoi pas ?» et j’ai rappelé. Deux jours plus tard, elle est embauchée par un cabinet d’avocats. Beaucoup de cadres aujourd’hui mettent tout en place pour se faire repérer par « les chasseurs de têtes ». Il est conseillé pour cela d’augmenter sa visibilité, de cultiver son réseau de relations. Valérie, 29 ans, a rencontré pour la première fois un chasseur de têtes pendant son DESS de droit du commerce international où il animait une formation sur le recrutement. À la fin du cours, je lui ai laissé mon CV et je l’ai recontacté régulièrement. Il m’a rappelée il y a un an pour me proposer un poste que j’occupe actuellement…
Un recrutement plus humain et mieux adapté
À l’heure où l’on parle beaucoup de flexibilité, pourquoi ne pas envisager une démocratisation de ces cabinets pour le moment réservés aux cadres. Comme le souligne Guy Moreno*, auteur de « Chasseur de têtes à visage humain », on parle de chasse car notre métier consiste à débusquer la rareté, la maturité et le savoir-faire d’un homme et d’une femme... Interrogé sur la ligne de conduite que devrait, selon lui, suivre une entreprise en matière de recrutement, il déclare : On peut et doit recruter des gens de plus de 35 ans… On n’est pas toujours obligé d’embaucher une personne valide… Pourquoi embaucher un bac + 2 quand un CAP suffit ? Ces remarques tendent à montrer que tout ne va pas de soi quant à la place de chacun dans le monde du travail. Il est pourtant nécessaire d’éviter les erreurs d’aiguillage, les suicides professionnels, les échecs de vie… Traiter l’Homme en sujet et non en objet, c’est prendre en compte ce pour quoi il est fait. Alors, si un candidat est débauché pour mieux, pourquoi pas ! Et s’il s’est trompé, il aura peut-être fait un heureux… Ne dit-on pas : Qui va à la chasse…
Guillaume Rousset*
*Pour en savoir plus, lire :
*« Attention, chasseurs de têtes »,
Bourin éditeur
*« Chasseur de têtes à visage humain »,
guy.moreno@moreno-international.fr
|