La plainte passive, lorsqu’elle devient chronique, engendre le poison des pensées négatives. À l’inverse, une insatisfaction prise véritablement en compte peut devenir un booster pour changer. Soit elle ouvre sur des passages à l’acte salvateurs, soit elle se transforme en source de belle acceptation…
Si la psychanalyse transmet, au travers de la citation de Jacques Lacan, « De la frustration naît le désir », que la satisfaction complète n’existe pas, l’injonction « Ne pas céder sur son désir » reste tout aussi vraie. Autrement dit, quitter l’insatisfaction consiste à prendre du plaisir sans être pris par ses « doux-leurres ».
Un idéal impossible
Notre monde vit un étrange paradoxe. Le philosophe Frédéric Lenoir fait le constat
qu’au moment où on pourrait se réjouir de ses progrès, on s’aperçoit que l’ultra libéralisme économique − qui recherche la maximisation du profit − est un danger mortel. Il précise que
nous sommes dans le règne de la quantité et que nous avons oublié la qualité… L’insatisfaction pathologique, selon lui, réside dans le fait que tout est attendu de l’extérieur au détriment de l’intériorité. Une phrase comme
Je serai heureux lorsque j’aurai la maison de mes rêves occulte qu’une fois acquise, le manque prendra une autre forme. Il en est de même du point de vue affectif. On attend trop souvent que le partenaire nous satisfasse à tout point de vue, d’où la propension à en changer à la moindre difficulté.
Une erreur fondamentale
Autre cause d’insatisfaction : la nostalgie du temps passé. La montée des idéologies, faisant appel à un retour aux valeurs d’antan, témoigne d’un besoin de sécurité qui serait comblé en revenant à une époque fantasmée idyllique.
C’était mieux avant !, entend-on souvent, avec la tentation de se fermer comme une huître à la réalité d’aujourd’hui. Avec toutes les peurs et la violence qui vont avec. Le risque se situe également au niveau individuel. La psychologie met en garde contre ces états régressifs qui font que nos sociétés n’ont jamais autant consommé d’anxiolytiques que pendant ces vingt dernières années…
Un engagement nécessaire
Celui ou celle qui s’engage en hésitant dans une relation amoureuse peut être assuré(e) que cette relation amoureuse n’aboutira pas, écrit encore Frédéric Lenoir dans son « Petit traité de vie intérieure ». Et il poursuit :
Il en va de même sur le plan professionnel ou celui des études : lorsqu’on ne fait un travail qu’à moitié, sans vraiment s’y appliquer, on n’en tire aucune satisfaction. Une vie réussie est toujours le fruit d’un engagement, d’une véritable implication dans tous les domaines de l’existence. Nous sommes responsables de notre vie. Le philosophe encourage ainsi à agir au mieux et avec toute l’énergie disponible. Accuser les événements, les autres, sans soi-même faire sa part, ne peut que nous enliser dans la déception.
Une réalité
Mon Dieu, donnez-moi la sérénité d’accepter les choses que je ne puis changer, le courage de changer les choses que je peux et la sagesse d’en connaître la différence…
Ces mots sont issus de la « Prière de la sérénité » mais conviennent aussi bien au croyant qu’à l’agnostique. On attribue d’ailleurs son origine au stoïcisme, philosophie enseignée par Zénon trois siècles avant l’ère chrétienne. Ils reflètent l’attitude essentielle qu’il faudrait avoir face à l’existence. Il est effectivement des situations qui ne peuvent être changées. Un psychanalyste disait fort justement qu’un patient amputé d’une jambe ne retrouvera jamais ce membre manquant grâce à la cure. En revanche, son acceptation libérera un quantum d’énergie libidinale suffisant pour que cet analysant, malgré son handicap physique, se réalise. Il en va à l’identique pour chacun. Accepter ce qui ne dépend pas de nous, c’est paradoxalement quitter un état dépressif masqué et recouvrer la santé…
Audrey Bernard
