Le regard d’autrui, symbolisé par l’expression du philosophe Jean-Paul Sartre – « L’enfer c’est les autres » –, n’en a-t-il donc pas terminé de nous réduire ? Et s’il existait une méthode qui en finisse une bonne fois pour toutes avec cet empêcheur de vivre pleinement sa vie ?
La peur d’ouvrir la bouche et de dire une ineptie prend sa source dans une relation de dominant-dominé, héritée de notre enfance ou de notre scolarité. Cette relation n’a plus lieu d’être, adulte. Pourtant, nous en sommes toujours marqués. Il est parfois très instructif (mais dérangeant) de constater d’ailleurs que ce que l’on pensait a été dit avec succès par un autre ! Il est donc urgent de rétablir et de développer cette confiance en nous, pour notre plus grand bien. Et paradoxalement aussi pour celui de nos interlocuteurs auxquels nos justes passages à l’acte ouvriront certainement des horizons.
Se faire confiance, c’est faire confiance
Il y a toujours une interaction entre soi et l’autre. Le fait de ne pas se faire confiance se résume à prêter une intention négative à l’interlocuteur. Agnès, jeune commerciale, hésite, par grande timidité, à appeler une entreprise pour demander un rendez-vous en vue d’une embauche éventuelle. Elle se fait violence et se décide tout de même à décrocher son téléphone. Quelle n’est pas sa surprise lorsqu’on lui passe le service concerné et qu’elle se retrouve en conversation téléphonique avec une ancienne copine de classe ! Agnès relate cette expérience :
C’était comme quelque chose de magique ! À cette période de l’année, j’étais un peu déprimée. Je n’arrivais pas à obtenir le moindre contact satisfaisant. Le fait de me retrouver au téléphone avec cette ancienne relation de classe, très effacée au lycée, et de la savoir aux commandes d’une importante société, a reboosté mon énergie. D’autant qu’à l’époque, je l’avais prise un peu sous mon aile, attendrie par ses difficultés familiales. Inutile de dire que Nathalie m’a ouvert toute grandes les portes…
Des « non » qui ont du sens
Il est évident que les choses ne se passent pas de façon toujours aussi idéale. Il est effectivement des moments où s’entendre dire
non peut être désespérant. C’est justement pourtant l’occasion d’aller au bout du
des espoirs. C’est quand la nuit est la plus noire, disait un philosophe, que la lumière apparaît. Il faut accepter le refus comme une opportunité qui viendra plus tard, à coup sûr.
Marc, responsable d’une association de réinsertion sociale, se heurtait à de nombreuses hésitations de la part d’employeurs qui refusaient de prendre en apprentissage ses stagiaires sous le prétexte, évidemment justifiable, qu’ils avaient fait de la prison. Pourtant, à l’instant où il pensait tout abandonner, le directeur d’un centre de détention, avec qui il était en relation, lui envoya un émail : il connaissait le profil des stagiaires de Marc et lui proposa de refuser toutes les propositions d’apprentissage en cours. En effet, il avait l’intention de quitter son emploi à la suite d’un héritage et de se lancer dans le vaste projet de créer un centre d’accueil pour post-délinquants. Auparavant, il fallait restaurer un mas et il avait besoin de main d’œuvre. Il y avait du travail rémunéré pour au moins un an, voire plus. Ce fut le début d’une solide collaboration…
Mais qu’ont-ils donc de plus ?
Il y a un obstacle majeur à l’intimidation, c’est le fait de prêter à l’autre des qualités que nous n’avons pas. Il serait plus judicieux de déclencher notre imaginaire autrement : oui, il a une très belle voiture ! Mais que sait-on de sa difficulté à avoir une relation affective durable ? Oui, il parle bien et en impose en réunion ! Mais que savons-nous de ses nuits sans sommeil, peuplées d’agresseurs fictifs qui tenteraient de le déstabiliser ? Oui, elle est très belle ! Mais que connaissons-nous de son désir d’être reconnue autrement que pour ses formes ? Il y aurait des kyrielles d’autres exemples qui montrent que nous croulons de jalousie, sans nous rendre compte des inconvénients qui vont avec un
idéal mis à l’extérieur et que nous ne supporterions certainement pas…
Concentrons-nous plutôt sur ce que nous possédons à l’instant
t. Nous constaterons alors que nous n’avons rien à envier aux autres et que nous bénéficions de bien des richesses que ces autres pourraient nous envier ! La nécessaire estime de soi commence par remercier et se remercier pour ce que l’on est. Il ne s’agit ici nullement de faire preuve de résignation, cas auquel aucun passage à l’acte n’est possible, mais d’une juste évaluation de nos potentialités. Celles-ci peuvent d’ailleurs nous ouvrir des opportunités intéressantes pour peu que le regard alentour ne soit plus le handicap majeur. Osons agir et nous réaliserons alors – un peu honteux – le nombre de procès d’intention que nous faisions à autrui…
Jean-Luc Castro