Ce titre n'est pas une insulte destinée à tous ceux qui souffrent de leur corps. Sûrement pas. D'ailleurs, qui n'a jamais ressenti de migraines quasi invalidantes, de maux de dents épouvantables, de douleurs abdominales violentes, de dorsalgies plus ou moins supportables ? L'être humain est ainsi rappelé à l'ordre par son propre contenant, ce véhicule performant qui peut tomber en panne et le martyriser sans crier gare, les causes des dommages corporels étant nombreuses, avec des conséquences souvent incontrôlables au début des manifestations symptomatiques. Pourtant, pour moins souffrir, il faut accueillir la douleur, la médecine qui a fait des progrès gigantesques en un siècle dans ce registre pouvant parfois n'y pas suffire. Prenons en compte les témoignages de personnes atteintes d'un zona : même le traitement médical adéquat peut donner des résultats insuffisants, pendant des semaines, voire des mois, quant aux " brûlures " éprouvées par le malade... Quoi qu'il en soit, la douleur reste subjective dans la mesure où, en tant que signal, elle a des choses à nous dire. Le corps exprime à sa façon ce qui le blesse psychologiquement en premier lieu. Il a atteint ses limites. Lui aussi. Et il est bien évident que lorsque le soma n'en peut plus malgré les consultations et prescriptions médicales incontournables qui s'imposent toujours dans ces cas-là, il faut une solution d'urgence, solution toute personnelle qui se situe dans un accord/à-corps...
Quand la douleur atteint son paroxysme, un mauvais réflexe consiste à se mettre en position de défense : recroquevillé sur soi-même, souvent en position de foetus pour tenter inconsciemment de retrouver l'état paradisiaque de gestation où la protection maximum était assurée, le mal est à son apogée. En étant attentif, on constate cependant que son intensité fluctue, faiblit un peu, puis reprend plus aiguë, à l'image et à la mémoire des contractions utérines qui ont accompagné notre naissance, apparaissant, puis disparaissant pour réapparaître à nouveau pour que la naissance advienne. Mais, à ce stade de l'agression somatique liée à la maladie, il est donc absolument nécessaire d'adopter une attitude inverse de celle du repli physique sur soi. Certes, la douleur va revenir à son plus haut degré d'intensité et on la redoute... Admettons alors tout de suite de principe qu'elle est un message sensoriel intime et que, de fait, elle est légitime pour soi. Elle arrive tel un bourreau ? Il faut la laisser se déployer. N'est-elle pas chez elle ? Attendue comme une conseillère possible, accueillie comme matrice évolutive, elle prend sa place et investit maintenant tous les réseaux neuropathiques. Mais avec l'attention et le respect qu'on lui porte (ce n'est pas du masochisme), elle semble soudain et curieusement moins agressive car elle " délivre " et laisse un message à décrypter par l'intéressé. Elle devient intéressante. Elle prévient qu'il faut opérer un changement dans son existence. Quand elle aura complètement fini son travail, c'est-à-dire quand le psychisme aura compris et admis, elle s'en ira...
Carole Vallone