L'équanimité est la capacité à garder un état de neutralité sereine, quelles que soient les sensations communément et habituellement éprouvées devant la variabilité des situations rencontrées.
Il ne s'agit pas vraiment de self-contrôle. L'équanimité est plutôt à envisager comme l'égalité d'humeur devant tout scénario existentiel, plaisant ou déplaisant. C'est peut être là où ce concept peut sembler déroutant...
Effectivement, arriver à se détacher de ses affects négatifs constitue un but protecteur que tout un chacun peut admettre. Mais se détacher d'un sentiment agréable peut donner l'impression d'une vision masochiste. Pourtant, cette voie correspond fondamentalement à une forme de lâcher-prise tout autant nécessaire pour que l'être humain évolue selon un principe de réalité universel : ici-bas, tout change sans arrêt, comme le signifie le concept d'impermanence. Inutile donc de se repaître, victorieux et satisfaits, des respirations positives, plus ou moins longues, que nous offre la vie. Elles aussi ne durent qu'un temps et si nous ne parvenons pas à nous en détacher psychologiquement, les regrets et les remords envahiront notre horizon quotidien à un moment ou à un autre, c'est-à-dire quand la roue aura tourné. Et elle tourne toujours ! Personnellement, je trouve également que l'impermanence peut rendre plus humble, comme le montre l'histoire de Charles et de Liliane...
J'ai très bien connu un couple de bouddhistes, décédés aujourd'hui, qui servaient admirablement bien cette philosophie. Industriels installés dans le nord de la France et réputés dans les années 60, leur entreprise de maroquinerie - qui avait toujours fait en sorte de conserver un savoir-faire ancestral - avait fait faillite à la suite de la concurrence étrangère moins pointilleuse... Leur hôtel particulier vendu, Charles - avec l'accord de Liliane - avait accepté un simple poste de commercial qui couvrait la région PACA. Installés dans le Vaucluse, ils y prirent une retraite modeste, disant ne jamais avoir baissé les bras grâce au bouddhisme. Devenus locataires d'un petit appartement, ils ne mettaient en exergue que les avantages du lieu, appréciant - mais sans plus - les aspects pratiques. C'est d'ailleurs à eux que je dois mon initiation bouddhique et mon début de recherche de sagesse... Ce couple adorable, ayant compris que tout est éphémère, n'accordait plus la moindre importance sentimentale aux liens objectaux ni subjectaux ! Déçus, ils l'avaient été, ils ne le seraient plus... Ils avaient forgé une approbation saine de leur destinée.
Ce processus, étrange quand il est envisagé de loin et de l'extérieur, présente l'avantage de développer une confiance devant les évènements qui se présentent car sa particularité consiste à ne jamais en faire une affaire personnelle. Cette impartialité permet d'être dans l'acceptation intégrale de ce qui est, des autres et de soi. Il n'y a d'ailleurs rien à rejeter de l'existence, précise le Dhamma, cet ensemble des enseignements livrés par le Bouddha.
Plus notre âme est équanime, plus elle s'ouvre sans jugement à ce qui apparaît sur sa route. Il n'y a plus d'exaltation ou de désespoir. Une véritable tolérance s'installe, y compris face à ce qui est détestable. Cependant, cette pratique - qui considère que tout est parfait - demande beaucoup de travail, de remises en question, de persévérance et un désir sincère de quitter ses souffrances, ne tolérant aucune complaisance vis-à-vis de soi-même car si la paix s'élabore et se construit, elle a aussi un prix.
Pour en savoir davantage, notons que l'équanimité appartient à l'un des Quatre Incommensurables de la Bodhicitta, source de toutes les qualités spirituelles, qu'il est intéressant de découvrir pour se familiariser avec les fondements de la pensée bouddhiste pour qui en ressent le désir.
Lucile Biraud
