Nous sommes tous plus ou moins traversés par les soucis, les angoisses, la frustration. Les évènements ne vont pas comme on voudrait. Ceux qui nous entourent ne font pas ce qu’ils devraient. Bref, la vie est loin d’être parfaite, croit-on. Mais ces impressions ne sont que le reflet de nos états d’âme, ils ne sont en rien la réalité. Pour vivre heureux, tâchons de vivre lucides et légers. Voici quelques suggestions…
L’anxieux se traite en ennemi, pas moins. Il s’inflige en permanence une punition. Il croit que la source de ses angoisses se trouve dans l’incompréhension du monde à son endroit, alors que ses frustrations sont le cœur même de sa problématique. C’est-à-dire que le sentiment est premier et que l’intelligence va se charger ensuite de lui trouver des causes “objectives”. Cela s’appelle mentaliser.
Affronter Thanatos
Au moment même du bonheur, quelque chose va “ clocher ” ou alors l’anxieux aura immédiatement peur que le bonheur ne cesse. C’est que Thanatos, la pulsion de mort, à l’oeuvre dans l’individu comme dans la société, asservit Éros, la pulsion de vie. C’est le grand Freud lui-même qui nous l’explique. Oui, vous avez bien lu : Éros, la pulsion de vie, est au service de Thanatos, qui finit d’ailleurs par l’emporter puisque nous sommes tous mortels. Mais en attendant, si on pouvait un peu respirer, vivre un peu moins torturés, M’sieu Freud, qu’est ce que ce serait bien ! Certes, mais comment faire ? Eh bien, en affrontant le vieux Thanatos, plutôt qu’en essayant de l’éviter. En sachant qu’il nous accompagne tout le temps, que c’est lui qui fait de nous un angoissé et pas le monde. En se rappelant avec sagesse que cette tentation de l’anéantissement, au centre même de nos émotions négatives, n’est qu’en faible partie provoquée par les autres. Savoir supporter la vie joyeusement parce qu’on le décide, parce qu’on se rend enfin maître d’une toute petite parcelle de notre vie, la plus importante cependant – le regard que l’on porte sur elle – c’est difficile, c’est un effort quotidien. Mais c’est le contraire du renoncement. Comme dit le philosophe Epictète : “Vivre est une chose indifférente, l’usage qu’on fait de la vie ne l’est pas”…
Lâcher la toute-puissance
Nous avons tous été ce petit enfant qui se croyait le maître du monde et piquait des colères noires quand ça n’allait pas selon ses caprices. Nous pleurions et l’objet de tous nos désirs (
maman) accourait, pour nous nourrir, nous parler, nous dorloter. De là toutes nos croyances en la primauté, l’importance capitale de notre vouloir. Ce que nous exigeons, c’est le mieux. Nous seuls détenons la vérité. Nous seuls savons ce qu’il faut, pour nous et pour l’autre ! Bref, à nos propres yeux, nous sommes en quelque sorte Dieu. Sauf que nous n’avons plus trois ans et que la réalité nous le rappelle sans cesse. Lâcher la toute-puissance, autrement dit être adulte, c’est vouloir agir, bien sûr, mais uniquement sur ce qui dépend de nous. Être au monde et y adhérer, c’est être conscient de ce qui nous incombe et nous revient ; c’est savoir qu’on peut se tromper à tout moment et pouvoir réviser son appréciation de la réalité. Tout cela sans se croire obligé de tout contrôler ! Lâcher le contrôle, ça ne fait pas mal, au contraire. Lorsque l’enfant obéit aux parents protecteurs, c’est-à-dire à la réalité, il est frustré parce qu’il ne sait pas qu’en mettant les doigts dans la prise, il se serait fait très mal. Puis, petit à petit, il l’apprend et le comprend. Il accepte ces raisons qui ne sont pas les siennes et fait confiance. C’est une attitude que nous avons intégrée, elle fait partie de notre outillage naturel. Ayons-y recours, acceptons de ne pouvoir contrôler chaque instant de notre vie, chaque mouvement de l’autre en face de nous, chaque manifestation du monde. Adoptons la souplesse : au lieu d’être le mur, soyons l’eau qui le contourne. C’est une gymnastique, un entraînement. Essayez, un soulagement immédiat s’ensuit, vous verrez !
Accepter la réalité
Face aux grandes difficultés de l’existence, il faut bien se dire qu’il n’y a pas mille solutions. Toutes les philosophies se sont penchées sur le sort des humains pour tenter d’apporter quelques réponses à leur questionnement. Toutes les religions ont forgé des croyances qui se voulaient consolation. La psychanalyse elle-même, en temps qu’humanisme, nous propose une démarche qui n’aboutit à rien d’autre qu’à l’acceptation de la réalité et d’abord de notre réalité intérieure : l’absence définitive de perfection, nos travers terribles, le dérisoire de nos actes. Mais cette lucidité qu’elle offre, face à nos instincts archaïques morbides, n’est pas synonyme de résignation, au contraire. Accepter la réalité, se coltiner avec elle, c’est faire preuve d’audace. La légèreté et les moments de bonheur nous seront donnés en cadeau…
Dominique Charnaise