Le point de vue
Venir au monde, c’est se séparer… Déjà ! Et ainsi va la vie à chaque mutation de l’existence. D’ailleurs, tout changement d’état requiert un quantum d’énergie phénoménal car chaque séparation en devenir mobilise l’inconscient individuel ; effectivement, il s’agit-là de l’exigence même qui concerne la mémoire puisqu’il n’est pas question non plus d’oublier ! L’inconscient collectif y veille utilisant, symboliquement, les fêtes anniversaires qui saluent la première grande séparation de l’être humain d’avec son premier grand amour : la mère. Comme un pléonasme, la séparation concerne les étapes importantes du parcours de l’individu. Le bât blesse lorsque, pour des raisons mnésiques filiales, transgénérationnelles, ou simplement parentales, séparation rime avec abandon. En fait, un amalgame défensif utilisé fantasmatiquement s’étaye sur une angoisse réductrice : abandonner ou s’abandonner ? Ce dilemme, logé à l’intérieur de soi, s’apparente à une confusion redoutable qui fixe pernicieusement à une croisée régressive ; ce non-choix conditionne l’individu qui s’enferre progressivement dans une incapacité à prendre la décision juste chaque fois que le moment opportun se présente. Cela vient du complexe fonctionnement de la psyché, comme l’a souligné Sigmund Freud dans son ouvrage «Psychopathologie de la vie quotidienne», puisque l’intention inconsciente attend un prétexte qui se substituera à une partie des causes réelles et véritables et qui, détournant les forces de conservation de la personne, la débarrassera de la pression qu’exercent sur elle ces causes… Cependant, cette stratégie inconsciente, pour la plupart, contribuera à mettre dans le doute le plus profond, souvent invalidant, empêchant de développer le moindre esprit de décision. Mais alors, si s’abandonner ne revient évidemment pas à abandonner, comment sortir du ghetto lié à cette interrogation récurrente ? Tout d’abord, savoir se libérer de ce carcan, ça s’apprend ! Il s’avère essentiel de désidéaliser l’autre, quel qu’il soit, et de renoncer à la démoniaque illusion que l’herbe est plus verte dans le pré du voisin... Ce recentrage sur soi entraîne progressivement une renarcissisation de qualité qui, du même coup, fera abandonner le funeste besoin d’être aimé. Petit à petit, jaillira le plaisir d’être aimé(e) mais non plus pour que l’amour soit le bouc émissaire tout désigné pour combler le vide ou le manque lié à un deuil non réalisé. Autrement dit, l’amour ne doit jamais s’envisager comme un remède contre la solitude. L’amour, le véritable, demande une autonomie affective qui nécessite une maturité pulsionnelle suffisante. C’est ainsi que tout relationnel ne se jouera plus en termes de transferts qui, d’affectifs, deviendraient vite affectés. S’abandonner permet d’accueillir toute expérience qui jaillit de l’intime réconcilié qui ne désire plus, dès lors, l’approbation d’autrui. Ainsi, s’abandonner s’accorde-t-il avec s’accepter. Il convient, ici, de la seule alliance raisonnable. |
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