Le point de vue
En arrivant sur l’île de Bali, les touristes sont accueillis par une jolie pancarte : « Don’t worry, be happy ! » (« Ne vous inquiétez pas, soyez heureux ! »). Ce message n’est pas sans rappeler la force de la Parole du Christ : « N’ayez pas peur ! »… Pour autant, l’être humain éprouve bien des difficultés à vivre une joie pleine au quotidien. La morosité l’accompagne souvent, au point d’ailleurs que les ventes de livres ou de CD audio sur le bonheur sont en croissance constante. Ainsi, après la Pensée positive, nous parlons aujourd’hui de Psychologie positive qui recommande, entre autres, la bonne gestion de ses émotions et la résilience qui doivent aboutir, « normalement », à trouver le sens de son existence. Si le concept est noble et malgré les multiples conseils véhiculés maintenant tous azimuts depuis un demi-siècle, la plénitude fait la plupart du temps grise mine… Se plaindre de ses sentiments d’insatisfaction engendre alors tout de suite l’invitation suprême à stopper les influences négatives. Logique mais comment ? Une vaste littérature publie la réponse à cette question : acquérir l’estime de soi qui nécessite toutefois un miroir ne fonctionnant que dans la mesure où les émotions négatives ne peuvent battre en retraite qu’en développant les grandes valeurs humaines, telles que la solidarité. Encore faut-il que l’énergie soit suffisante pour mettre en place la plus modeste tentative altruiste… Quoi qu’il en soit, il ne s’agit pas non plus de confondre « se sentir heureux » avec « être heureux ». Dans le deuxième cas de figure, le bonheur répondrait donc à certaines statistiques qui, si elles donnent des indications sérieuses et vérifiables, font tout de même l’impasse sur l’unicité de chaque individu. Cette particularité incontournable faisait saluer Françoise Dolto, à l’instar de Jacques Lacan, de manière singulière : « Bonjour à tous et à chacun », disait-elle face à une assemblée… Cette grande dame de la Psychanalyse nous livre ici une clé précieuse : la souffrance est la façon pessimiste de nous repasser le film de notre vie. À l’inverse, le bonheur consiste à nous raconter notre existence mais sans nous considérer comme une victime de nos scénarios quotidiens. Il se révèle tout à fait possible d’en arriver à cette posture psychique évolutive mais à une condition : re-situer notre histoire dans celle d’un groupe. Comme par enchantement, les notions de fatalité et de malheur se diluent. Ce réseau émotionnel ainsi constitué offre la possibilité de réaliser que le bonheur en soi n’est rien sans celui des autres. On reproche allègrement à tous ceux qui ont réussi (artistes, grands couturiers, chefs d’entreprise…) d’avoir réussi ! Cette mauvaise appréciation dénie juste le fait que tous ces « acteurs » nous ont rendus heureux, individuellement et communautairement, au moins une fois… Sinon, nous n’en parlerions pas ! |
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