Allain Bougrain-Dubourg
en toute simplicité

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La simplicité d’Allain Bougrain-Dubourg permet une communication aisée ; son discours fait jaillir, outre une pensée en perpétuel mouvement, des récits vivants et passionnants qui s’inscrivent dans un registre de respect et d’amour de la vie.

Allain Bougrain-Dubourg fonde dès l’enfance un Club des Jeunes Amis des Animaux. À dix-huit ans, il donne des conférences dans les écoles et crée avec d’autres jeunes une exposition itinérante baptisée « Pavillon de la nature ». En 1969, il est lauréat de la Fondation de la Vocation. TF1 lui propose de venir parler des animaux dans des émissions enfantines. Il poursuit sa carrière sur Antenne 2 avec des émissions comme des Animaux et des Hommes, Terre des bêtes, Entre Chien et Loup, Animalia (sur France 2). Chargé de mission au Ministère de l’Agriculture, Allain Bougrain-Dubourg multiplie ses actions sur le terrain. Il reçoit des mains du Commandant Cousteau l’Ordre national du Mérite pour son engagement en faveur de la faune et préside à la Ligue pour la protection des Oiseaux (LOP) depuis 1987. Allain Bougrain-Dubourg est également l’auteur de plusieurs livres : « L’agonie des bébés phoques » (Presses de la Cité), «  Le tour de France des animaux sauvages » (Éditions Bias), « Tendres tueurs » avec Yann Arthus-Bretrand (Éditions Le Chêne), « Et Dieu créa les animaux » (Robert Laffont), « Animaux 89 » (Compagnie 12), « Observer la nature, une passion » (Nathan), « Des animaux et des femmes » (Arthaud). Il est directeur de la collection « État Sauvage » chez Atlas.

Psychalyse magazine  : Qui est Allain Bougrain-Dubourg ?
Allain Bougrain-Dubourg : Il faut dire que c’est ma rencontre avec Jean Rostand qui a été déterminante dans mon parcours professionnel. À cette époque, j’étudiais les serpents, séduisants par leur capacité prodigieuse qu’ils ont dans leur adaptation à l’histoire de la vie, séduisants aussi par mille singularités, ne serait-ce que par le fait qu’ils soient mal aimés et qu’ils survivent également à cela. En effet, nous avons vis-à-vis des serpents une attitude très judéo-chrétienne qui, malheureusement, dessert complètement l’ophidien tandis que lorsque vous allez ailleurs, en Inde par exemple ou même en Afrique, le serpent a une autre dimension : il est au contraire déifié. Invité chez Jean Rostand où se trouvaient d’autres personnes, j’ai donc fait cette plaidoirie. On m’a posé quelques questions et à la fin, Jean Rostand a déclaré : « Désormais, Monsieur Bougrain-Dubourg est chez lui. Il viendra tous les dimanches à Ville-d’Avray, il sera le bienvenu. » Ainsi, peu à peu, timidement, j’y suis allé et j’ai rencontré des personnages importants. Il y a donc eu Jean Rostand et bien d’autres ; j’écrivais dans un style un peu différent du leur, quelquefois on se disputait puis on se retrouvait. Jean Richard avait à cette époque créé la « Fondation de la Vocation » et Jean Rostand, qui était à ce moment-là membre du jury, me dit un jour : « Il faudrait que vous vous présentiez à la Fondation de la Vocation » mais je ne me sentais pas prêt, je ne pensais pas avoir la dimension, je n’étais qu’un « montreur d’ours ». Malgré tout je me suis présenté et j’ai été élu par des gens comme le patron de paléontologie au Muséum et d’autres qui avaient fait un joli parcours dans la vie. Je m’en suis trouvé très flatté, cela m’a fait plaisir d’être à leurs côtés dans une telle promotion. Lorsque jean Rostand est décédé, Blanchet m’a demandé de prendre sa place et d’occuper le poste de jury à la Fondation de la Vocation pour y traiter des dossiers concernant l’environnement. Donc voilà, pour répondre un peu à votre question mais, en fait, je ne sais pas qui je suis… Et puis voyez-vous, il y a une chose qui me dérange un peu entre nous, bien sûr je connais mal votre métier mais il me semble que sa valeur s’appuie sur les silences qui, en principe, doivent être éloquents ; or, pour moi qui suis dans la communication et, singulièrement, à la radio ou à la télévision, à l’inverse, un blanc est ce qu’il y a de plus redoutable, alors je ne sais pas si l’on va pouvoir s’entendre…

P. M. : Mais nous ne sommes pas en séance analytique !
A. B-D : Le silence est quelque chose qui me fascine. Autant j’admets que le langage, le discours, le bruit, les sons, les ambiances, les chants, tout cela est la clé même de nos sens, autant je trouve que le silence en fait partie, qu’il en est une expression plus modeste mais probablement beaucoup plus convaincante d’une certaine façon. Il y a très peu d’êtres avec lesquels je peux supporter le silence, très vite je ressens un malaise, j’éprouve le besoin de combler le vide.
Il y a une forme de silence que j’ai apprécié avec Brigitte Bardot car je pense que lorsqu’on arrive à un certain degré d’intimité dans un couple, le silence devient quelque chose d’exceptionnel, il en devient presque une manière de faire l’amour.
Bien sûr je ne parle pas du silence dans une voiture prise au milieu des embouteillages mais de cette forme de silence, comme par exemple à la campagne ou ailleurs, là où l’on est conscient de ce que l’on respire, de ce que l’on entend, de ce que l’on ressent, là où à deux, on peut presque à travers le vent caresser les mêmes choses ; là oui, sans aucun doute, le silence est expressif. Quant à savoir qui je suis ?


P. M. : Vous n’avez d’ailleurs toujours pas répondu !
A. B-D : C’est pour cela que je me taisais mais qui est capable de répondre à pareille question ? Je ne crois pas que l’on puisse y répondre d’autant qu’elle conduit nécessairement à s’en poser d’autres telles que : mais où vais-je ? Qu’est-ce que je vais devenir ? Je ne pense pas être en mesure d’isoler cette question, elle me renvoie à l’avenir et en fait qu’est-ce que je peux dire sur l’avenir ? L’avenir, je le vis sur deux aspects : à la fois avec beaucoup de recul et c’est probablement pour cela que je ne voulais pas avoir d’enfant ; il me semblait que la planète sur laquelle on vit est tellement surréaliste que donner la vie n’était pas un cadeau à faire ; puis mon père m’a convaincu du contraire au travers de sa propre expérience en me racontant qu’il avait eu un enfant pendant la guerre à un moment où l’horizon était pourtant sombre. D’autre part, l’avenir je le vis aussi différemment au quotidien, c’est-à-dire comme quelque chose à court terme où il faut assumer quoi qu’il en soit. Et pour aller jusqu’au bout du sujet, à savoir sur l’au-delà, eh bien je n’en ai aucune idée, à ce propos je vis au travers d’un flou totalement artistique. Je me souviens d’une chose qui m’a frappé chez Jean Rostand : cet homme, que je considérais comme un sage, était très préoccupé par l’au-delà ; il se disait athée et en même temps, j’avais rarement vu quelqu’un d’aussi croyant, d’aussi imprégné. Il avait d’ailleurs rencontré toutes les confessions pour essayer d’en apprendre davantage ; il n’avait aucun a priori mais, au contraire, une curiosité constructive. Cet homme qui, selon moi, possédait une grande partie du savoir, était bien incapable de se positionner sur ce chapitre. J’ai un autre souvenir à ce propos, c’est celui de ma grand-mère qui allait mourir. Elle était devenue lumineuse ; j’en suis sûr, je ne rêvais pas. Elle me raconta alors qu’elle avait rendez-vous avec Dieu, ce qui, pour elle, était une véritable histoire d’amour. Elle avait ce comportement d’une adolescente allant retrouver l’homme qu’elle aime. Elle m’expliqua comment jusqu’alors Dieu lui avait refusé de venir la rejoindre mais qu’elle savait que cette fois-ci le jour était venu et qu’enfin ce rendez-vous tant espéré allait arriver. Elle était véritablement d’une telle beauté, avec un tel rayonnement, que cela a provoqué en moi la certitude que la foi est une grande richesse dans ce qu’elle représente. C’est à mon sens tout ce que l’on peut souhaiter aux jeunes d’aujourd’hui : la foi ou la passion, la seule chose qui ne se monnaye pas et peut permettre de supporter les épreuves de l’existence, c’est cela qui manque bien souvent.


P. M. : Existe-t-il un destin pulsionnel ?
A. B-D : Tout d’abord, je refuse d’imaginer que tout est écrit parce que sinon j’aurais l’impression d’être l’élément d’un outil qui me dépasse totalement et je pense que l’on dispose tout de même d’une certaine capacité à gérer nos actes. En conséquence, je pense qu’il nous arrive des choses impromptues pouvant permettre de faire basculer ou non notre destin. Alors oui, j’ai bien du mal à penser que les choses sont écrites, en tout cas je n’ai surtout pas envie de le croire parce que sinon je ne me sentirais plus du tout acteur mais spectateur de mon existence et je crois que dans la vie on a tout de même une grande part de responsabilité dans ce qui nous arrive. Par ailleurs, lorsque j’observe la nature, je suis ébloui par son organisation, par ses capacités d’adaptation. Tandis qu’aujourd’hui, on a de plus en plus tendance à vouloir tout expliquer, il n’empêche que des zones d’ombre demeurent dans bien des secteurs et c’est finalement là où se pose la grande question : à savoir, la nature en tant que machine vivante extraordinaire peut-elle être simplement le fruit du hasard, créé, réalisé, juste par l’évolution du temps et quelques atomes au départ ? En ce sens là, il y a actuellement une science un peu nouvelle que l’on appelle la biotonique. Elle nous a été initiée par les Allemands mais, en fait, elle a été imaginée au début du siècle. Pour moi cette science est comparable à de la prose, c’est-à-dire qu’en réalité on l’applique depuis que l’on existe, à commencer par Léonard de Vinci. L’idée en est tout simplement de s’inspirer des singularités, des performances de la nature et d’en trouver les applications à la technologie humaine. Prenons l’exemple de la Tour Eiffel : Gustave Eiffel avait autour de lui un cabinet d’études et c’est l’un de ses jeunes élèves qui a observé l’intérieur d’un os et a constaté qu’en reprenant très exactement les structures osseuses, on obtenait à la fois la dureté, la souplesse et la légèreté ; et il y eut la Tour Eiffel ! Autre exemple, celui de la truite bleue, laquelle génère une sorte de liquide un peu étrange. Les sapeurs pompiers de New York l’ont reconstituée de façon synthétique et cela leur permet de faire circuler l’eau dans les tuyaux avec une plus grande performance. Dans la fabrication des Airbus A300, pour le bout des ailes, on s’est inspiré des vautours. Récemment, au Muséum d’Histoire Naturelle à Paris, des chercheurs ont étudié les vipères à cornes du désert ; ils ont pu ainsi montrer comment elles parvenaient à monter des pentes de sable sans glisser ; des observateurs ont analysé leur plaque ventrale et finalement, en reprenant très exactement la structure de ces plaques, ils ont réussi à faire un revêtement pour les skis qui favorise l’adhésion. Les exemples sont nombreux et donc la bionique, à savoir l’inspiration que peut donner la nature, est tout à fait fascinante. En fait, je me pose beaucoup de questions, je me demande pourquoi, comment certaines choses existent et souvent je n’ai pas de réponse, alors je me sens à la fois motivé par la curiosité et en même temps, je m’accommode parfaitement des non-réponses. Savoir dire que l’on ne sait pas, que l’on ne comprend pas est devenu aujourd’hui quelque chose de beaucoup plus acceptable qu’autrefois, sans pour autant passer pour « inculte ». Je pense que ce sont justement les questions sans réponse qui donnent toute sa saveur à la recherche.


P. M. : Quelle signification donnez-vous à la vie ?
A. B-D : C’est survivre, c’est un défi quotidien où malheureusement la nécessité de survivre l’emporte, me semble-t-il, sur l’épanouissement de vivre qui devrait être l’inspiration et l’espoir de chacun d’entre nous. J’ai le sentiment que chez les humains, peut-être parce que l’on manque de sagesse, on est désireux de trop de choses, alors on tente sans arrêt de rattraper nos désirs et, de ce fait, on ne peut jamais être satisfait. C’est donc là une forme de survie. Nous sommes dans une société, en tout cas singulièrement dans l’univers de la télévision avec ses mondanités, où incontestablement le paraître l’emporte sur l’être et ça c’est une chose qui me fatigue. Nos outils, nos moyens, notre schéma d’action, s’appuient principalement sur le paraître et c’est pour cela que l’on est condamné à survivre plus qu’à vivre. Si l’être parvenait à valoir davantage, cela rendrait les relations plus justes, plus vraies et je pense que l’on commencerait à vivre véritablement. En ce qui concerne le monde animalier, on a pour habitude de prendre une formule que je trouve un peu anthropomorphique mais qui n’en est pas moins vraie, à savoir qu’à la différence des Hommes, les animaux ne se font pas la guerre par goût de la conquête mais par nécessité et c’est vrai qu’ainsi il y a très peu de gaspillage dans le monde animalier, comparativement au comportement chez les humains alors que, pourtant, par définition, l’animal survit. En fait, les animaux ont toujours des attitudes destinées à désarmer les conflits, c’est-à-dire qu’avant de se battre il y a tout une séquence de précautions qui permettent de calmer, disons en quelque sorte le « jeu ». Bien sûr, ces attitudes vont se manifester au travers d’une certaine forme de paraître, lorsque par exemple le chat va relever son arrière-train avant de cracher, lorsque le grand Duc va se gonfler trois fois de son poids, ou encore lorsque le chien va montrer ses canines, mais tout ceci ne sont que des armes, des indications préalables systématiques. On parle de comportement de précaution. Mais l’Homme est davantage dans une attitude de provocation, d’affrontement qui est bien regrettable parce que je crois qu’il est plutôt fondamentalement bon, bien qu’il donne l’illustration très exacte du contraire. Je ne veux pas formuler d’échelle de valeurs car les choses ne sont pas aussi simples mais vous avez chez les animaux, et cela m’a toujours intéressé à l’égard de l’Homme, ce que l’on appelle les distances de fuite. La distance de fuite, c’est tout simplement la distance correspondant au moment où l’animal attaqué va avoir le choix entre la fuite, l’agressivité ou, voire même, de rester figé. Cette dernière attitude existe, le l’ai vue en particulier sur la banquise du Groenland chez les bébés phoques : ils viennent de naître et n’ont donc aucune expérience vis-à-vis des Hommes ; et pourtant, lorsque l’Homme approche il y a une inquiétude ; alors peut-être est-ce l’expérience des parents qui leur a été transmise consciemment ou non ? Certains d’entre eux fuient tandis qu’à l’inverse d’autres sont complètement « tétanisés », ils ne bougent plus. Là encore, il faut se méfier d’interprétations trop hâtives, ce n’est pas forcément la peur qui engendre l’immobilisme, cela peut être également une action de mimétisme pour ne pas être atteint. Par exemple, vous avez des serpents qui lorsqu’ils ont peur font le mort : ils se mettent sur le dos. C’est amusant, parce que si vous les prenez pour les remettre à l’endroit, ils se remettent immédiatement sur le dos. Il y a donc toutes sortes de comportements qui vont permettre en principe d’éviter le danger, tout au moins de tenter de le repousser.


P. M. : Selon vous, l’Homme se protège-t-il ou se défend-il ?
A. B-D : Je pense qu’il y a un peu des deux mais cela dépend aussi des cultures. J’ai le souvenir d’avoir été chez les Pygmées, c’était un de mes grands rêves d’enfance. Lorsque j’étais petit, je voulais connaître les Pygmées, le lion et l’ours blanc ! Les Pygmées étaient pour moi des êtres mythiques et quand je les ai rencontrés au milieu de la forêt tropicale, j’ai découvert des êtres qui avaient une culture fondamentalement différente de la nôtre, à savoir que pour eux les Anciens sont les guides, ils ont une importance considérable.
Il est extrêmement difficile de généraliser sur la nature humaine. Est-ce qu’elle se défend ? Il me semble qu’avant tout elle joue, le plus souvent elle navigue à vue et, malheureusement, notre société conduit davantage à l’agressivité qui est plutôt une forme de défense. On explique souvent aux enfants et tout particulièrement aux États Unis : « You must are the best », mais on explique assez peu le respect de l’autre. À ce propos, je m’intéresse particulièrement à la relation de l’enfant avec les animaux. Je trouve que c’est une chose capitale dans l’éducation qui favorise la maturité. Si vous laissez un enfant donner un coup de pied dans le ventre d’un chien comme il le ferait dans un ballon parce qu’il veut jouer, comment voulez-vous qu’il soit amené au respect d’autrui, au respect de la vie ? Dans l’existence il n’y a pas de hiérarchie. Il faut savoir se mettre à la portée de chacun, voire même régresser.
En ce sens-là, j’ai contribué à une réalisation à l’hôpital Saint-Louis où les enfants les plus affectés par le cancer sont cloués au lit et n’ont même plus la force de voir par la fenêtre ce qui se passe à l’extérieur. J’ai donc eu l’idée de mettre des mangeoires et des nichoirs avec des petites caméras afin que les enfants puissent avoir en direct le spectacle des oiseaux qui nidifient et viennent manger. Il fallait pour cela deux cent mille francs, eh bien j’ai eu davantage de difficultés pour trouver cet argent que dans d’autres opérations qui portaient sur cinq millions de francs. J’ai dû vraiment me battre et j’étais révolté par l’indifférence des gens face à quelque chose de si simple, de si beau. Donc là, il s’agit aussi d’une forme de combat.
À l’égard de la chasse c’est un peu différent, bien que j’estime que retirer la vie pour le plaisir c’est quand même grave ; je me suis toujours gardé d’avoir un discours « d’anti-chasse primaire » parce que, justement, je veux faire progresser les choses et que les extrêmes sont les attitudes les plus faciles à adopter mais les moins efficaces quant aux résultats obtenus. Il est nécessaire de savoir faire preuve de diplomatie.
C’est vrai qu’il y a dans ma vie du combat et de la défense parce que je suis quelquefois très attaqué mais j’ai aussi la chance d’être aimé : le monde des animaux, le rêve que l’on peut offrir au travers des expéditions que j’ai faites, ce sont des choses séduisantes et alors les gens sont heureux. Et puis beaucoup de personnes se sont également rendues compte que je m’étais engagé. On me le dit et cela me touche sans aucun doute, mais en même temps tout cela se paie très cher. En effet, j’ai été renvoyé de la télévision en raison justement de mes engagements, donc il y a une rançon à l’authenticité, à être soi-même. Quoi qu’il en soit, je n’en suis pas déçu. Au contraire, c’est même plutôt plaisant car j’ai vraiment le sentiment de bien remplir mon temps sur cette terre.

P. M. : Mettez-vous facilement une majuscule au mot « amour » ?
A. B-D : Ce que m’inspire l’amour, c’est que c’est la plus belle des richesses, en ce sens qu’il est là à la portée de tous, à savoir aussi bien du SDF que du grand patron et je le trouve tout à fait magique de par son aspect inexplicable ; c’est ce voile sur ton de mystère dans l’amour qui me séduit. C’est en fait une alchimie extraordinaire. La relation entre les êtres doit s’appuyer sur la nécessité impérieuse du respect de l’autre en même temps qu’une grande forme d’admiration. Quant à la passion amoureuse, je pense que l’on voudrait tous vivre passionnés mais la passion entre deux êtres est extrêmement difficile. Peut-être que l’amour avec un grand A est une passion dure mais je ne crois pas que la passion soit durable par définition. En ce qui me concerne, je sais que je suis avide d’amour, probablement parce que je doute de moi. Alors, pourquoi rechercher l’amour ? Peut-être tout simplement parce que j’ai besoin d’être aimé. Et puis je pense que l’amour c’est quand même quelque chose de très agréable à vivre, la complicité qui en fait partie est essentielle. De plus, je suis très heureux de voir des gens qui s’aiment, d’abord parce que cela me prouve que c’est possible, ce qui est quand même très rassurant, et puis l’amour c’est un phénomène rayonnant, ça passe partout, ça se développe et ça se communique. Je me réjouis toujours du bonheur des autres.


P. M. : L’amour, est-ce un idéal pour vous ?
A. B-D : Ce n’est pas le seul idéal parce que cela dépend de la façon dont on interprète l’amour et tel que je viens de l’imaginer, là dans mes propos, c’est assez égoïste finalement car c’est une forme d’amour qui suffit à deux êtres. Alors je pense que si j’avais un idéal à formuler, ce serait davantage celui de répandre le bonheur, ce pourrait être par le biais d’un amour que je vis et qui rayonnerait autour de moi mais j’ai aussi le sentiment que mes actes de tous les jours peuvent servir un peu le futur ; oui j’ai cette ambition et pour cela, il faut que je sache parfois dépasser mes intérêts personnels… (silence)… C’est vrai que l’amour est fascinant, lorsque l’on est amoureux et que l’on ne peut plus manger, lorsqu’on est pendu au téléphone et que les repères n’existent plus, cela en devient presque une pathologie.

P. M. : Quand vous êtes amoureux, vous ne mangez plus ?
A. B-D : Mon cycle est totalement modifié, je n’ai plus du tout les mêmes valeurs, il n’y a aucun doute.

P. M. : Actuellement, vous… mangez ?
A. B-D : J’ai un peu d’appétit…

 

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