Catherine Lara
nous met au parfum !
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Catherine Lara est une grande dame de la chanson française comme tout le
monde le sait. Mais elle est aussi une violoniste talentueuse, une compositrice
admirable dont les immenses qualités professionnelles ont été couronnées,
notamment, de prestigieuses décorations : Chevalier puis Officier de l’ordre
de la Légion d’honneur et Chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres. Mais
Catherine Lara, perfectionniste et jusqu’au-boutiste, a toujours un projet
ambitieux devant elle. C’est ainsi qu’elle vient de créer son parfum, « Aral »,
à l’image de la femme de cœur qu’elle représente. Ses propos restituent une
sensualité qui sent bon son désir de faire du bien…
Signes & sens : Qu’est-ce qui a pu motiver
le désir de créer un parfum ?
Catherine Lara : Cela s’est passé en plusieurs étapes.
J’habite un village dont le maire, Pascale Oger,
est avant tout une amie. Il se trouve que son mari est
directeur général de « Technico Flor » qui fabrique
du parfum. Un jour, elle vient me trouver avec l’idée
de faire un parfum qui s’appellerait « Nuit
magique », en lien avec la chanson que j’ai écrite. À
cette époque, j’étais en train de finir un album,
« Au-delà des murs », pour un spectacle de danse et
de violon que j’ai donné au Palais des Sports. On avait d’ailleurs réalisé pour cette occasion, avec
Franco Dragone, Giuliano Peparini et toute une
équipe qui vient du monde où il y a du soleil, un
DVD que je leur ai montré. Ils ont été emballés par
la chorégraphie, par la musique et son univers tzigane
des Balkans. M’est venue alors l’idée Pourquoi ne pas diffuser un parfum pendant le
spectacle ? Ce serait une sorte de spectacle sensoriel
convoquant la vue, l’ouïe et l’odorat. Pascale a
trouvé l’idée formidable et me dit : Oui, faisons un
spectacle sensoriel ! Nous avons alors créé ce parfum
que j’ai appelé « Aral ». Avec ce côté mer
d’Aral, cette mer asséchée par l’Homme, qui m’avait
déjà beaucoup interpellée au point d’en avoir
fait par le passé un disque de violon. J’avais envie
d’un parfum aux senteurs d’ambre solaire qui me
rappelait ma mère dans sa jeunesse. J’avais en moi
ces odeurs de plage et de mer. Je désirais un parfum
qui s’approprie cet environnement-là. Nous avons
travaillé au moins huit mois sur ce projet, avec 28
essais de plusieurs parfums, jusqu’à finir par trouver
cette senteur idéale que je cherchais depuis
longtemps. On m’a en fait donné l’opportunité de le
fabriquer. J’ai réalisé le parfum dont je rêvais.
« Aral » est né comme ça ! Au départ, ce n’était en
aucune façon mercantile. Puis on s’est dit qu’il fallait
faire quelque chose de ce parfum. Pourquoi pas
en faire profiter tout le monde et essayer de le diffuser
?
S & s : Ce parfum peut-il déclencher l’imaginaire
de façon heureuse au milieu d’une certaine morosité
ambiante ?
C. L. : Oui. Je pense qu’il est en harmonie avec le
spectacle « Au-delà des murs » qui se veut un
hymne à la liberté, à la tolérance et à la générosité.
C’est un spectacle qui a touché. Les gens étaient
très émus. Certains étaient en larmes. N’ayant rien
d’autre à vendre que des émotions, mon bonheur est
d’être arrivée, au Palais des Sports, à créer cette émotion dont je rêvais. Et le parfum s’associe à
cette idée-là. Je ne sais pas si on peut faire exister
un parfum dans le monde du pacifisme mais c’est
un parfum qui fait du bien. Je dois dire que les personnes
qui parlent de cette odeur un peu marine, un
peu ambrée, ont eu une espèce de coup de foudre. Je
crois qu’il y a eu un certain engouement pour cette
odeur, chose qui m’a d’ailleurs beaucoup touchée.
S & s : Cette nouvelle création fait-elle partie
d’une évolution logique de votre personnalité ?
C. L. : Je crois que c’est mon instinct, mes intimes
convictions en quelque sorte, qui m’ont conduite à
réaliser ce parfum. C’est certainement une odeur
qui vient du monde de l’enfance. Et comme nous
sommes tous accrochés à notre enfance… Vous
savez, j’ai fait de la musique parce que j’ai voulu
rester une enfant. Depuis que je suis petite on me
dit : Qu’est-ce que tu joues ? De quoi tu joues ? On
me parle toujours de jouer… La vie est assez ludique.
Elle a quelque chose de festif. Moi, j’aime rire,
j’aime la vie, j’aime le plaisir… Et le parfum c’est
juste un instant de plaisir…
S & s : Vos parents ont-ils censuré vos instincts
artistiques ?
C. L. : Pas du tout. Mon père, médecin, m’a toujours
laissé une grande liberté d’expression. J’ai
commencé par le piano puis j’ai finalement choisi le
violon. Il m’a toujours laissé aller vers mon désir.
J’ai eu la chance d’avoir des parents généreux et
intelligents. J’avais besoin de beaucoup de liberté.
Je me sens parfois comme un oiseau en cage et ne
supporte pas d’être enfermée. Lorsque dans ma vie
j’en ai souffert, cela s’est manifesté par un pneumothorax
ou de l’asthme, des choses un peu excessives…
Le parfum représentant pour moi une évasion,
cela fait partie des choses qui m’apportent
liberté et plaisir…
S & s : Que pensez-vous du climat actuel de la
société ?
C. L. : On prône un certaine liberté qui n’en est pas
une. J’ai eu la chance de faire le métier que je fais
dans les années 70/80. On vivait dans un monde créatif et pas dans une société de consommation. On
est forcément en prison dans un monde où il faut
avant tout faire de l’audimat, entrer dans une sorte
d’artifices, de Star académie, de choses comme ça
où les gens sont en prison… C’est atroce.
Aujourd’hui, il est très difficile de faire une carrière
dans un métier créatif, que ce soit dans la musique,
la peinture… On est tellement coincé dans
cette société de consommation qui… se casse la
gueule, pour être polie… D’où les problèmes terribles
que l’on vit. C’est une société qui est fatiguée…
On a besoin de liberté pour écrire. On ne
peut pas être enfermé dans un système. D’ailleurs,
ce système ne me convient pas du tout…
S & s : Un système de performance ?
C. L . : Oui, il faut être performant ! Ainsi n’y a-t-il
plus d’autodidacte. Plus de Bleustein-Blanchet,
de Sylvain Floirat, de ces gens qui avaient à peine
leur certificat d’études mais qui ont construit des
empires à la sueur de leur front, sur le terrain.
C’était formidable que de telles personnes aient
existé. Aujourd’hui, on demande aux grands
patrons d’être énarque, d’avoir absolument fait des études. Il faut une culture incroyable. Ceci dit, ce ne
sont pas toujours des gens ouverts. Ils ont peut-être
un grand savoir mais est-ce que cela suffit ?
S & s : Quelle élève avez-vous été ?
C. L. : Moyenne. Je n’étais pas une mauvaise élève
en français et en histoire. J’étais par contre un désastre
en maths… Mais j’ai commencé à travailler mon
instrument au Conservatoire de Paris qui est une
grande école. Je suis partie en troisième car je faisais
six à sept heures de violon par jour. J’ai dû faire
un choix et celui-ci était d’être violoniste, ce qui
demandait beaucoup d’heures de travail…
S & s : Comment vous êtes-vous retrouvée avec
d’un côté cet entraînement drastique et de l’autre
une soif de liberté ?
C. L. : J’aime bien aussi ce côté scolaire… J’étais
heureuse de travailler. Il me semble que l’on a
besoin de bons ancrages. Ce travail fastidieux et difficile
a été une école du courage. J’y ai appris à
apprécier les choses bien faites, à aimer la perfection.
Je trouve que lorsqu’on se présente devant les
gens, c’est la moindre des choses. Et au-delà de la
perfection, il faut avoir quelque chose à raconter. Il faut pouvoir monter sur scène devant deux, trois,
quatre mille personnes. C’est à la fois touchant mais
il faut être inconscient (rires)… Je me demande
comment on fait pour entrer en scène ! Mais au
fond, je pense que j’avais probablement besoin de
certaines bases solides. J’aime les enfants bien élevés.
Des enfants qui disent bonjour, au revoir,
merci… J’ai été élevée de cette façon-là. On ouvre
la porte. On tient la porte. On se préoccupe de l’autre.
J’ai eu la chance d’avoir reçu une éducation qui
m’a donné des bases saines et qui permettent, après, de trouver son identité…
S & s : Que pensez-vous de cette société de l’apparence
et, en particulier, de l’engouement pour la
chirurgie esthétique ?
C. L. : Il y a certaines choses que l’on peut faire. On
peut avoir de très grosses poches immondes sous les
yeux et une petite chirurgie peut les enlever. Mais
toutes ces femmes qui ont des visages de cire… Les
rides sont pourtant aussi le reflet de la personnalité.
Je n’ai pas fait de lifting et n’ai pas l’intention d’en
faire un !
S & s : Une quête d’authenticité ?
C. L. : Absolument. De toute façon, je ne trouve pas
que ces femmes qui se font tirer dans tous les sens
fassent plus jeune. Il faudrait se faire tirer la peau
des mains aussi… C’est terrible qu’on entretienne ça. Je crois plutôt à une nourriture équilibrée, à l’entretien
du corps. La chirurgie esthétique coûte des
fortunes et s’adresse uniquement aux gens qui ont
beaucoup d’argent. Et je trouve ça très gênant…
Aujourd’hui, il faut être très riche pour avoir de belles
dents, des lunettes ou des appareils pour entendre. La
société est mal foutue… Je trouve qu’il y a beaucoup
d’injustices.
S & s : Que signifie se parfumer ?
C. L. : Le plaisir. J’aime les odeurs. Il y a ces
odeurs de ferme, de campagne que j’adore, comme
le foin… Tout cela éveille mon imaginaire. Un parfum éveille aussi la partie sensuelle et sexuelle…
S & s : Finalement, vous êtes très sensible aux
quatre éléments, y compris l’élément feu ?
C. L. : Tout à fait !
S & s : De quel signe astrologique êtes-vous ?
C. L. : Je suis gémeaux ascendant capricorne.
S & s : Croyez-vous à cette dimension ?
C. L. : Oui. Même si je suis très cartésienne, je laisse
la porte ouverte… à toute mon ignorance (rires).
Je me dis qu’il y a tellement de systèmes extraordinaires
qui se passent dans l’Univers, le cosmos…
La lune et les marées doivent influer sur moi, sur
mon caractère… Il y a tellement de choses que j’ignore.
Je n’ai pas envie de fermer les portes…
S & s : Qu’est-ce qui vous séduit en ce moment ?
C. L. : En ce moment ? Ne rien faire… J’ai énormément travaillé cette année. Regarder simplement les fruits qui poussent sur mes arbres est un plaisir infini. Manger les cerises sur l’arbre… Me baigner, j’ai la chance d’avoir un endroit pour nager chez moi. Je regarde la vie, je regarde les autres… Je laisse du temps pour les autres…
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