Chantal Calatayud
Les capacités d'adaptation de la jeune génération
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Chantal Calatayud*, psychanalyste et auteur
entre autres de « T’es pas mon père ! », paru
aux Éditions Villon, s’est intéressée non seulement aux réactions d’enfants issus de familles
recomposées mais aussi aux difficultés inhérentes
aux nouveaux liens filiaux complexes,
comme dans les cas devenus fréquents aujourd’hui
de ces pères de famille qui divorcent
pour vivre leur homosexualité au grand jour.
Une interview qui en dit long sur les grandes
capacités d’adaptation dont doit faire preuve
de nos jours la jeune génération.
Familles d’aujourd’hui : Est-il compliqué
d’être enfant ou adolescent au
XXIème siècle ?
Chantal Calatayud : Plus compliqué
par rapport au siècle précédent, je ne le pense pas.
Plus douloureux non plus car chaque époque présente
ses avantages et ses inconvénients.
F. A. : Pourtant, votre livre « T’es pas mon
père ! » fourmille de situations délicates…
C. C. : Oui, mais qui sont à resituer dans une société
dont les mentalités ont sacrément changé, évolué
et plutôt dans le bon sens. Il s’avérait fort délicat,
jusque dans les années 50, d’être issu d’un couple
de parents divorcés. La famille tout entière était
montrée du doigt. Statistiquement, en France
actuellement, on compte en moyenne dans une
classe de CP un élève sur trois dont les géniteurs
sont séparés…
F. A. : Ce n’est pas une situation facile à vivre
pour autant…
C.C. : Bien entendu. Mais il ne faut pas dramatiser
les conséquences qui peuvent découler de ce type
d’événements. Ce qui est à analyser et à améliorer,
le cas échéant, c’est la façon d’amener un enfant,
dont les parents se séparent, à comprendre qu’il
n’est pas responsable de cet état de faits. Puis il s’agit de le rassurer d’une part sur les sentiments
que ses proches lui portent et, d’autre part, lui expliquer
le plus tôt possible que les deux espaces de vie
qu’il partagera désormais seront les siens et qu’il y
aura sa place. Car, même si les finances des membres
du foyer sont modestes, il y a toujours une possibilité
d’attribuer et de créer un espace personnalisé
pour l’enfant.
F. A. : Dans ce nouvel ouvrage, vous parlez de la
relation difficile qu’un ado peut entretenir avec
son beau-père…
C. C. : Cet exemple m’est apparu intéressant dans
la mesure où, dans un grand nombre de familles
recomposées, on assiste à une confusion des genres.
Je veux signifier ici que chaque adulte doit rester
dans son rôle propre. Un beau-parent ne doit en
aucun cas se substituer au parent absent. Je me souviens
de l’interview d’une chanteuse célèbre qui
expliquait que sa fille adoptive lui racontait que ses
copines de classe lui disaient qu’elle n’était pas sa
maman. Cette femme insistait en développant le fait
que la maman est celle qui élève l’enfant… Non,
c’est faux ! Personne ne peut remplacer une mère
ou un père dans le cœur d’un enfant adopté. D’où,
souvent, des rébellions énormes à l’adolescence
chez ces sujets fragilisés en quête de leurs racines
réelles. Adopter est un acte d’une grande générosité
mais qui ne doit en aucun cas gommer la réalité.
Élever, éduquer l’enfant d’un autre doit respecter
une distance suffisante dans les rapports oraux.
F. A. : Que conseiller à ces parents qui s’autorisent à vivre enfin leur homosexualité avec leur
nouveau compagnon ou leur nouvelle compagne?
C. C. : Tout dépend de l’âge de l’enfant concerné.
Mais, quoi qu’il en soit, il ne faut pas que le couple
soit caricatural au niveau du comportement ou au
niveau vestimentaire. Il n’est pas habile non plus
que ce couple aille chercher ensemble l’enfant à l’école.
Ce cas de figure pourrait mettre celui-ci dans
l’embarras vis-à-vis de ses copains. Par ailleurs,
lors d’une sortie au restaurant par exemple, c’est le
géniteur qui doit décider de l’endroit et assumer les
frais, et non pas le partenaire.
F. A. : Si l’enfant devient agressif, quel que soit le
nouveau conjoint, comment l’adulte doit-il
réagir ?
C. C. : En dialoguant, tout en restant ferme. Il faut
entendre par-là qu’il ne doit pas y avoir de cadeaux
ou une augmentation de l’argent de poche dont l’intention
serait d’apaiser les esprits… Le chantage
affectif s’installerait très vite.
F. A. : Un enfant a-t-il vraiment les moyens
psychologiques de s’adapter aux situations les
plus épineuses ?
C. C. : Dans la majeure partie des cas, oui. Il n’y a
qu’à voir le courage dont font preuve les tout-petits
lorsqu’une mère ou un père – ou les deux – décèdent.
Si l’agressivité émerge, s’amplifie et ne cède
pas, c’est effectivement le terrain psychique qui
réagit mal et là, le recours à un psychanalyste
devient nécessaire…
*Chantal Calatayud est l’auteur de «Raconte-moi
la psychanalyse» (Éditions Villon), «Apprendre à
pardonner», «S’aimer tel que l’on est», «Accepter l’autre tel qu’il est», «Vivre avec ses peurs» (Éditions
Jouvence), «Ce qu’il faut savoir pour être soi :
sortir du mensonge» (Éditions Dervy), «Les secrets
de la longévité d’un couple» (Éditions Villon).