Christophe Maé
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Crédit photo : Bernard Benant
Il n’a que 32 ans et, pourtant, on ne présente déjà
plus Christophe Maé ! Heureux, détendu, mais
intelligent, déterminé, responsable, s’il savoure
ses trois victoires de la musique en moins d’un an
et son bonheur d’être un tout jeune papa, il ne
perd pas de vue la réalité. Rencontre avec un
véritable exemple pour la jeune génération.
Signes & sens Magazine : Christophe, 2008, une période exceptionnelle ! Qu’en diriez vous ?
Christophe Maé : Il est vrai que je fais partie de
certains privilégiés. Je reconnais qu’actuellement je
suis gâté par la vie. Après un réel investissement
depuis une douzaine d’années pendant lesquelles je
rêvais de ce qui m’arrive aujourd’hui, je n’ai malgré
tout pas l’impression de l’avoir volé. J’ai quand
même connu des moments difficiles. Cela a pris le
temps, juste le temps qu’il fallait. Je pense que je
n’aurais pas été prêt auparavant à vivre l’intensité
de ce qui se passe. J’ai l’impression aujourd’hui de
bien avoir les pieds sur terre. Je ne m’endors pas sur
le succès. Je pense déjà au prochain album. Je reste
concentré pour la suite de façon à ne pas être simplement
de passage.
S&s : Vous avez reçu très tôt une éducation musicale,
avec un père qui vous a encadré. Aviez-vous,
tout petit, le sentiment que vous auriez un chemin
hors du commun ?
C. M. : C’est délicat à expliquer mais j’ai toujours
senti que j’étais en marge sur beaucoup d’aspects.
Je n’étais pas dans le rang, tout simplement. Ne
serait-ce que par rapport à l’armée. Pour moi ce n’était
pas possible. Déjà à quinze ans, je me disais que
je ne pourrais pas la faire. J’ai toujours été assez
anticonformiste. À l’école, lorsque je n’écoutais pas
et que l’on me réprimandait, je ne m’inquiétais pas
car je savais que je n’étais pas fait pour les études,
loin de là, mais je croyais déjà à ce magnifique chemin
de vie qui se réalise aujourd’hui.
S&s : Vous êtes un exemple pour toute une génération.
Vous n’avez pas fait de brillantes études. À
la fois votre réussite est hors du commun. Croyez-vous à la chance ?
C. M. : Oui, bien sûr ! Heureusement qu’elle existe.
Des gens qui ont du talent dans la chanson, il y
en a beaucoup à Paris dans des petites caves, à St
Germain des Prés, cachés… On n’en entendra peut-être
jamais parlé parce qu’il n’y a pas de place pour
tout le monde. Oui, j’ai eu la chance de rencontrer
les bonnes personnes au bon moment. Mais il va de
soi que cette chance-là se provoque aussi. Si j’étais
resté à Carpentras, je n’aurais peut-être eu que celle
de jouer pour le festival local. Il a donc fallu que je
bouge pour la provoquer. Je suis allé à Paris, j’ai
traîné un peu partout et à l’approche de mes 28 ans,
j’ai rencontré Dove Attia. Il fallait savoir si j’allais
rester saltimbanque de piano-bar toute ma vie ou
réaliser un album, chanter mes propres textes. Je me
posais ces questions avant cette rencontre avec le
producteur du “ Roi Soleil ” qui, séduit par ma voix,
m’a proposé le rôle du frère du Roi. J’ai saisi l’opportunité.
C’était l’occasion pour moi d’acquérir
assez de notoriété pour sortir mon album par la
suite. J’étais très loin de l’univers de la comédie
musicale. Le mien était plutôt Reggae, ambiance
Caraïbes, rythmes africains, à 180° de la variété…
Mais à 28 ans, j’avais la maturité suffisante. J’ai
saisi l’opportunité sachant que j’allais signer dans
une maison de disques et que ça allait peut-être me
permettre de faire l’album. Et cela s’est réalisé…
S&s : Avez-vous connu de grands moments de
découragement et si c’est le cas, comment vous y êtes-vous pris pour en sortir ?
C. M. : Je dis souvent que j’ai connu la “ bonne
galère ”. J’ai quand même eu la chance de vivre de
ma musique. J’ai été intermittent du spectacle pendant
douze ans et je me suis toujours débrouillé,
même si je ne gagnais pas des “ cent et des mille ”.
Pourtant de 25 à 28 ans j’ai arrêté les saisons – quatre
mois à St Tropez et l’hiver à Courchevel – au
cours desquelles je gagnais bien ma vie. J’avais
vraiment envie de chanter mes chansons à moi. J’ai
donc décidé de monter à Paris et là, j’ai connu des
difficultés. Trois ans et demi dans une chambre de
bonne à cause des loyers parisiens inaccessibles. J’y
ai connu la solitude. J’étais un peu angoissé. Mais
cela m’a permis d’écrire des textes réalistes comme
“ Spleen ”, “ Ma vie est une larme ”… Je m’en suis
sorti grâce à mon tempérament positif et puis j’ai
toujours été conscient que je pouvais y arriver. J’ai
toujours été sûr de moi sans pour cela me leurrer. Au
fond de moi, la certitude de pouvoir y arriver a fait
que je m’en suis donné les moyens. Dès que je pouvais réaliser des maquettes, je le faisais. J’allais les
présenter aux maisons de disques sans vraiment
baisser les bras. Jusqu’au jour de la rencontre. Mais
ce qui m’a le plus réconforté, c’etait de croire en
moi et de passer à l’acte en écrivant mes propres
textes, sans attendre qu’ils viennent de quelqu’un
d’autre. Finalement, c’est le travail qui a payé. Je
pense que la persévérance est la mère de la réussite,
dans tous les domaines. Et c’est du travail que je
dois fournir encore si je veux durer dans ce métier.
Aujourd’hui, le public peut être versatile d’une
année à l’autre et passer à une autre vedette. Et je
n’ai pas envie d’être de passage comme je le disais
précédemment. C’est pour cela que je veux faire un
deuxième album avec autant de sincérité que pour le
premier. Je voudrais fidéliser mon public et continuer à m’éclater sur scène comme aujourd’hui. Si je
fais de la musique, c’est vraiment pour être sur
scène. Aujourd’hui je chante à Tours, comme tous
les soirs il y a entre 6 000 et 10 000 personnes. C’est
magnifique…
S&s : Maintenant, vous abordez un nouveau virage
de votre vie en tant que tout jeune père de
famille avec la naissance de votre petit Jules.
C. M. : Oui, oui, il a quelques semaines !
S&s : Va-t-on, dans votre prochain album, ressentir
cette forme de maturité que représente la paternité
?
C. M. : Certainement. En ce moment j’écris et je ne
peux pas passer à côté de cet événement. Mais je ne
veux pas tomber non plus dans le cliché de certains
chanteurs qui consiste à faire une chanson chaque
fois qu’ils ont un enfant. J’espère en tout cas avoir
ce côté protecteur. C’est vrai que j’ai l’impression
de passer un cap en étant père. Je le réalise tout doucement.
Heureusement, j’ai eu la chance d’assister à l’accouchement. On se sent tout à coup plus protecteur.
J’espère que ce plus de maturité va se sentir
dans le deuxième album. Mais, pour le moment, je
suis en tournée. Mon deuxième album sortira en
2009. Il me faudra auparavant me poser dans le sud
avec mes amis musiciens pour le peaufiner, peut-être
pendant neuf mois…
S&s : Le fait d’évoluer dans le show-biz constitue-t-il une crainte par rapport à votre couple ou restez-vous serein ?
C. M. : J’ai la chance d’avoir mes parents et de les observer s’aimer comme au premier jour. Ils sont
venus sur la tournée pendant trois jours. J’ai, je
crois, le plus bel exemple sous les yeux de ce que
peut représenter un couple. Ensuite, il est vrai que
tout le monde est différent mais dans tous les cas,
j’ai sincèrement envie de rester avec ma chérie,
Nadège, tout en menant cette vie-là. Le show-biz,
les soirées à Paris ne m’intéressent pas du tout. Je
suis plutôt casanier et je voudrais vraiment vivre
dans le Sud. Je n’ai même pas d’appartement à
Paris. Je fais simplement des étapes au fil de mes
activités dans un appart-hôtel avec ma valise.
Maintenant que ça commence à marcher, je vais
pouvoir me permettre le luxe de rester dix jours à
Paris pour assurer mes obligations professionnelles
puis de rentrer ensuite chez moi. De toute façon,
m’amuser n’a jamais pris le dessus sur l’affectif et
sur ma vie familiale. J’ai toujours placé les deux sur
le même piédestal et j’ai envie que cela continue. Je
ne veux pas me perdre car ce serait la facilité
aujourd’hui…
S&s : Vous êtes donc en recherche d’équilibre permanent
et vous y veillez.
C. M. : Oui, oui ! Je veux vraiment faire attention à
cela, me préserver de l’extérieur. Je pense que si
j’en suis là aujourd’hui, c’est grâce à Nadège qui
m’accompagne depuis cinq ans. Depuis que je l’ai
rencontrée, il n’y a que du bon dans ma vie. Je ne
crois pas que ce soit une coïncidence…
S&s : En disant cela, n’avez-vous pas peur de
décevoir votre jeune public féminin ?
C. M. : Je ne pense pas. Mon public s’élargit et je
m’aperçois au fil de la tournée qu’il y a de plus en
plus d’hommes qui viennent écouter ma musique.
Des gens de tous les âges. Je me sens sur scène
comme chez moi. Pour me rencontrer et me connaître,
c’est là qu’il faut venir, plus qu’au travers d’émissions
télévisées. J’ai la chance d’avoir un public
très respectueux de l’arrivée de mon fils. Je sens
vraiment que cela ne le froisse pas. De toute manière,
je préserve beaucoup cet aspect de ma vie. Je ne
parle que très rarement de Nadège comme je le fais
aujourd’hui. Je préfère me taire. Pourtant, les gens
qui viennent le soir à mes concerts le savent. Je ne
m’en cache pas non plus et, finalement, ça ne gêne
personne. Ils sont là pour moi et pour ma musique.
Ce ne sont ni des fanatiques ni des hystériques.
S&s : Si vous aviez des conseils à donner à des
jeunes qui voudraient faire une vraie carrière, et
non un coup d’éclat, que leur diriez-vous ?
C. M. : De rester sincère et authentique avec la
musique qu’ils veulent faire et se donner les moyens
d’écrire leurs propres textes, de travailler avant de
vouloir sortir. Acquérir une certaine maturité, savoir
de quoi on parle avant de se lancer. Cela peut parfois
aller trop vite au point que tout peut nous échapper.
S&s : Paradoxalement, vous conseillez avant tout de devenir professionnel, c’est-à-dire de connaître
toutes les facettes du métier…
C. M. : C’est vrai qu’il est facile pour moi de tenir
ce discours à 32 ans. Lorsque j’en avais 22, j’étais
flippé. J’étais prêt à tout pour y arriver. Mais, aujourd’hui, je sais que je suis le plus heureux. Si
cela m’était arrivé il y a dix ans, je pense que j’aurais
pété le plombs. Il y a dans ce métier beaucoup trop de tentations, de sollicitations…
S&s : Effectivement, vous êtes salué par des gens
comme Johnny Hallyday, par toutes les grandes
pointures du show-biz et de la musique, en particulier
en France. Par contre et à l’inverse, cela
peut ouvrir parfois des portes sur des choses dangereuses…
C. M. : Oui. Il faut essayer de gérer au mieux sa carrière. Rien ne doit être laissé au hasard. Je n’ai
cependant pas la science infuse et la solution. En
tout cas, ce que je fais aujourd’hui me convient tout à fait. Je gère seul ma carrière, je n’ai pas d’agent et
j’assume ce que je dis et ce que je fais. Rien ne m’échappe.
J’ai eu la chance rencontrer de Francis Cabrel
qui est mon idole absolue en France. Lorsque je
regarde son parcours artistique et sa vie familiale, il
représente, pour moi, la carrière exemplaire. Je rêve
de ça… Je mets la barre très haut mais ce type d’artiste
n’avait pas d’agent non plus. Depuis le début,
Francis sait exactement où il veut aller. Je pense, au
contraire, que quelqu’un qui ne sait pas ce qu’il
veut, qui prend un agent, risque d’évoluer dans un
univers qui ne lui correspond pas vraiment. Au-delà des goûts et des couleurs, les gens comme Florent
Pagny, Pascal Obispo, Francis Cabrel (qui m’en a
parlé), Calogéro, Zazie aussi…, avaient tous la trentaine
lorsque le succès leur est arrivé. On sent bien
la maturité chez ces artistes… Ce sont eux qui me
parlent le plus.
S &s : Une vie réussie, pour vous, qu’est-ce ?
C. M. : C’est surtout être heureux…
S&s : C’est ce que vous ne perdez pas de vue, quel que soit le moyen d’y parvenir…
C. M. : Partager avec mes potes, ma famille, une partie de pétanque… Me sentir bien au fond de moi.
Ce n’est pas briller, même si faire des télé me rend
réellement heureux, mais tout simplement me sentir
bien dans mes pompes. Le bonheur n’est pas
quelque chose d’évident à saisir.
S&s : C’est la quête de tout individu.
C. M. : Oui, j’essaie en ce moment de le ressentir.
Je touche du bois mais j’ai l’impression d’y parvenir.
Je profite de tout ce qui se passe. C’est vraiment
l’essentiel. Lorsque je parle de la famille, je pense
que cela fait partie des piliers pour être heureux.
S &s : Vous n’êtes pas égoïste. Vous considérez que la réussite englobe aussi d’autres personnes qui sont présentes même dans l’ombre…
C. M. : Complètement.
S &s : Que peut-on vous souhaiter maintenant ?
C. M. : De l’inspiration pour le deuxième album…
Crédit photo : Bernard Benant
Sa biographie
Christophe Maé est né le 16 octobre 1975 à
Carpentras. Passionné par le chant dès son
enfance, il est aussi musicien dans l’âme, jouant
du violon dès l’âge de 6 ans, de la batterie à 12
et de la guitare à 16. Des ennuis de santé l’obligent à s’aliter. Il prend en même temps la ferme
décision de se consacrer au chant et à l’harmonica.
Il quitte ainsi rapidement l’idée de devenir
pâtissier pour se consacrer à sa passion pour la
musique. Intermittent du spectacle, Christophe
Maé se produit quelque temps après sur de nombreuses
scènes françaises, avec un répertoire
marqué par la soul et le rythm’n blues. Il assure
les premières parties de Jonatan Cerrada, Cher et
Seal, puis collabore avec la chanteuse Zazie. En
2005, il intègre la troupe de la comédie musicale
"Le Roi Soleil", qui fait un triomphe à Paris,
dans laquelle il incarne le rôle de Monsieur. On
lui doit les singles "J’ai la aime" (2004), "Ça marche"
(2006) et "Vice et Versailles" (2006).
En 2007, Christophe entame une carrière en solo
avec le single "On s’attache", extrait de son premier
album "Mon Paradis" paru en mars de la
même année. 2007 est l’année de la consécration.
Son palmarès est déjà impressionnant :
- NRJ Music Award de l’artiste masculin français
- NRJ Music Award de la chanson française de l’année pour "On s’attache"
- Révélation du public aux Victoires de la Musique.
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