Gros plan sur Elsa Zylberstein

psychanalyse-magazine-17-elsa-zylberstein

 

Adolescente, cette fille de physicien de renom était enfermée dans une timidité paralysante. Le passage par la danse fut pour elle une première libération et le théâtre une révélation qui changea drastiquement le cours de son existence. Curieuse des autres, mais aussi en quête perpétuelle de sa propre identité, Elsa Zylberstein est une jeune femme à la recherche de la vérité.

Psychanalyse Magazine : Adolescente, vous étiez d’une timidité presque maladive, quasiment incapable de sortir le moindre mot…
Elsa Zylberstein : J’étais effectivement quelqu’un de renfermé. J’étais couvée, toujours collée à ma mère et du coup, assez timorée et angoissée. J’ai des souvenirs d’une veille de départ chez une copine en Vendée… J’ai fait une crise de nerfs dans la nuit par peur de partir. J’étais dans un cocon dont je ne voulais pas sortir, j’avais besoin d’être rassurée.

P. M. : C’est la danse qui vous a d’abord permis de vous épanouir un peu…
E. Z. : En effet, ma mère, voyant que j’étais timide, a décidé de m’envoyer faire de la danse à dix ans. Quand la prof m’a regardée et m’a fait danser, c’était la première fois que quelqu’un posait véritablement les yeux sur moi, me témoignait autant de confiance. Chaque fin d’année scolaire, on donnait un gala. Je vibrais complètement pour ces moments-là. Je dansais dans quatre ou cinq ballets, c’était le bonheur absolu. J’ai senti que j’avais peut-être quelque chose d’un peu différent…

P. M. : Plus tard vous vous êtes mise au dessin.
E. Z. : Au moment de rentrer en seconde, j’ai fait le constat qu’à part la danse, je n’étais pas douée pour grand’chose. J’ai préparé un bac dessin et histoire de l’Art puisque j’avais des dispositions artistiques mais je n’avais pas vraiment encore touché un crayon !

P. M. : La danse et le dessin : deux arts muets. Ce n’est peut-être pas un hasard…
E. Z. : Vous avez raison, je n’étais pas prête pour les mots. Quand on me demandait d’aller au tableau, mon visage ne dérougissait pas pendant l’exposé. Je garde des souvenirs horribles de ces moments-là. C’est donc en premier lieu le corps, la non-parole, qui se sont exprimés. Et d’ailleurs, le jeu d’un acteur, c’est cela avant tout : on le ressent d’abord très violemment dans le corps, les mots viennent en dernier. Au moment de sortir sa phrase, il faudrait que ce soit une urgence, qu’on ait un véritable besoin de la dire. Dans mon travail d’actrice, c’est le corps, la démarche, l’attitude qui font qu’après, je parle.

P. M. : Pourquoi n’avoir pas fait de la danse votre métier ?
E. Z. : La question s’est posée de manière très violente à un moment car j’étais très douée. Ma prof voulait que j’aille à l’Opéra, on me poussait énormément. Mais j’avais peur de quitter ma famille, de vivre dans un foyer, d’affronter le monde. J’ai beaucoup tergiversé et le temps passait… Quand, vers quinze ou seize ans, j’ai su qu’il allait être trop tard, qu’il fallait que je renonce à passer le bac pour ne me consacrer qu’à ça, j’ai renoncé. C’est le rêve que je réalise maintenant – de la scène, des lumières, de cette vie que je désirais si fortement  –, qui s’est écroulé à ce moment-là. Cela m’a déprimée pendant six mois. Je me suis dit que je ne pourrais jamais faire ce dont je rêvais.

P. M. : C’est alors que votre vie bascule, le jour où votre père vous demande ce que vous voulez réellement faire et que vous répondez spontanément : « Des cours de théâtre »…
E. Z. : Ce qui est mystérieux, c’est que je n’avais pas encore conscience que je voulais faire ça. Quand il m’a posé la question, c’est comme si, face au métier de danseuse qui se fermait à moi, une autre lumière surgissait tout d’un coup. Je me suis dit oui, je veux essayer, sans même savoir si j’en étais capable.

P. M. : Inconsciemment, n’était-ce pas un défi que vous vous lanciez ?
E. Z. : En analysant a posteriori, c’était comme si la vraie personne qui était enfouie en moi avait compris qu’elle n’allait pouvoir se révéler que par ce métier. Lorsque je suis arrivée au cours de théâtre, c’était merveilleux, j’ai eu envie de me dépasser. Des personnes inconnues jetaient un regard neuf sur moi, c’était totalement coupé du monde de l’enfance.

P. M. : Du personnage que vous incarniez dans « Les fantômes de Louba » de Martin Dugowson, vous disiez : « Lorsqu’on garde tout pour soi, que l’on prend l’habitude de ne rien dévoiler ou plutôt de ne jamais se confier, de rester muette, il faut s’attendre à ce qu’un jour, on pète les plombs. » C’est ce qui aurait pu vous arriver ?
E. Z. : Un truc aurait pu probablement claquer un jour. J’avais beaucoup de complexes par rapport à mon frère qui lisait Proust à quinze ans et écrivait des poèmes. Et, de surcroît, quand votre père est brillant et que, vous, vous passez des week-ends entiers à faire des maths pour récolter des 4 ou des 8, c’est une humiliation. Je me faisais certainement payer de ne pas être à la hauteur, même si je sentais que j’avais une intelligence de vie, une finesse qui n’était pas encore développée.

P. M. : Reste-t-il beaucoup de secrets contenus en vous ?
E. Z. : Dans la vie, je laisse passer très peu de choses. Mes pulsions, je ne les extériorise pas au quotidien comme je le fais sur scène. Je suis plutôt douce et réservée, discrète. Toute mon intériorité et mes secrets, tout ce qui m’a construit personnellement, mes douleurs et mes zones d’ombre, ressortent quand je joue. Heureusement.

P. M. : Ce métier, c’est donc une soupape de sécurité ?
E. Z. : Un exutoire en tout cas.

P. M. : Mais c’est lui qui vous apporte votre équilibre…
E. Z. : Sans aucun doute. Je m’en rends compte depuis très peu de temps, surtout depuis que j’ai joué « La Preuve » au théâtre. Sur scène, il y a une interaction si forte entre soi et le personnage, qu’à un moment, ce dernier disparaît quasiment. Ce personnage qui est écrit et qui n’est pas moi, je le joue avec tout ce que je suis, mes failles, mes folies, mes angoisses, mon univers intérieur. J’ouvre les portes de la maison et ce personnage rentre en moi. Je deviens lui et il devient moi. Il n’y a plus de distance. Je le nourris complètement de ce que je suis faite. C’est comme un immense sac où on mettrait un tas de choses, c’est fouillis, embrouillé, compliqué.

P. M. : Vous avez travaillé avec beaucoup de réalisatrices. Est-ce un choix délibéré de votre part ?
E. Z. : C’est elles qui sont venues vers moi. Avec les réalisatrices, il y a une compréhension mutuelle, une relation de double. Elles se projettent en moi, je sais que je vais finir dans leur armoire à fringues et me retrouver habillée comme elles. Je suis pour elles un miroir total. C’est un plaisir de me laisser prendre au jeu, je me laisse complètement vampiriser. Avec un homme, il y a davantage un rapport de séduction. Si un réalisateur vous choisit, c’est que, même inconsciemment, vous êtes une femme qui lui plaît.

P. M. : Cette part d’exhibitionnisme dans le métier d’actrice, vous la revendiquez ?
E. Z. : Le théâtre me semble beaucoup plus exhibitionniste dans la violence. Au cinéma, il y a cet œil noir qui est d’une impudeur totale, qui vole certaines choses même quand on ne veut rien donner. Mais le secret est distillé par petits bouts. On joue pour quatre ou cinq personnes, le réalisateur, l’ingénieur du son…, puis chacun rentre chez soi. Ce n’est qu’après que les gens nous verront sur un grand écran. Cela ne nous appartient plus, nous ne sommes en même temps que les gens en train de nous regarder. Alors qu’au théâtre, on nous voit en train de faire. Et il n’y a pas de regard précis, c’est comme s’il y avait trop d’amants et de maîtresses. Son secret, on ne peut pas le garder longtemps car il faut aller chercher le public au quinzième rang. Chaque soir, j’ai l’impression d’ouvrir une cicatrice…

P. M. : Aimez-vous jouer les personnages qui vous ressemblent ?
E. Z. : Je n’ai jamais véritablement joué des personnages proches de moi car je ne sais pas trop ce que je suis, j’essaie juste de le découvrir. Je me définirais par rapport à tous mes rôles : ils sont moi à 150 % quand je les joue. Mais dans la vie, je calme le jeu car ce serait invivable de rester avec son personnage toute la journée.

P. M. : Pourtant, beaucoup de rôles que vous avez interprétés sont difficiles, perturbés…
E. Z. : J’aime bien les personnages troublés, troublants, j’aime incarner des rôles qui me bousculent. Si je devais camper un personnage un peu terne, a priori, je m’intéresserais aux failles ; dans la vie, c’est ça qui m’intéresse chez les gens. Chez l’autre, il y a toujours un jeu de masques, de façade. Découvrir ce qu’il y a derrière me passionne. La vérité m’intéresse de plus en plus.

P. M. : Un acteur n’est-il pourtant pas voué plus qu’un autre au mensonge ?
E. Z. : Non, je ne mens pas quand je joue. Et dans la vie, je suis plutôt très à fleur de peau, cœur sur la table, j’ai besoin de rapports vrais. Comprendre pourquoi telle personne agit de telle ou telle manière, ça me fascine.

P. M. : Cette quête de la vérité vous a-t-elle conduite à mieux vous connaître par l’intermédiaire d’un spécialiste ?
E. Z. : J’ai suivi une psychothérapie à la suite d’un drame amoureux. Ça a été une grande révélation, une expérience extraordinaire que je conseillerais à beaucoup de gens. On élargit ses capacités, on devient soi-même, on se trouve davantage. Je pense que c’est une clé d’apaisement, de sérénité. On en ressort avec une compréhension de la vie et des autres différente.

P. M. : Un passage douloureux ?
E. Z. : Oui. Comme le dit René Char, « la lucidité est la blessure la plus proche du soleil ». Mais il faut parfois en passer par-là pour vivre une nouvelle histoire d’amour, pour pouvoir exister, devenir soi-même. On est le reflet de ses propres angoisses, on est constamment face à ses propres névroses, dans son travail, dans ses histoires d’amour… C’est pour cela qu’on est libre.

P. M. : Votre force de vie semble pourtant être plus puissante que vos angoisses…
E. Z. : Tout ce qui ne tue pas rend plus fort, comme on dit. Même les échecs amoureux que j’ai pu subir, je m’aperçois qu’ils ont été une bénédiction. Cela m’aurait manqué de ne pas les vivre. On est parfois forgé par des histoires dures, des moments violents. C’est comme si on était constamment mis à l’épreuve par la vie qui vous dit : « Je sais que tu es capable de passer cette difficulté ».

P. M. : Fataliste ?
E. Z. : Assez. Je pense qu’il faut savoir saisir la chance quand elle se présente mais il arrive un moment où on ne peut plus agir pour soi-même, les choses s’écrivent pour nous.


> Lire d'autres interviews

 

main
cadeau signes-et-sens-magazine-leader-magazines-gratuits-web gratuit signes-et-sens-magazine-leader-magazines-gratuits-web magazine Votre Blog & Forum de Signes & sens



 
 

Signes & sens, le site créé pour les femmes et les hommes respectueux de l'écologie relationnelle et environnementale...


Signes & sens Web
Psycho | Développement personnel | Santé / Forme | Sport & loisirs | Médecines douces | Bio | Cuisine | Beauté / Bien-être | Parapsychologie | Jeux / Psy-tests | Psychobiographies | Interviews | Bulletins d'humeur | Espaces : Psycho - Être - Confiance en soi | Parents - S'entendre - Relations positives |  Coaching - Se réaliser - Maîtrise de soi | Zen - Se régénérer - Beauté intérieure | Amour - S'aimer - Couple et intimité | Foi - Être croyant - Engagements | Astro - Prédire - Ésotérisme - Horoscope | Création - Créer - Expression artistique | Détente - Se libérer - Vitalité du corps et de l'esprit | Beauté - (Se) séduire - Bonheur d'être soi | Minceur - S'alléger - Changement harmonieux | Forme/Santé - Se ressourcer - Douceur de vivre | Habitat - (Se) préserver - Confort intelligent | Bio - Vivre sain - Respect de soi et des autres |  Spécialistes : Psychothérapies - Psychologie - Psychanalyse | Bien-être et santé - Vitalité - Bio | Parapsychologie - Spiritualités vivantes - Thérapies alternatives | Développement personnel - Coaching | Stages et Formations | Jeux-test - Bilans psychologiques gratuits | Conférences Psy Audio gratuites - MP3 | Astuces pratiques maison | Conseils Doctophyto|Ne déprimez plus | Nos prénoms nous parlent | Phrases positives de réussite | Foire aux questions Parapsy | Mes bonnes résolutions | Bons plans | Vos envies ont leur solution | Professionnels, dites NON à la crise | Shopping | Encore + de partenariat professionnel |Notoriété et référencement | Optimisation Web | Réseau social alternatif / Forums & Blogs.

Signes & sens Pratique

Service Publicité - Tél : 09 64 27 16 19

Signes & sens Mémo
Signes & sens - 17 Boulevard Champfleury - 84000 Avignon - Tél : 04 90 23 51 45



Mentions légales  Signesetsens.com ©