Grégory Havret
Un champion qui touche du bois !
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Le golf français n’a pas à se plaindre ! Merveilleusement
représenté par Grégory Havret qui compte maintenant à son
palmarès des victoires de rêve, celui-ci nous invite — avec
tact, intelligence et passion — à entrer au club…
Signes & sens Magazine : Qui est Grégory Havret ?
Grégory Havret : Né en 1976, j’ai vécu à côté de La
Rochelle, puis à Paris. Mes parents m’ont mis au
golf dès 8-9 ans. Au début, je n’aimais pas trop ça mais à partir de 1988, à l’âge de 12 ans, nous avons
habité sur un golf et j’ai été « piqué » par ce virus.
Je me suis énormément entraîné, j’ai beaucoup joué.
J’ai fait le C.R.E.P.S de Toulouse, un « Sport Études », puis l’armée en sportif de haut niveau en qualité
de golfeur. Ensuite, je suis passé « pro » et il est
vrai que depuis une dizaine d’années les choses me
sourient…
S & s : En tant que père de famille, êtes-vous partisan
d’une éducation qui consiste, lorsque les
parents sentent un potentiel chez leur enfant, à
pousser celui-ci ou préférez-vous, comme le préconisait
Françoise Dolto, laisser jaillir le désir ?
G. H. : Je pense qu’il est important que l’enfant s’épanouisse
par lui-même. Forcer un enfant à faire
quoi que ce soit est sûrement la pire des choses.
Néanmoins, il existe sûrement tout un tas de manières
intelligentes pour amener un enfant à penser
qu’un sport est plus ou moins bien, qu’une option est
plus ou moins bonne pour lui. Mes parents ne s’y
sont pas forcément bien pris… ni mal pris
d’ailleurs ! Le fait est qu’aujourd’hui, j’adore le golf
et que je me suis profondément épanoui en évoluant
dans ce jeu grâce à un certain nombre de copains. Si
je n’avais pas eu ces copains qui faisaient la même
chose que moi, j’aurais eu certainement du mal à
jouer seul jour après jour…
S & s : Qu’est-ce qui fait la différence entre un excellent joueur et un champion ?
G. H. : L’une des grosses clés de la réussite au golf
réside dans la continuité, dans le fait de toujours y
croire, dans les bons comme dans les mauvais
moments, d’insister, de toujours faire la même routine
en faisant confiance à ce qui nous fait bien jouer
de temps en temps. Ne pas partir dans tous les sens
en prenant les conseils de l’un puis de l’autre… Je
pense qu’il faut dès le début bien s’entourer et suivre
constamment une ligne directrice, quelle que soit la
difficulté de l’étape, de l’escalade. Les grands
champions sont ceux qui y ont toujours cru…
S & s : À qui pensez-vous ?
G. H. : Je vois de très bons joueurs de golf autour de
moi qui font toujours la même chose, qui sont toujours
avec le même coach, qui y croit, qui ont des
moments de doute mais qui avancent quand même.
Ils ne sont pas forcément très connus, tels Bradley
Dredge, Nick O’Hern, Richard Green. Mais on peut
aussi remarquer chez un très grand champion
comme Tiger Woods, par exemple, que sa routine est
systématiquement identique depuis un certain nombre
d’années. Mike Weir a toujours les mêmes drills,
répète constamment son swing d’essai de la même
manière depuis maintenant 6 ou 7 ans que je le
connais. C’est vraiment un facteur que l’on retrouve
assez souvent chez les champions…
S & s : On a toujours l’impression que le sportif de
très haut niveau vit un rêve mais on voit bien au
travers de vos propos qu’il faut que ce rêve soit
accompagné de nombreuses qualités comme la persévérance,
un recentrage permanent sur soi et une
forte personnalité. Rajouteriez-vous un conseil
pour nos jeunes lecteurs qui liront cette interview ?
G H. : Outre la persévérance, l’acharnement dont
j’ai parlé précédemment, il est important qu’ils trouvent
du plaisir dans ce qu’ils font, qu’ils s’épanouissent
avec des copains parce que le golf où ils pratiquent
est particulièrement sympa, alors que celui qui
est 5 km à côté l’est moins. Dans ce dernier cas, les
joueurs vont moins accrocher, donc moins s’épanouir,
moins revenir et ne pourrons pas devenir
champions. Un club convivial est très important et
joue sur la suite d’une carrière.
S & s : Vous est-il arrivé d’avoir eu envie de tout arrêter ?
G. H. : Non. Il se trouve que jusqu’à aujourd’hui –
je touche du bois ! – je n’ai pas eu de réelles difficultés
à affronter. Que ce soit au niveau professionnel
ou personnel. Les choses ont toujours plus ou
moins évolué logiquement. J’ai progressé d’année
en année. J’ai toujours fait mon bonhomme de chemin.
Je n’ai jamais remis en question le fait que ce
jeu est profondément en moi et m’accompagne au
jour le jour…
S & s : Vous avez à votre palmarès de superbes victoires
comme l’Open d’Écosse, d’Italie, où vous
vous êtes véritablement imposé, où vous avez largement
honoré la France. Peut-on parler de passion
chez vous ?
G. H. : Oui, oui il n’y a pas de doute ! Une vraie passion.
S & s : Petit, aviez-vous nourri d’autres rêves ?
G. H. : Pas vraiment. Je me suis épanoui dans le golf à partir de mes 12 ans. Les moments où je n’étais pas à l’école ou en famille, je rêvais golf, je pensais golf,
je marchais golf… J’ai aussi ce petit côté en moi qui
m’a permis de progresser, celui d’aimer me retrouver
seul pour une après-midi sur un parcours, m’entraîner à ma manière…
S & s : On imagine, en vous écoutant, que vous êtes
quelqu’un de très sérieux. Cela a-t-il toujours été le
cas ?
G. H. : Non ! Par le passé, j’ai beaucoup profité de
la vie. Je suis un épicurien. J’aime les amis, ma
famille. J’ai besoin d’eux pour avancer. Le golf a
cette particularité qui permet de vivre un peu en
décalé… Mais on a besoin pour cela d’être bien dans
sa tête. Lorsqu’on est épanoui, on est plus à même
d’avancer.
S & s : Vous est-il arrivé de tomber dans la superstition,
dans des rites, à l’image de certains champions
qui se signent par exemple ? Cela fait-il partie de
votre personnalité ?
G. H. : Oui et non. Un petit peu dans le sens où j’ai
tendance à jouer avec une titleist 7 : 7 étant le mois de
naissance de ma femme et de ma fille ainsi que le
mois où j’ai gagné le tournoi en Écosse. Donc une
petite pointe de superstition à ce niveau mais pas
plus ! Au contraire, je suis enclin à penser que plus on
va contre la superstition, mieux c’est ! Si j’ai bien joué
habillé tout en blanc un certain jour, je me dis que j’ai
déjà joué tout en blanc et que je ne le ferai plus. Ce
qui est une superstition aussi…
S & s : Vous cassez donc le schéma qui vous a réussi…
G. H. : Exactement…
S & s : Quels sont vos objectifs en 2008 ?
G. H. : Ils sont à long terme. J’ai 31 ans et pas mal
d’années de golf devant moi, j’espère... Il y a quatre
tournois majeurs dans lesquels j’ai envie non seulement
de jouer mais d’être bon. J’ai vraiment envie
de jouer la Ryder Cup avec des objectifs assez hauts.
Pourtant, je fais au jour le jour ce que j’ai à faire et
je me dis que les choses qui doivent venir viendront
et que celles qui ne viendront pas ne viendront pas
parce que je ne les ai pas forcément méritées.
J’essaie à ma manière d’avancer, de me motiver. Une
motivation de tous les jours qui consiste à taper une
balle après l’autre. Là est mon vrai moteur…
S & s : « À chaque jour suffit sa peine », disent les Écritures. Vous prenez vraiment les événéments au
fur et à mesure avec beaucoup de confiance en
vous ?
G. H. : Oui. Je sais que je ne jouerai jamais comme
Tiger Woods mais je ne m’interdis rien et je joue au
niveau que je mérite. J’essaie tous les jours de faire
en sorte de le mériter le plus possible.
S & s : C’est à la fois très lucide mais dur aussi…
G. H. : Pas forcément dur. De cette manière, je n’ai
pas l’impression de subir des échecs. Lorsqu’on est
trop fixé sur un objectif et qu’on ne le réalise pas, on
ne le vit pas bien.
S & s : Pensez-vous que les pouvoirs publics mettent
suffisamment d’outils à disposition pour que
les jeunes rentrent davantage dans cet univers qui
passe toujours pour élitiste ?
G. H. : Il est vrai que le golf a encore ce côté impopulaire.
Il ne s’est pas vraiment démocratisé comme
on l’espérait il y a une dizaine d’années. Mais on en
prend quand même le chemin. Il y a de plus en plus
de golfeurs en France malgré le retard que nous
avons sur les pays anglo-saxons. Le golf est très
respecté en Afrique du Sud, aux États-Unis, même
au Japon d’ailleurs… surtout au Japon. En Italie, il y
a à peu près 80 000 golfeurs, 20 ou 25 000 au
Portugal. Nous nous situons au milieu. Les choses
avancent petit à petit. On a probablement besoin
d’un champion charismatique qui fasse évoluer les
mentalités comme Yannick Noah a pu le faire pour le
tennis il y a 25 ans. Aujourd’hui, même si quelques
pros en France jouent très bien, nous n’avons pas
encore touché le Graal et marqué notre temps, notre
génération. Tant que ceci ne sera pas fait, le golf aura
du mal à plus se démocratiser.
S & s : Êtes-vous sollicité par l’humanitaire ?
G. H. : Oui. On nous demande d’ailleurs peu :
emprunter notre nom, venir une fois de temps en
temps dans une manifestation. Fabrice Tarnaud
monte un événement au mois de septembre « Le
Green Velvet » qui parraine « Les Petits Princes »,
une association qui s’occupe des enfants malades
dans les hôpitaux. Nous essayons d’aider par des
ventes aux enchères de maillots signés. Il y a aussi un
ami qui a été victime d’un accident de la route et qui
est tétraplégique. Il organise tous les ans à Agen une
journée au cours de laquelle on essaie de récolter un
maximum d’argent pour aider l’association qu’il a
créée, «Demain Debout Aquitaine». Mon nom est
ainsi souvent utilisé pour soutenir des événements
golfiques liés à des combats humanitaires...