Henri Leconte
Un homme de terrain “ jusqu’au-boutiste ”
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Sa drogue, c’est le tennis ! Selon Henri Leconte, les gens le disent prétentieux de prime abord, puis découvrent un personnage plutôt sympathique. Il insiste : cette image de synthèse n’est pas la sienne… Nous pouvons en témoigner. Henri Leconte renvoie une image très positive, il donne du “ punch ” ! Très à l’écoute, on le sent “ jusqu’au-boutiste ” ; il commence d’ailleurs une reconversion professionnelle mise au service des autres et, en particulier, d’une jeunesse qui peut s’inquiéter. Ses qualités de cœur vibrent à l’unisson de sa sensibilité ; sa drôlerie le rend accessible…
Psychanalyse Magazine : Quelle est la question que vous aimeriez qu’on vous pose ?
Henri Leconte : “ Que m’a apporté la réussite ? ” - la réussite mais aussi la décadence car, parfois, on réussit puis on perd tout ; on refait alors sa vie pour repartir dans une autre direction…
Ma vie tennistique m’a appris à me connaître plus rapidement ; je n’ai que trente sept ans ; j’ai arrêté mes études à quatorze ans ; j’ai réussi grâce à beaucoup de volonté, à un peu de talent et à ma mère aussi qui m’a donné la faculté de pouvoir bien jouer au tennis en ayant un bras peut-être différent de celui des autres ! J’aime la vie, étant honnête, sincère, me donnant souvent trop, de façon impulsive, même si, avec l’expérience, j’arrive à me dominer. Mon métier a, par ailleurs, toujours été un jeu. J’ai manifestement plus appris lorsque je perdais un match, que lors d’une situation dramatique. J’aime prendre des risques. Grâce au tennis, j’ai réussi à passer des caps exceptionnels et j’ai pu avoir des heures de joie où j’oubliais certains problèmes ; ça me permettait de prendre du recul. Une personne m’a dit un jour, “ il faut toujours regarder sa vie sur le trottoir d’en face ” ; c’est une ligne de conduite fantastique qu’il faut comprendre : se mettre en retrait comme en trois dimensions et analyser, à ce moment-là, la situation. Je crois qu’on arrive à mieux se connaître lorsque l’on a des périodes difficiles.
P. M : Vous avez fait allusion à la trahison et à la déception ; comment faites-vous pour arriver à “ récupérer ” lorsque vous êtes trahi ?
H. L. : Mon truc est très simple, c’est la famille, les parents, les amis. On a beau être connu, avoir de l’argent, on reste tout de même un être humain, sensible. Mes racines sont importantes ; je les ai perdues à un moment mais, lorsqu’on est “ entier ”, la vérité revient au galop.
P. M. : Comment abordez-vous les difficultés sentimentales ?
H. L. : Je suis très “ fleur bleue ”. Quand je donne quelque chose, je donne à cent pour cent. Lorsque je suis déçu, j’essaie de trouver des solutions et si je me rends compte que l’on m’a utilisé, je ne fais pas de cadeau. Mon rêve était d’avoir des enfants à la maison, le chien, le feu dans la cheminée… Mais, malheureusement, ça n’a pas fonctionné parce que j’ai une vie différente de tout le monde.
P. M. : Avez-vous un prototype de femme idéale ?
H. L. : Non, il n’y a pas de femme idéale. Un couple est fait de concessions à deux. Pour être heureux, il faut s’aider mutuellement, ne pas chercher la petite bête et avoir ses vrais amis autour de soi, sans essayer d’influencer l’autre.
P. M. : Vous êtes célèbre ; comment ne pas vous tromper quant à vos amis ?
H. L. : On se trompe, on prend des claques tous les jours ! On n’est jamais à l’abri ; au contraire, je suis toujours sollicité par plein de personnes voulant utiliser mon nom pour faire quelque chose. Mais ça fait partie du jeu. C’est normal.
P. M. : Le terme confiance fait toujours partie de votre vocabulaire ?
H. L. : Tout le temps ! Confiance, sincérité, sensibilité. Je suis issu d’une famille un peu vieille France, où l’éducation est très importante, comme offrir des fleurs à une dame, lui tenir la porte… Je crois que c’est la base ; je dis toujours à mon fils d’être galant. La galanterie, ça se perd ! Chez moi, c’est quelque chose d’essentiel.
P. M. : Quand votre fils de quatorze ans entend ce type de discours, comment réagit-il ?
H. L. : Bien. Je suis assez dur avec mes enfants mais juste, tout en leur transmettant que lorsqu’on est gentil et prévenant, on s’en sort toujours dans l’existence. La politesse, c’est une base.
P. M. : Votre fils Maxime et le sport ?
H. L. : Ce n’est pas facile pour lui ; être le fils d’un père connu, ce n’est pas évident mais il s’en sort bien. C’est un matheux, il “ marche ” très bien à l’école et joue au tennis pour s’amuser. C’est un môme génial, avec une maman fantastique. S’il est comme ça, c’est surtout grâce à sa mère. Je m’entends parfaitement bien avec elle.
P. M. : Avez-vous réussi votre séparation ?
H. L. : Oui, mais avec beaucoup de temps ! Les déchirures sont longues et mettent du temps à cicatriser.
P. M. : La société actuelle, constituée d’enfants issus de familles recomposée, vous inquiète-t-elle ?
H. L. : Aujourd’hui, on divorce aussi vite qu’on se marie ; on ne fait plus de concession, quand ça ne va plus, on part. Il y a quinze ou vingt ans, les divorcés étaient montrés du doigt ; maintenant ça devient normal…
P. M. : Que diriez-vous de la place du sport dans la société ?
H. L. : C’est une place très importante parce qu’elle permet de se purger, de libérer son esprit, en oubliant tout ce qui est néfaste. Le sport pourrait être un remède contre ce qui se passe dans le monde comme la drogue, la techno, Internet… L’être humain a besoin de respirer ! Par contre, le corps humain n’est pas fait pour faire du sport de haut niveau ; je le sais car j’ai été opéré cinq fois. Je ne me suis jamais dopé mais lorsqu’on va au bout du corps humain, il casse car ce n’est pas une voiture ; on ne change pas une pièce pour que tout reparte ; c’est plus difficile. Le cœur n’accepte pas tout, c’est la plus belle machine du monde mais il faut qu’elle se repose, qu’elle se recharge. C’est primordial.
P. M. : Qu’est-ce qui fait la différence entre un sportif de type “ Monsieur tout le monde ” et un sportif de haut niveau ?
H. L. : Le désir et le talent. Tout est dans la tête ; lorsque l’on veut quelque chose, il faut y aller au mental. Pour ma part, j’ai une grosse difficulté : j’oublie les chose négatives, les défaites importantes ; elles ne restent pas ancrées dans ma tête.
P. M. : Votre plus belle défaite ?
H. L. : Ma finale à Roland Garros car c’est là où j’ai appris ; j’étais le dos au mur, je m’en suis sorti ; je suis un battant.
P. M. : Vos projets ?
H. L. : Mes projets sont de rendre les gens heureux autour de moi. Aider les enfants parce que c’est important, donner mon expérience du tennis parce que c’est toute ma vie. On va créer un “ Henri Leconte Tour ” en 2001 et se rendre dans les petites et moyennes villes de France jouer, partager cette joie de vivre. Je mène une vie intéressante dans ce monde des affaires où je commence tout doucement à entrer.
P. M. : Êtes-vous un affairiste ?
H. L. : Je ne l’étais pas du tout, je me suis fait beaucoup avoir mais je le deviens, étant bien entouré et apprenant peu à peu à négocier au mieux.
P. M. : Est-ce une preuve d’humilité que de savoir s’entourer de professionnels ?
H. L. : C’est déléguer et c’est la chose la plus importante. Personnellement, je m’entoure de gens capables de gérer à ma place car je suis un rêveur… J’adore rêver. Lorsque je fais jouer les enfants dans les villes où l’on fait des exhibitions, ils me regardent avec de grands yeux. Je n’oublie pas que j’ai joué contre Nastase à l’âge de douze ans : j’ai fait deux balles, je m’en souviens encore ! Ce sont des moments qu’il ne faut pas négliger, on doit les partager. C’est comme signer des autographes, ça ne me gêne pas ; ceux qui vont à Saint-Tropez et qui ne veulent pas se faire photographier, qu’ils aillent dans le Limousin et ils ne seront pas embêtés !
P. M. : Avez-vous un avis sur le journalisme aujourd’hui ?
H. L. : Je préfère le journalisme d’aujourd’hui à celui d’il y a vingt ans qui faisait des interviews et ne connaissait rien au tennis. Actuellement, il y a d’anciens sportifs de haut niveau qui deviennent aussi Présidents de fédérations. Ce journalisme a évolué. Il y a beaucoup plus d’humilité. Mais quel pouvoir donnent une colonne et un stylo ! Dire que ce l’on veut et faire du mal en deux minutes… Quand on le sait, on réagit différemment !
P. M. : Êtes-vous déjà tombé dans le piège d’une question dont vous avez regretté votre réponse ?
H. L. : Bien sûr mais, lorsque c’est fait, c’est fait ; on ne peut plus revenir en arrière ; de plus, si vous appelez le journaliste pour qu’il enlève certains événements, il en rajoute !
P. M. : Le mot pardon ?
H. L. : Je pardonne mais jusqu’à un certain point…
P. M. : La limite à ne pas dépasser ?
H. L. : C’est être traîné dans la boue, être humilié. Lorsqu’on est touché au plus profond, on ne peut plus pardonner. Pardonner une erreur, c’est facile mais quelque chose de très fort on ne peut pas, comme être accompagné de façon intéressée ou encore la trahison dans le couple, l’amitié…
P. M. : Vous n’avez jamais trahi affectivement ?
H. L. : On trahit affectivement parce qu’à un certain moment on croit aimer quelqu’un d’autre ; on donne, puis on se rend compte que l’on s’est trompé…
P. M. : Qu’est-ce qui fait que vous ayez accepté cette interview ?
H. L. : J’adore tout ce qui est “ psy ”, tout ce qui est à l’intérieur de nous, les façons de réagir, d’analyser et d’être. L’être humain est le plus grand caméléon de la terre ! Il peut être adorable et tout aussi “ enfoiré ” en deux minutes. Le cerveau de l’être humain est étonnant.
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