Ivan Calatayud
La peinture au service de la guérison
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Il est peintre, s’est vu décerner le 1er prix figuratif
moderne au concours « Arts Masters » de
New York et transmet sa passion pour l’art
avec une neutralité paradoxale. Ivan
Calatayud n’est pourtant pas introverti. Il est
secret mais pas distant. Il pèse ses mots qu’il
ne choisit pas au hasard. Pour lui, la peinture
peut être thérapeutique. Il l’a expérimentée.
Zoom sur un artiste sans compromis…
Signes & sens : Que pensez-vous de l’art
en tant que soin, en tant que thérapie ?
Ivan Calatayud : C’est sans doute quelque
chose d’efficace puisqu’au cours des
siècles, des artistes ont démontré qu’ils
ont pu traverser leur existence avec moins de souffrances
que s’ils n’avaient pas pratiqué leur art.
C’est donc bien que celui-ci peut avoir une dimension
thérapeutique intéressante.
S & s : Vous pensez ici à quels peintres célèbres ?
I. C. : Il y en a plusieurs… Je pense par exemple à
Maurice Utrillo, alcoolique à 11 ans, qui a grandi
avec une grande détresse psychologique dans le
Montmartre du début du XXème siècle. Sa mère,
Suzanne Valadon, modèle, peintre elle-même mais
aussi prostituée, a écouté un jour l’avis d’un médecin
qui lui conseilla de mettre le petit Maurice à la
peinture. Et c’est vrai que cela lui a permis de vivre
une existence certainement plus équilibrée. On peut
prendre aussi l’exemple de Salvador Dali qui était
quelqu’un de très torturé. Il a pourtant vécu jusqu’à
84 ans en ayant sublimé un certain nombre de ses
problèmes. C’est un homme qui avait une problématique
identitaire et je crois véritablement que la
peinture l’a sauvé de l’asile psychiatrique et lui a
permis de bénéficier d’une vie plus apaisée.
S & s : Comment expliquez-vous que le fait de projeter
quelque chose sur une toile puisse devenir
salvateur ?
I. C. : L’image que le peintre voit, une fois son
tableau achevé, lui permet d’exister différemment.
Lorsque Salvador Dali a peint ou dessiné des oeuvres
comme « Cannibalisme de l’Automne » ou
« Prémonition de guerre civile », ce type de passages
à l’acte lui a servi à surmonter ses angoisses du moment.
S & s : Avez-vous expérimenté ce phénomène ?
I. C. : Certains tableaux terminés m’ont effectivement
donné l’impression d’être quelqu’un d’ autre.
Il y a des personnes qui expérimentent cette transformation
avec le cinéma ou le théâtre. En ce qui me
concerne, lorsque je suis content d’un tableau, j’ai
la sensation de ne plus avoir de problèmes. Puis j’en
fais un autre, peut-être pour échapper à la réalité… Toutefois, si on peut y voir une certaine fuite, c’est
tout de même mieux que la drogue ou l’alcool, substances
dans lesquelles certains artistes pourraient
sombrer s’ils n’avaient pas ce moyen d’expression.
S & s : Que l’on soit peintre amateur ou professionnel,
la peinture permet-elle de « booster » son
narcissisme ?
I. C. : Effectivement, lorsqu’il m’arrive d’avoir
l’impression de réaliser de bons et beaux tableaux,
je me trouve moi-même plus beau ! Alors que mon image dans le miroir n’a pas changé. Je me sens
pourtant plus fort, comme si le résultat de mon travail
sur la toile revenait sur ma personne.
S & s : Une sorte de re-flexion au sens « miroir »
du terme ?
I. C. : Tout à fait, alors que paradoxalement je reste
le même…
S & s : Projeter de la matière sur la toile fait-il
ainsi qu’on se débarrasse de ce que la psychanalyse
nomme « faux self », c’est-à-dire ce qui n’est
pas fondamentalement soi ?
I. C. : Je me souviens d’une époque où, sur des
séances de travail qui pouvaient durer deux ou trois
jours sur un même tableau, il ne se passait rien. Je
prenais un chiffon et effaçais tout. Je voyais alors
surgir une forme que je me mettais à travailler et là,
ça fonctionnait très bien… À ce moment précis,
cette forme était certainement une projection de
quelque chose que j’avais en moi et que je n’ai fait
qu’exploiter…
S & s : Une sorte de sublimation ?
I. C. : Oui, c’est ça.
Pour contacter Ivan Calatayud
www.artdaujourdhui.com
e-mail : icapela@wanadoo.fr
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