Si dans “ L'échec scolaire ”, Françoise Dolto écrit que ce qui est important chez un être humain, “ c'est ce qui le fait vibrer, ce qui l'intéresse, ce qui l'émeut, c'est ce qui ne se voit pas, mais qui le fait vivre et qui donne sens à sa vie ”, Louis Nicollin, Président du football-Club “ Montpellier - Hérault ” livre, à sa façon, les fondements de toute réussite...
Psychanalyse Magazine : Est-ce dans votre caractère de faire des paris ?
Louis Nicollin : Les paris ? Non ! C'est la passion surtout ! J'ai toujours été passionné par le football et le sport en général. J'ai eu l'occasion de monter à Montpellier une équipe de football ; en fait c'est venu comme ça... ça c'est imposé à moi...
P. M. : Qu'en est-il de votre légendaire collection de tee-shirts de sportifs célèbres ?
L. N. : Faire une collection, c'est mon côté enfant. C'est le seul moment, lorsque je m'en occupe, où je ne pense à rien... Une heure par jour, c'est bien ! Et puis il s'agit de souvenirs ; ce sont les joueurs, eux-mêmes, qui me les ont donnés... Cantona, Platini...
P. M. : Prônez-vous le dépassement de soi, à la mode dans la société actuelle ?
L. N. : Je suis Président mais ce n'est pas moi qui joue et qui peux marquer des buts... Donc le dépassement de soi ? En fait, il y a des matchs que je sens et alors tout va bien, puis d'autres que je ne sens pas et où j'essaie de faire passer quelque chose ; mais c'est difficile car, avec une équipe, il y a aussi un entraîneur... et beaucoup d'autres facteurs... Ainsi, à un quart d'heure ou vingt minutes de jeu, on sait si on peut prendre le dessus ; on voit si on est supérieur. Lorsque ce n'est pas mon équipe qui joue, je suis très décontracté car, si on perd, ce n'est pas une catastrophe ! A moins qu'il y ait, dans le jeu, un ou deux joueurs de mon équipe...
P. M. : Le sport et le jeu en général vous apparaissent-ils comme des moments privilégiés de la vie ?
L. N. : C'est vrai que ce sont des moments privilégiés à tous points de vue. Dès lors qu'il y a un déplacement, je ne peux pas être triste car je suis entouré d'une bande de copains... Mais pour avoir tout cela, il faut travailler...
P. M. : Gagner ou perdre sont des mots qui doivent faire partie de votre quotidien ; quelle résonance ont-ils pour vous ?
L. N. : Gagner, c'est merveilleux ; il ne faudrait jamais perdre ! Nous sommes toute une équipe, mes collaborateurs et moi-même, à avoir inculqué la force de gagner au Groupe Nicollin. Ceux qui disent “ moi je ” sont des comiques, jamais personne ne réussit seul ! Autrefois, l'individu avait plus de chance de réussir ; c'est plus difficile aujourd'hui où il faut engager une masse de travail considérable.
P. M. : La réussite est-elle à envisager comme un cadeau ?
L. N. : Cadeau empoisonné parfois car, si la réussite permet de faire plaisir à un entourage, ils ne sont pas tous là par amour, par fidélité ou pour le bénévolat ! Ils sont là parce qu'on réussit... Sur les dix ou douze qui sont autour de moi, si demain on mange des sardines avec le travailleur portugais, seront-ils tous là ? Quand on réussit, on est toujours entouré. Mais, encore une fois, une réussite ça se construit à plusieurs et à ce moment-là, c'est une joie pour tout le monde ! Je n'ai jamais été individualiste ; quand je vais dans mes entreprises, je suis content de voir sur le parking de belles voitures. C'est facile de dire cela lorsqu'on n'a pas besoin d'argent mais l'argent n'est pas ce qui me motive en réalité. Quand, à quinze ans, les copains, des fils à papa pour la plupart, dont je faisais partie, s'en allaient sur la Côte, alors que moi je ramassais les poubelles derrière les camions, ça marque... Mon père m'a appris qu'un gâteau ça se partage !
P. M. : Le sentiment d'injustice est-il omniprésent dans le cadre du sport ?
L. N. : Injustice quelquefois à cause de l'arbitrage ou de ceux qui se dopent mais cela existe depuis toujours. Je l'accepte maintenant que j'ai pris de l'âge mais, il y a quinze ou vingt ans, il m'est arrivé d'être à deux doigts de frapper l'arbitre ! Puis, lorsqu'on mûrit, on accepte plus de choses car on se dit que l'homme qui arbitre est un humain et qu'il a le droit de se tromper...
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