Les bons soins de Michèle Freud

C'est en créant la Société Psychologique du Mercredi que Freud ouvrit à des non-médecins les portes de la psychanalyse. Pourtant, la transmission de la psychanalyse n'est pas toujours aisée, en particulier pour ceux à qui elle est léguée en héritage. La filiation passe souvent par de nombreux évitements se succédant jusqu'au moment d'une possible acceptation : le pont de vue de Michèle Freud, arrière-petite-fille de Sigmund Freud et sophrologue.

Psychanalyse Magazine : Comment assumez-vous votre patronyme ?
Michèle Freud : Tout simplement ; il est vrai que c'est un nom qui n'est pas toujours facile à porter, ce qui m'oblige d'ailleurs à oeuvrer sans cesse au travers de mes recherches sociales et personnelles. Je reste imprégnée par Anna Freud, la fille de Freud, que j'ai côtoyée. C'était une femme qui passait beaucoup de temps à lire les livres de son père, continuellement en recherches psychanalytiques. Elle a beaucoup contribué au développement de la psychanalyse. Nombre d'auteurs s'en sont inspirés, notamment en ce qui concerne le phénomène de la résilience ; elle était une des premières à dire que les enfants malheureux ne seront pas forcément malheureux toute leur vie.

P. M. : Votre grand-père, fils de Freud, était architecte et a reconstitué à Londres l'appartement viennois de son père ; n'a-t-il pas ainsi, lui aussi, contribué à transmettre la psychanalyse ?
M .F. : C'est évident. Dans notre famille, la psychanalyse a joué un rôle déterminant. Mon père, fils d'Ernest, et ses parents, sont partis à Londres pour y trouver et y préparer la maison de Sigmund. Mon père, à l'époque, avait huit ans et ne parlait pas un mot d'anglais, la famille étant alors installée à Berlin ; ils sont, malgré tout, tous partis afin de préparer au mieux la venue de ce père et grand-père célèbre, pour qu'il y soit à son aise ! Freud y a très peu vécu, une année seulement car il était déjà fort malade. Ernest a beaucoup contribué au développement de la psychanalyse. Il était d'ailleurs l'exécuteur testamentaire de son père.

P. M. : La psychanalyse, pour votre père, était un sujet tabou...
M. F. : Ça ne m'a pas dérangée car tout ce qui est " tabou " attire et la psychanalyse m'a donc forcément beaucoup attirée ! J'ai suivi une analyse pendant de longues années, bien avant de m'intéresser à la sophrologie, par curiosité intellectuelle et parce que j'avais beaucoup de choses à régler, compte tenu de mon histoire. La sophrologie présente une dimension maternante, spirituelle peut-être aussi ; c'est un outil de médiation corporelle très intéressant.

P. M. : Alors qu'aucun pays du monde ne “ reconnaît ” officiellement à aujourd'hui la psychanalyse, quelle place accordez-vous aux diplômes ?
M. F. : Ce qui est primordial c'est la valeur de la personne. Il y a des gens diplômés qui ne sont pas à leur place. Ce qui me paraît le plus important, se sont les valeurs humaines, l'empathie, l'humilité, l'écoute... Un diplôme ne permet en aucun cas de supposer que le professionnel détient la vérité. Dans le même registre, il est de bon ton, actuellement, d'adhérer à un syndicat...Pour ma part, j'ai toujours suivi ma propre route, m'imprégnant de tout ce que je pouvais entendre, écouter, apprendre, sans appartenir à aucune obédience ; je ne veux pas me mêler de quelconques querelles de clocher, totalitaires et aliénantes, qui limitent ; Freud, en ce sens, avait raison.

P.M. : Qu'appelez-vous “  sophroanalyse ” ?
M.F. : C'est une sophrologie où l'on va au-delà du conscient, c'est-à-dire que l'on va se servir de ce niveau, se situant entre veille et sommeil, pour laisser émerger un certain “  matériel ” ; ce peut être sous forme de symboles, sous forme d'un “ voyage ” ou tout simplement en état de rêve éveillé. La personne parle de son rêve mais elle n'en parlera pas en état de veille attentive, comme dans une conversation mais dans cet autre niveau, ce qui permet de travailler sur un matériel différent. C'est innovant et ça ramène à l'hypnose que Freud certes réfuta !

P. M. : Vous recevez des sportifs ; la condition physique ne suffirait-elle pas à leurs performances ?
M. F. : Je me suis occupée, il y a quelque temps, d'une équipe de handball qui est allée jusqu'à la “ transcendance ” grâce à la sophrologie, ce qui a été une expérience très riche pour moi. Voilà plusieurs années, on m'avait contactée pour me signaler cette équipe qui perdait tous ses matchs de manière incompréhensible ; j'ai commencé par recevoir l'entraîneur, puis les joueurs en groupe ; cela n'a pas du tout fonctionné ; je les ai alors reçus individuellement, tour à tour. Chacun avait sa problématique personnelle, soit la peur de gagner, soit la peur de perdre, soit la peur de l'entraîneur etc. De manière individuelle, les uns et les autres ont travaillé sur leur problématique propre puis, parallèlement, j'ai donné une formation en sophrologie à l'entraîneur qui, de ce fait, a réussi à mener cette équipe jusqu'à la coupe de France en demi-finale. Mais, à mon avis, il faut passer par le “ père symbolique ”. Lorsqu'un sportif perd, on dit toujours que c'est le mental qui a lâché ; le mental est important. Noah faisait, lui aussi, de la sophrologie et a mené ses équipes aux niveaux très intéressants que l'on sait.

P. M. : La transmission doit donc respecter  un certain ordre établi ?
M. F. : On ne peut transmettre que dans l'humilité, sinon on est dans la toute-puissance. Être thérapeute, c'est avoir fait le deuil de sa toute-puissance.

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