« Ça ne nous regarde pas ! »… Ainsi revient, dans le célèbre sketch des Inconnus, un leitmotiv qui décrit admirablement bien le ridicule de ces trois présentateurs sportifs qui ne savent pas rester à leur place, se mêlant de la vie privée des athlètes. Si, pour Sigmund Freud, le rire relève aussi d’un mécanisme de défense inconscient, c’est bien que nous pouvons parfois nous reconnaître dans ces débordements caricaturaux…
> Je maîtrise mes impulsions verbales
Tourner 7 fois sa langue avant de parler constitue un adage populaire plein de bon sens. Demandez-vous, avant d’émettre un jugement, un avis intempestif, si vous êtes directement concerné par la situation. Pour exemple, votre belle-sœur a décidé de quitter votre frère : cette décision est en lien avec une histoire de couple qu’il ne vous appartient pas de commenter. Ce qui ne vous empêche pas de témoigner de votre affection lorsque ce sentiment est sollicité.
> Je ne fais pas de prosélytisme
Charité bien ordonnée commence par soi-même : voilà un autre proverbe qu’il est bon de garder à l’esprit lorsque nous voulons à tout prix imposer à un interlocuteur une philosophie qui ne lui correspond manifestement pas. Évitez les injonctions récurrentes du type Tu devrais faire ci, tu devrais faire ça. Ce n’est pas parce qu’un comportement vous a été profitable qu’il le sera pour votre alter ego. Se prendre pour le Sauveur est le piège dans lequel le prosélytisme peut jouer un rôle dommageable. D’autant que ce processus pathologique ne concerne pas seulement le domaine religieux ou spirituel. On peut avoir effectué un travail sur soi enthousiasmant et vouloir qu’un membre de l’entourage (conjoint, ami) en fasse autant. C’est cependant oublier que ce type de cheminement relève de l’intimité de chacun. Il est toujours voué à l’échec lorsqu’il est envisagé dans le but de répondre à une injonction, aussi séductrice soit-elle.
> Je règle mon abandonnisme
Il arrive aussi que nous nous immiscions maladroitement dans l’existence d’un proche par peur qu’il nous abandonne. Les crises de jalousie récurrentes et leur cortège de souffrances prennent leur source dans ce mal-être objectivement infondé. Pourtant, cette attitude ne résout absolument rien. Bien au contraire. Prenez plutôt conscience que si votre partenaire est à vos côtés, c’est qu’il le désire. Acceptez une fois pour toutes qu’il ne soit pas toujours disponible et stoppez vos reproches inquisiteurs. Les inconscients communiquant, à force de laisser votre imagination échafauder des scenarii-catastrophes, vous prenez le risque que l’être aimé, de guerre lasse, épouse dans la réalité votre construction mentale.
> Je fais confiance et je reste à ma place
L’enfer est pavé de bonnes intentions, dit-on ! Sous prétexte d’être attentif à sa progéniture, une maman s’installe près de sa fille occupée à effectuer des divisions. Première erreur : à aucun moment Julie n’a exprimé une quelconque demande d’aide. Ne pensez pas être un mauvais parent si vous ne vous occupez pas des devoirs de vos enfants. C’est une activité qui concerne exclusivement l’élève et l’enseignant. La suite n’est pas exceptionnelle : la maman est intriguée par la méthode utilisée par Julie, qui ne correspond visiblement pas à celle qu’elle a jadis appliquée. La deuxième erreur est une confusion au niveau d’un espace/temps : la maman se resituant dans un espace et un temps révolus, elle usurpe la condition d’élève de Julie. Ma méthode est beaucoup plus simple, je vais te l’expliquer. Et voilà la troisième erreur, la pire : la mère devient la maîtresse ! Son comportement, parti d’une attention objectivement louable, aboutit à une désorientation de Julie qui se met à sangloter. Conclusion : par angoisse, cette mère n’a réussi qu’à saper la confiance de sa petite fille et à nier le travail d’un professionnel de l’Éducation Nationale. Ne confondez plus votre rôle de parent avec la fonction d’enseignant. Ce sont deux positions distinctes. D’ailleurs, les mêmes erreurs se produisent quand certains professeurs dépassent leurs prérogatives en entrant, en toute bonne foi, dans des principes éducatifs familiaux qui ne les regardent en aucune manière.
> J’identifie mon positionnement et je m’interroge
Chaque fois que votre intervention auprès d’un tiers qui n’en n’a pas fait la demande génère une tension relationnelle, c’est le signe qu’une ingérence s’est produite. Pour exemple, votre petit-fils ou votre petite-fille n’étant pas sous votre responsabilité légale, il n’y a rien d’étonnant à ce que vos relations avec vos enfants se compliquent à propos d’une différence de point de vue en terme d’éducation. La sagesse consistera à vous demander systématiquement à quoi vous renvoie votre débordement. Avez-vous réellement accepté que votre fille ou votre fils ait fondé sa propre famille ? Il ne s’agit pas ici d’une auto-culpabilisation stérile mais plutôt d’une opportunité à se détacher du passé pour envisager l’avenir autrement.
En résumé
L’Histoire enseigne qu’une ingérence, aussi justifiée qu’elle puisse paraître, aboutit toujours à des évènements dramatiques. Il en est à l’identique dans la vie quotidienne. Combien de conflits allez-vous vous éviter, ainsi qu’à votre entourage, en prenant la ferme résolution de vous cantonner à votre propre espace existentiel. Aucune trace d’égoïsme ou d’indifférence n’est à redouter au travers de cette bonne résolution. Il s’agit juste de prendre une distance salvatrice.