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La santé et la forme
dans Signes & sens
Comment les oméga-3
protègent-ils le cœur ?
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Aussi convaincants soient-ils, les essais cliniques et les études épidémiologiques apportent rarement des explications biologiques. Or, les scientifiques ont du mal à se convaincre d’un phénomène s’ils ne comprennent pas les mécanismes à l’origine de l’effet observé. Pour expliquer comment les acides gras oméga-3, à chaîne très longue (EPA et DHA), protègent le cœur, trois mécanismes peuvent être évoqués.
Un effet sur les canaux ioniques
C’est à l’équipe d’Alexander Leaf à Boston que revient le mérite d’avoir décrit les effets des acides gras oméga-3 sur les canaux ioniques des cellules cardiaques et donc sur l’activité électrique de ces cellules. Cette activité électrique est essentielle pour la coordination de l’activité mécanique du cœur. Les oméga-3, en modulant l’activité de certains canaux ioniques, stabilisent l’activité électrique des cellules (elles sont moins excitables). Cet effet stabilisant est surtout important lors d’une attaque ischémique, c’est-à-dire quand le cœur est privé d’oxygène du fait de l’occlusion de l’artère. Cet effet « stabilisant » empêche la diffusion dans le tissu d’une activité électrique chaotique (fibrillation ventriculaire) qui, normalement, conduit à l’arrêt cardiaque.
Un effet sur le système nerveux végétatif
Un régime enrichi en oméga-3 a de profondes conséquences sur les nerfs du système nerveux végétatif (système sympathique et parasympathique) qui contrôle l’activité électrique du cœur et, en particulier, la variabilité du rythme cardiaque. La variabilité cardiaque est la propension du cœur à varier de fréquence en fonction des évènements (efforts, émotion par exemple). Plus la variabilité instantanée du rythme cardiaque est élevée, moins le risque de fibrillation ventriculaire est grand. Des chercheurs danois ont montré que la variabilité du rythme cardiaque était fortement dépendante de la concentration en oméga-3 du cœur et du sang. Ils ont même montré dans un essai en double aveugle qu’en augmentant les apports en oméga-3, ils obtenaient une augmentation très nette de la variabilité cardiaque, donc une diminution du risque d’arythmie ventriculaire maligne.
Un effet « vaccin » contre la crise cardiaque
Le muscle cardiaque est capable de développer ses propres défenses pour résister aux effets de la privation d’oxygène résultant de l’occlusion de l’artère coronaire. Si, à plusieurs reprises, on provoque une brève occlusion d’une artère coronaire (1 ou 2 minutes) avant une occlusion plus longue (30 à 60 minutes) qui, inéluctablement, provoque la destruction cellulaire (l’infarctus du myocarde), la masse de tissu nécrosé observé est au moins deux fois plus petite qu’en l’absence de ces brèves occlusions préalables. Une sorte de vaccination contre les dommages de la crise cardiaque sur le muscle cardiaque ! De nombreuses équipes ont cherché à comprendre le mécanisme de ce préconditionnement et à mettre au point, sans succès jusqu’à présent, de nouvelles molécules susceptibles de le mimer dans l’espoir d’en faire de nouveaux médicaments. En fait, seules deux interventions préventives, toutes deux nutritionnelles, ont permis de reproduire le préconditionnement ischémique : la consommation modérée d’alcool et, surtout, la consommation d’acides gras oméga-3 !
Docteur Michel de Lorgeril et Patricia Salen*
*Pour en savoir plus, lire :
"Le pouvoir des oméga-3",
Docteur Michel de Lorgeril et Patricia Salen,
Éditions Alpen
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