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La psycho
dans Signes & sens
S'occuper de ses petits-enfants
sans dérives ni débordements
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Le grand-parent d’hier n’est plus. Il a été remplacé par un grand-parent plus moderne, jeune, actif et en meilleure santé. Exit les mamies confiture d’antan, leur temps est révolu… Place à la nouvelle génération dynamique et peut-être plus individualiste : celle du "on a élevé nos enfants ; alors maintenant, on en profite". Pris par d’autres centres d’intérêt, nos mère et père sont moins disponibles pour accueillir et s’occuper de nos chères têtes blondes.
Pourtant, voilà des personnages essentiels de la vie de l’enfant. Ils constituent la clé de voûte d’une mémoire familiale, hélas trop vite soumise à l’oubli. Les enfants le savent bien, d’ailleurs. Et c’est avec respect et tendresse qu’ils écoutent les récits du passé. Ils en gardent, parfois avec nostalgie, des odeurs, des sons, des saveurs inoubliables, des anecdotes qui participent à leurs souvenirs d’enfance. La figure de l’aïeul est, pour la plupart, valorisée et adorée. Mais au-delà de l’amour prodigué, c’est avant tout un héritage et une transmission que les aïeux se doivent d’assurer à leur descendance.
Le beau rôle
Débarrassés des responsabilités éducatives de leurs propres enfants, les grands-parents, lorsqu’ils choisissent d’assumer leur statut, jouissent du beau rôle : celui de partager plaisir et complicité. Ils sont censés donner autant d’amour que les parents. En outre, ils font davantage preuve de patience et sont incontestablement moins sévères. La présence des grands-parents constitue une base sécurisante dans le devenir de l’enfant. La manière dont ils mobilisent leur passé, tout en lui donnant un sens, inscrit le petit d’Homme dans un ordre symbolique. Ils y relient le présent et permettent une continuité de liens. La filiation a besoin de leurs témoignages. Ces aînés d’une toute autre époque sont source d’équilibre : le petit enfant sait, grâce à eux, d’où il vient et connaît son histoire à travers la découverte de la tribu. Ainsi, il trouve sa place et s’enracine dans l’histoire familiale qui échappe parfois à la connaissance même de ses parents ! Il perçoit des différences de mode de vie et de pensée ; ces distinctions, même si elles appartiennent à un autre temps, sont porteuses de valeurs et contiennent aussi des limites et des règles. De fait, la relation marque une forme de distance par rapport au nid quotidien, où des habitudes se défont en faveur de nouvelles. L’enfant se laisse aller dans un cadre plus souple où l’atmosphère, moins stressante, lui permet de se faire cajoler, de se confier, de laisser apparaître un autre visage. Pour exemple, un enfant – obligé d’être prématurément autonome dans la vie de tous les jours – aura besoin de plus de réconfort qu’il trouvera alors auprès d’une écoute attentive. Un autre livrera ses petits secrets. Tandis que l’enfant modèle révèlera un tempérament plus téméraire.
Un espace/temps de liberté
Chez les grands-parents, petite-fille ou petit-fils prend un plaisir évident à transgresser certains interdits imposés par ses parents ! Un autre espace de liberté lui est ici ouvert. L’enfant sait inconsciemment que ses grands-parents ont une implication moindre dans son éducation. Alors que la grand-mère apporte, par le récit des contes et légendes, une composante affective, le grand-père, dans un rôle plus initiatique, offre la possibilité de découvrir et de comprendre le monde. Les grands-mères connaissent toutes des recettes, les grands-pères ont réponse à tout ! La force tranquille de ce couple procure au bambin un fort sentiment de sécurité auquel s’ajoutent bien souvent des rituels immuables. De plus, il prend conscience que ses propres parents ont été eux-mêmes des enfants : pouvoir imaginer les bêtises commises par un père sévère dédramatise un conflit et rassure… Le grand-parent se doit d’être un intermédiaire, un médiateur entre les deux générations ; loin de s’investir dans un rôle éducatif (sauf si l’autorité parentale fait défaut), il n’en est pas moins une alternative nimbée de sagesse, de philosophie. Il propose un accompagnement concret puisqu’il n’est plus esclave du système qui fait courir tout adulte accaparé par sa vie professionnelle. C’est dans cette qualité d’écoute et de dialogue que les vrais grands-parents se distinguent. Leur disponibilité fait montre d’un ancrage dans la lignée filiale, tournant les petits-enfants solidement vers l’avenir. Ainsi, accepter de s’occuper de sa descendance revient à transmettre ses valeurs, sa culture, son patrimoine. En passant le flambeau, non seulement le grand-parent communique son savoir-faire mais il renforce les liens entre les générations et s’ouvre aux générations futures. De fait, il prend en compte l’ordre de la nature. Ce qui revient essentiellement à aborder cette avancée dans l’existence comme étape nécessaire au détachement…
Bénédicte Antonin
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