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Il y a quelques années eut lieu en France une vaste polémique concernant une astrologue fortement médiatisée. Celle-ci soutint, à la Sorbonne, une thèse en sociologie intitulée « Situation épistémologique de l'astrologie à travers l'ambivalence fascination-rejet dans les sociétés postmodernes ». Auteur d’un grand nombre d'ouvrages, elle affirme avoir conseillé les plus puissants (notamment François Mitterrand).
Depuis ses origines mésopotamiennes, l’astrologie a toujours côtoyé les grands de ce monde. Les empereurs romains avaient leur astrologue. Si celui-ci se trompait dans leurs prédictions, il était éliminé physiquement. Au Moyen Âge, le Seigneur s’entourait également de spécialistes de cette discipline. Le célèbre Nostradamus était l'un des astrologues attitrés de Catherine de Médicis. Celle-ci le fera d’ailleurs nommer médecin et conseiller du roi Charles IX en 1564. Plus récemment, Richard Nixon, Ronald Reagan, Hassan II, ont fait appel aux lumières d'un astrologue, sans compter ceux qui n’en parlent pas… Mais n’y a-t-il pas un risque à se laisser gouverner par les astres ?
L’astrologie ou l’art de l’interprétation
Céline Legorgeu, astrologue, est très claire : Pour ma part, je ne crois pas que les astres influencent les Hommes. La planète Mars est la planète Mars [planète située à 228 millions de km du soleil. Température au sol variant entre -50° et +20° centigrade, couverte d'oxyde de fer, ce qui lui donne sa couleur rouge, …], et d'influencer les Hommes, elle n'en a cure ! C'est avant tout l'Homme qui s'est choisi Mars comme Dieu de la Guerre et qui a élaboré toute une symbolique autour du rouge, du sang, du désir, de l'adversité et de la guerre. C’est l’astrologue, mais avant tout l’Homme qui a choisi ces symboles comme porte-paroles. L'astrologie ne repose pas sur une relation physique de cause à effet. Je dirais qu'elle repose sur une relation triangulaire où les deux faces d'une même réalité, l'une cosmique, l'autre terrestre, renvoient à une troisième qui est sa signification. Dans cette acceptation, l'astrologie est un art d'interpréter les symboles... Ainsi, plutôt qu’utiliser l’astrologie dans un but politique ou stratégique, il semble plus judicieux d’y voir une opportunité pour discerner le sens des choses. Céline Legorgeu poursuit d’ailleurs : Si j'admets que le Mars de votre ciel symbolise vos qualités martiales terrestres, je suis bien obligée d'admettre une certaine part de déterminisme. L'enjeu n'est pas de vous enfermer dans un carcan mais d'essayer de vous faire ressentir ce que vous êtes essentiellement. En définitive, c'est à vous qu'il appartient de faire bon usage de l'interprétation que je vous donne…
Le bon sens de rigueur
Pour le célèbre astrologue américain Dane Rudhyar, l'astrologie ne peut induire un comportement malsain. L'horoscope ne doit pas servir à prédire l'avenir mais à offrir un guide pour la pleine réalisation des potentialités… Comme toute chose, c’est l’usage qui en est fait qui peut poser problème. La pratique de l’astrologie, qui n’est pas une science, n’est pas plus dangereuse que la radio activité qui, si elle a servi l’humanité, a pu aussi la desservir. Tout dépend du bon sens de l’utilisateur. Et nous en revenons toujours à l’importance de l’éthique du praticien et du politique. L’astrologie doit être considérée comme un outil possible et non comme une fin en soi. En faire une science absolue et exacte reviendrait à nier une certaine liberté au profit d’un déterminisme limitatif. Samuel Djian-Gutenberg, qui a laissé de côté sa formation en sciences politiques pour se lancer dans l’astrologie, explique : Je ne travaille pas sur une astrologie déterministe, événementielle. Pour moi, l’astrologie permet surtout de faire un travail de développement personnel et de connaissance de soi. On apprend à savoir qui on est et on participe au processus d’évolution personnelle…
Prendre la bonne décision
Dans « l'Homme à la découverte de son âme », le psychologue analytique Carl Gustav Jung écrit : Nous sommes nés à un moment donné, en un lieu donné et nous avons, comme les crus célèbres, les qualités de l'an et de la saison qui nous ont vu naître. L'astrologie ne prétend pas davantage. Aussi, les décisions politiques qui peuvent être prises après une consultation astrologique reflèteront une prise de conscience d’un contexte spatio-temporel, selon une grille de lecture spécifique qui ne reste qu’une grille de lecture. Á charge à chaque responsable politique de faire preuve de tout le discernement et l’humanisme qu’on est en droit d’attendre d’un tel personnage. Le recours à l’astrologie peut être envisageable dans la mesure où elle sert l’humanité et où ses praticiens n’en deviennent pas des donneurs de leçon et des gourous. S’il y avait une recette, avec ou sans conseiller astrologique pour que le monde aille mieux, cela se saurait. Quoi qu’il en soit, le devoir de nos gouvernants sera toujours de prendre les bonnes décisions au bon moment pour le bien du plus grand nombre. Qu’importe donc que ceux-ci prennent conseil auprès d’un énarque ou d’un astrologue, s’ils sont en adéquation avec la définition de la politique au sens noble du terme, c’est-à-dire, selon le père de l’art cybernétique Nicolas Schöffer : Une organisation méthodique, théorique et éventuellement pratique des actions d’un gouvernement au pouvoir, sur des bases conceptuelles définies et finalisées, en vue de maintenir l’équilibre social nécessaire au développement optimal et à la cohérence d’un ensemble territorial et de sa population, ainsi qu’à l’évolution de leurs rapports avec d’autres ensembles gouvernés.
Roland Lassus
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