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Vous vous souvenez de Madame Soleil ? Elle pouvait déclencher doutes et sourires ironiques lorsqu’elle s’exprimait à la télévision. Et pourtant, des décennies plus loin, on ne l’a pas oubliée…
Ni elle, ni d’autres grands noms de la voyance, de l’astrologie. Des gens sérieux, érudits, respectables, comme Didier Derlich, Yaguel Didier, Françoise Hardy… On constate cependant, malgré leurs compétences et leurs sources professionnelles, que tous sont obligés de supporter, à un moment ou à un autre, le fait que le crédit qui leur est accordé – du moins officiellement – est mince. De quoi rester toutefois dubitatif à en croire les chiffres qui attestent de la grande fréquentation de ces spécialistes de l’avenir. Curieux que la honte puisse accompagner ceux qui consultent au point de le taire en règle quasi générale. Étonnant aussi que l’opprobre ne soit pas très loin dès lors qu’il s’agit de prédictions.
Qui consulte ?
Avant tout – mais on l’oublie souvent – les gens malheureux en amour, en ménage, en famille, au travail (quand ils en ont…) et tous ces déprimés de la vie qui cherchent à sortir du tunnel qui n’en finit plus d’assombrir les mois ternes qui s’enchaînent au gré de leurs tourments et de leurs désespoirs. Le problème, témoigne Lucile, médium, c’est que l’ensemble de la société est tellement négatif, vis-à-vis de notre profession, que nos consultants en arrivent à douter du travail d’interprétation que nous leur faisons… C’est un cercle vicieux, ajoute-t-elle. Et de conclure : Comment aider quelqu’un à y voir clair si sa vue est brouillée par des inepties qui circulent tout au long de l’année sur des professions qui ont plus que leur place dans un monde où l’instabilité affective et la précarité sociale règnent ? On retrouve ce coup de gueule tout à fait justifié chez Huguette Hirsig, dans son ouvrage « Prévoir par l’astrologie » paru aux Éditions de Mortagne : Chaque fois que je reçois une consultante dans mon bureau, écrit-elle, je demeure surprise de constater combien l’astrologie est généralement mal comprise… Elle ajoute que tout pronostic astrologique a une part de relativité que l’on ne doit jamais oublier… Est-ce ce qui dérange les plus récalcitrants ? Sûrement. Mais il faut savoir que, dans ces cas-là, ces personnes résistent de la même façon dans le quotidien : elles ne consultent pas un médecin mais dix, elles font vérifier leurs analyses médicales deux ou trois fois, l’avocat qu’elles ont choisi ne convient jamais… Dommage car les bons professionnels existent dès lors qu’on leur fait confiance. Cette règle est valable dans le domaine prédictif.
Un vrai rôle
L’ésotérisme est plusieurs fois millénaire et comme en atteste le très sérieux Petit Larousse illustré, il s’agit d’une « partie de certaines philosophies anciennes qui devait rester inconnue des non-initiés ». À l’époque, on prenait donc la chose très au sérieux. Il se pourrait d’ailleurs que de par le climat sociétal perturbé actuel, les sciences occultes regagnent leurs galons d’antan. Manuel témoigne : Il y a deux ans, j’ai perdu mon emploi de peintre en bâtiment. Josiane, ma belle-sœur, fréquentait régulièrement Myriam, une voyante, à la suite d’une déception amoureuse qui l’avait conduite à consulter pendant plusieurs mois un psychiatre. Celui-ci, redoutant qu’elle se suicide, l’alourdissait de tranquillisants. Myriam est arrivée à lui faire supprimer ces béquilles chimiques. Elle lui avait annoncé qu’elle rencontrerait un homme à sa convenance dans une sorte de cours de danse. En fait, Josiane a eu un coup de foudre (réciproque) pour Michel lors d’un réveillon, en dansant avec lui… Je n’avais rien à perdre. J’ai consulté Myriam moi aussi. Les cartes que je tirais étaient bonnes selon elle. J’allais retrouver un emploi mais pas dans ma branche professionnelle. C’est chose faite : je suis gardien de nuit… Manuel ajoute : Je sais que j’ai aujourd’hui ce travail car Myriam a ouvert mon horizon. L’essentiel était que je retrouve un rôle social. Mon métier devenait secondaire. De plus, je suis convaincu maintenant que je me serais tué si j’avais gardé mon boulot initial… Manuel offre un témoignage qui va précisément dans le sens de ce que Melody Beattie exprime dans son livre « Agir avec son cœur », publié aux Éditions Sciences et culture : Le destin doit suivre son cours, dit cet auteur canadien. Pourtant, vous devez également faire votre part, ajoute-t-elle… C’est ainsi que toutes les prédictions sont utiles car elles nous amènent et nous poussent à réagir, à agir, à bouger la clé dans la serrure, à ouvrir la porte, à fuir l’immobilisme, à vaincre nos limites limitatives, à dépasser ce qui n’a plus lieu d’être.
Aline Bessemer
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