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L’élément lexical « para », signifiant en grec « à côté de », pourrait exprimer aussi l’idée de « protection contre » comme dans parapluie ou parasol. Ainsi, l’ambivalence que constitue le langage peut nous amener à être « à côté de la plaque » si l’on s’intéresse au paranormal. Ou, au contraire, à protéger notre ouverture d’esprit face aux certitudes d’une raison résonnante qui voudrait tout expliquer au risque de se prendre pour le centre de l’Univers.
Aborder le paranormal, c’est déjà s’entendre sur le normal. Or, d’après le dictionnaire, est normal ce qui est dépourvu de tout caractère exceptionnel. Ce qui tendrait à penser que sur trente élèves d’une classe, s’il se trouve un seul élève de couleur, celui-ci pourrait être qualifié de paranormal !
Des phénomènes à prendre au sérieux
Sigmund Freud, le fondateur de la psychanalyse, que l’on ne peut qualifier d’inconséquent du point de vue de la rigueur scientifique, s’est intéressé aux phénomènes dits « occultes » et notamment à la télépathie. Dans une conférence faite en 1922, intitulé Rêve et télépathie, le célèbre psychanalyste conclut son exposé avec une grande humilité et une belle ouverture d’esprit : Ai-je éveillé chez vous l’impression que je voudrais subrepticement prendre parti pour la réalité de la télépathie dans son sens occulte ? Je regretterais beaucoup qu’il soit difficile d’éviter une telle impression. Car j’ai voulu être pleinement impartial. D’ailleurs, j’ai toutes les raisons pour cela car je n’ai pas d’opinion, je ne sais rien là-dessus... Ainsi Freud, tout en prenant sérieusement en compte le phénomène paranormal, se méfiait des récupérations qui pouvaient en être faites par quelques théories dogmatiques fumeuses, tentées à l’époque – comme aujourd’hui d’ailleurs –. Il ne cherchait pas non plus à expliquer le paranormal à l’aide d’une religiosité incompatible avec la science psychanalytique. Un autre grand spécialiste de l’inconscient, Carl Gustav Jung, publie en 1958 un livre, « Un mythe moderne », dans lequel il se propose d’interpréter des témoignages d’ovnis à la lumière de la psychologie des profondeurs et du concept d’inconscient collectif. La théorie jungienne repose sur l’hypothèse qu’il existe un fondement commun à tous les peuples à travers tous les âges. Cette idée/force considère donc sans a priori toutes les manifestations dites paranormales dans la mesure où elles sont, quoi qu’il en soit, l’expression d’une réalité psychique digne d’être prise au sérieux.
Le paranormal spontané
Il est coutume de nommer paranormal spontané l'ensemble des expériences dites paranormales de la vie quotidienne : il s’agit des rêves prémonitoires, des guérisons inexpliquées, des visions, des apparitions, des phénomènes de clairvoyance, etc. Ces manifestations ne font pas l'objet de consensus quant à une explication scientifique. Il est vrai que celles-ci se produisant de façon spontanée, il est impossible de les étudier au sein d'un laboratoire. Pourtant, la parapsychologie tente de se livrer à l'étude rationnelle, approfondie et pluridisciplinaire, de phénomènes semblant inexplicables en l'état actuel de nos connaissances scientifiques et qui mettraient en jeu le psychisme et son interaction avec l'environnement. Ainsi, les parapsychologues pensent que la croyance du sujet en ces phénomènes conditionne en partie les résultats. Parmi les champs d’étude de la parapsychologie, on nomme psychokinèse ou psychokinésie (PK) l’interaction d’un individu avec son environnement, selon des modalités non expliquées à l’heure actuelle. Le pionnier en la matière est Joseph Bank Rhine. Ce professeur assistant de psychologie publia de nombreux travaux sur des expériences pour le moins troublantes. Pour exemple Hubert Pearce, futur pasteur méthodiste, sujet soumis à un test consistant à faire deviner des cartes, devina correctement les 25 cartes d'un paquet, résultat qui a une chance sur 3 multipliée par 10 puissance 7 (3 suivi de 17 zéros) d'être dû au hasard…
Les mystiques, une énigme pour la science
La mystique Marthe Robin (1902-1981) interroge toujours le monde scientifique et rationnel par le fait que durant quatre années, sa seule nourriture était l’hostie. Marthe Robin, aveugle et paralysée, restera pendant plus de cinquante ans alitée. Chaque semaine, son corps manifestait la passion du Christ : les stigmates. Cet état ne l’empêchera pas d’être à l’origine des Foyers de Charité, une œuvre présente dans le monde entier.
L’histoire de Thérèse Neumann, née le 8 avril 1898 en Bavière, met aussi notre logique à rude épreuve. Le 10 mars 1918, en essayant d’éteindre un incendie, Thérèse se blesse la colonne vertébrale. Une chute lui fait perdre partiellement la vue. Convalescente, elle chute de nouveau. Une troisième chute lui occasionne des syncopes avec catalepsie, des déformations (jambe gauche tordue et repliée). À partir du 17 mars 1919, elle devient totalement aveugle et partiellement sourde muette. Deux apophyses de l’épine dorsale enfoncées entraînent une paralysie des membres inférieurs, avec escarres purulents. Elle sera examinée par six médecins différents qui constatent son état. De 1923 à 1926, elle bénéficiera de plusieurs guérisons miraculeuses instantanées : 29 avril 1923 double cécité guérie, 3 mai 1925 gangrène guérie, évitant l’amputation prévue, 17 mai 1925 guérison des lésions vertébrales, des plaies du dos et de la paralysie, en extase, il y a cicatrisation des escarres et remise en place de son pied gauche le 13 novembre 1925, au cours d’une autre extase, guérison d’une appendicite purulente, puis le 19 novembre 1926, pneumonie double guérie toujours au cours d’une extase. Elle dort une à deux heures par nuit, n’a ni sécrétions ni évacuations (urines, selles...). Elle pratique un jeûne absolu et se contente elle aussi d’hosties humectées d’eau… Le psychiatre et psychanalyste Jacques Lacan définissait le réel à l'aide de l'aphorisme : le réel, c'est l'impossible. Et si le paranormal était justement là pour interroger chacun d'entre nous à propos d'une réalité abstraite qui nous est inhérente, à savoir l'existence d'un inconscient qui possède sa propre logique, structuré comme un langage paradoxal !
Raymond Herbin
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